Sandra: Nous allons maintenant à nouveau discuter sur le sujet VIH et travail, sujet que nous avons abordé à la précédente émission avec Françoise Lebrun, coordinatrice du COREVIH Haute-Normandie et Françoise Anselme, médecin du travail à Rouen. Il restait quelques questions en suspens. Joëlle est partie à la chasse aux informations pour vous. Qu’as-tu à nous dire Joëlle ?
Joëlle : Nous l’avons évoqué la semaine dernière, ce n’est pas une obligation pour les personnes vivant avec le VIH de révéler leur séropositivité à leur employeur. D’après les articles 225-1 et 225-4 du Code du travail aucun exercice professionnel n’est interdit aux personnes séropositives. L’employeur peut toutefois imposer un examen médical au moment de l’embauche afin de déterminer l’aptitude à exercer l’emploi, mais en aucun cas le médecin de santé ne peut révéler l’état de santé du candidat à l’employeur et le demandeur d’emploi n’a pas à produire les résultats d’un test de dépistage des anticorps anti-VIH selon la loi n° 90-602.
Sandra : Un employeur peut-il refuser d’engager une personne séropositive ?
Joëlle : Un employeur n’a le droit de demander au candidat que des renseignements présentant un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou les aptitudes professionnelles requises pour le poste. Le principe de “non-discrimination en raison de son état de santé” posé par le Code pénal et de la santé lui interdit de rechercher ou de se faire communiquer des informations d’ordre médical.
Sandra : Maintenant distinguons secteur public et privé.
Dans le secteur privé le Code pénal réprime le refus d’embaucher une personne en raison de son état de santé sauf si le médecin du travail déclare que la personne ne peut pas occuper ce poste.
Dans le secteur public c’est l’administration qui statue sur l’embauche et peut la refuser pour incompatibilité. Mais en cas de sida avéré les médecins agréés et les comités médicaux donnent un avis sur la compatibilité de votre état de santé avec le poste.
Au mois de décembre dernier, les députés ont modifié un décret qui rendait possible d’écarter les candidats à la formation aux fonctions de personnel au sein des compagnies aériennes. Avant, il était possible d’exclure les personnes séropositives de cette formation sur le motif de leur séropositivité, ce n’est plus possible depuis cette modification.
Par ailleurs, pour certaines professions, l’interdiction d’exercer certaines tâches est liée au fait que certains Etats interdisent leur accès aux personnes séropositives tels que le Qatar, la Russie ou Singapour, vous pourrez consulter la liste qui est disponible sur comitedesfamilles.net.
L’employeur pourrait refuser d’engager une personne séropositive à un poste qui demande une condition physique parfaite comme le métier de pilote ou chirurgien.
Sandra : Concernant cette dernière information, nous devons encore faire des recherches. Joëlle a vu cette information sur un blog d’un avocat. Nous demanderons plus de précisions je pense par exemple aussi au syndicat des pilotes pour savoir qu’est-ce que ça veut dire vraiment “condition physique parfaite”
Il existe également des conditions d’aptitude physique fixées par le ministère de la Défense pour l’entrée à certaines professions comme par exemple l’armée qui impose d’atteindre un score minimum dit score SIGYCOP, traduisant l’aptitude à exercer certaines tâches. Leur dernier texte règlementaire du bureau d’aptitude médicale et expertise du 1er octobre 2003, relative à la détermination de l’aptitude médicale à servir ne précise rien s’agissant des personnes séropositives.
Sandra : Je vous invite maintenant à écouter Françoise Anselme, qui est donc médecin du travail, sur ce sujet.
Début de l’enregistrement.
Françoise Anselme : Il y a des fonctions, par exemple les policiers et tout, ils ont des critères, il y a des pathologies qui doivent être interdites, mais c’est au sein de critères bien spécifiques, de fonction publique ou de sécurité etc. Or, moi je n’ai pas ces textes-là en tête parce que je ne suis pas dedans en fait je suis dans la fonction publique hospitalière et on n’est pas trop concernés. C’était aussi l’idée parce que je me suis remémoré une conversation que j’avais eue avec la docteure Françoise Borsa-Lebas, qui était experte en fait régional, au niveau du VIH et justement qui pour des gens qui devaient rentrer dans des fonctions publiques où les textes et les pathologies sont toujours ciblées, par exemple les maladies intestinales chroniques, inflammatoires chroniques de l’intestin ou sclérose en plaques et VIH en faisaient partie, il y a certains critères d’admissibilité dans des écoles ou des choses comme ça qui sont en retard on va dire par rapport à l’évolution des thérapeutiques et de la prise en charge des patients et c’est vrai qu’il faudrait que vous revérifiiez si vous passez ça un peu plus tard à l’antenne, parce que je pense qu’effectivement les fonctionnaires, de police et tout je me demande s’il n’y a pas des critères à ce niveau-là. Je ne suis pas certaine à 100%.
Sandra : D’accord.
Françoise Anselme : J’ai une expérience un peu ciblée on va dire. Mais en théorie ça ne devrait pas, mais ça devrait être statutaire lié à des régimes particuliers d’embauche, notamment en France. Donc qui ne sont pas forcément exportable dans d’autres pays vous voyez ?
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Françoise Anselme, médecin du travail à Rouen au micro de l’émission de radio « Vivre avec le VIH », qui pense que dans les écoles de police par exemple, pour se former, il y aurait des restrictions pour les personnes séropositives, à cause d’anciens textes. Alors là je vois l’heure, on a déjà fait une demi-heure d’émission, et je sais que José doit malheureusement partir et oui malheureusement.
José : Et oui malheureusement je dois vous quitter parce que j’ai un train à prendre pour 13h.
Sandra : D’accord, ok.
José : Ça sera la prochaine fois.
Yann : Un train pour la Martinique ?
José : On ne sait pas encore, peut être pour bientôt. Je vous souhaite bonne continuation et puis à bientôt.
Tous : Merci José, au revoir.
Sandra : Alors on va continuer la discussion tout de même. Alors déjà, est-ce qu’il y a quelques réactions sur ce qu’on vient d’entendre ? Sur les informations qu’on vient de vous donner.
Yann : Oui moi je voudrais rappeler que rares sont les métiers où l’accès aux séropositifs est interdit. Après il doit y avoir une liste qu’on pourra mettre, je ne sais pas sur le site. Mais ne vous inquiétez pas, si en plus votre état de santé ne vous permet pas de faire tous les métiers que vous souhaitez, vous pouvez demander à avoir la RQTH, qui est la reconnaissance travailleur handicapé. Je la conseille pour les personnes qui sont un petit peu en faiblesse de santé. Pourquoi ? Parce qu’on a qu’un seul référent. On n’est plus dans cet espèce de gros bordel, qui est pôle emploi. On va au cap emploi et on a qu’un seul référent qui permet de cibler vraiment l’envie et le travail que vous avez envie de faire et que vous pouvez et que votre santé vous permet de faire. Je trouve que c’est un service pointu. Je suis moi-même passé par là. Il y a toujours de l’espoir pour les personnes qui ont envie de reprendre le travail ou de travailler tout simplement.
Sanseverino : Et quand t’as postulé pour rentrer dans la police, il y en a qui n’ont pas voulu de toi alors est-ce que ça t’as déçu ou pas ?
Yann : Ben si tu veux du coup je me suis dit je vais essayer la gendarmerie tout de suite.
Sanseverino : On a quand même des recours.
Yann : Oui on a des recours, absolument.
Sandra : Bon ça c’était une blague, bien entendu (rires). Mais justement, on va continuer. Maintenant, quand une personne séropositive est embauchée, et s’il y a besoin d’une adaptation de poste, comment ça se passe Joëlle ?
Joëlle : Dans le secteur privé l’employeur pourra adapter l’emploi ou le changer en fonction de l’état de santé de la personne. Mais si l’aménagement de poste est impossible, le contrat pourra être rompu. Dans le public, les circulaires du 6 juillet 1989 et du 5 mars 1990 prévoient que « lorsque l’état de santé de l’intéressé le permet, le maintien en activité professionnelle peut être bénéfique pour son état psychologique et doit alors être recherché dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service. »
Sandra : Yann, à la dernière émission, tu as demandé si les métiers de la restauration, par exemple, pouvaient être interdits aux séropositifs, mais en fait, c’est une idée reçue ! N’est-ce pas Joëlle ?
Joëlle : L’association AIDES a recensé une liste de métiers « Faussement interdits ». Petit florilège.
Pour les cadres : absences incompatibles avec des responsabilités.
Métiers de la restauration : risques de transmission du virus par les aliments, fatigue des malades incompatible avec les exigences des services.
Secteur du bâtiment et des travaux publics : fatigue incompatible avec le travail,
enfin est également invoqué le fait que ces personnes seraient souvent dépressives et donc ne doivent pas être en contact avec le public.
Il existe également des idées reçues sur les possibilités de contamination du fait de son activité professionnelle. C’est vrai, des risques existent dans les métiers du soin, mais dans les autres professions (secouriste, pompiers, tri des déchets, pompes funèbres … ), il existe des mesures universelles de protection comme le port de gants de protection.
Sandra : Et je vous propose à nouveau d’écouter Françoise Anselme, médecin du travail à Rouen.
Françoise Anselme : Ensuite ce qu’il faut voir c’est l’incidence que cette séropositivité a sur l’état de santé de la personne et sur les autres c’est-à-dire est-ce que ça la met en danger elle au sein de son travail et est-ce que ça met en danger les autres au sein de son travail ? Par exemple dans le milieu hospitalier un chirurgien qui est séropositif et qui donc opère peut contaminer ses patients, au cours d’un accident d’exposition au sang. Vous voyez ? Et donc en fait ça, ça pose la question de son aptitude à exercer et donc on aura un suivi avec une exigence enfin on est conseillé, mais bon, un souhait d’avoir une charge virale indétectable etc. et donc ça ça peut être amené au sein des entretiens qu’on peut avoir, moi je parle pour le milieu hospitalier parce qu’ils sont salariés les chirurgiens libéraux c’est différent, et ils n’ont pas médecins du travail comme je vous l’ai dit. Donc voilà, donc la question à se poser c’est est-ce qu’il est en danger quand il travaille avec sa séropositivité l’agent en question, ou est-ce qu’il met en danger les autres. Et en fait c’est toujours comme ça qu’il faut raisonner c’est-à-dire que s’il a un poste à risque et qu’il a des malaises parce qu’il a une pathologie, je ne sais pas qui le fait convulser, une toxose cérébrale comme on voyait dans le temps ou des choses comme ça, on ne va pas le laisser forcément à des postes qui le mettront en danger et qui mettront en danger les autres, notamment par exemple des postes de conduite, des postes de sécurité si vous voulez, mais c’est toujours en lien avec le travail, en fait c’est pour ça que les gens ne veulent pas se confier aux médecins du travail, ça je le comprends tout à fait, parce que chacun voit en qui il a confiance et tout. Mais d’un autre côté notre rôle à nous, n’est pas du tout de mettre des bâtons dans les roues des gens, c’est juste faire coller la réalité du terrain entre la maladie et comment elle est équilibrée ou pas et l’adaptabilité et le maintien du poste de travail ou pas. C’est vrai que de fait moi je ne peux pas vous dire un métier qui sera forcément interdit, parce que je pense qu’il n’y en a pas, mais après je pense qu’il faut réfléchir au cas par cas. C’est sur qu’un grutier qui fait des crises d’épilepsie, faudra quand même qu’il travaille sous conditions parce que vous prenez un risque pas que pour lui, mais pour les autres aussi vous voyez ? Donc c’est vraiment très variable en fait. On atteint la notion de discrimination à l’embauche aussi hein. Ce n’est pas parce que les gens vous confient leur séropositivité, que le médecin du travail va leur interdire de travailler. Or, ils ont souvent ça en tête parce qu’ils pensent que le médecin du travail va le dire à l’employeur, et que de toute façon ça sera rappé. Le problème c’est que si ce n’est pas compatible, avec son poste de travail, de façon normal entre guillemets et qu’il faut vraiment demander des adaptations de poste, là c’est sûr que l’employeur il peut dire « Ben finalement moi je peux pas et puis voilà ». Mais le but du jeu, c’est toujours de faire en sorte que les personnes puissent travailler quelque soit la pathologie et la séropositivité n’est pas différente en cela à mon avis de notre conduite à tenir.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Françoise Anselme médecin du travail à Rouen au micro de l’émission de radio, « Vivre avec le VIH ». Est-ce qu’une personne séropositive peut être chirurgien?
Yann : Moi comme ça, mais je n’ai pas l’info, dans mon idée il y a très très peu de métiers qui sont interdits à la séropositivité. Pour cause, c’est que normalement un chirurgien met toutes les protections qu’il faut pour travailler comme un dentiste et tout ça. Je ne vois pas de métiers, après pilote d’avion, de toute façon, je préfère qu’il soit en méga santé.
Sanseverino : Train encore ça va.
Yann : Train voilà.
Sandra : Pilote d’avion comme l’a dit Joëlle dans ses informations, c’est parce qu’il y a encore des pays qui refusent les personnes séropositives, tout simplement en fait. Pilote d’avion je me demandais, mais pourquoi. Pilote d’avion je vois pas pourquoi la séropositivité rentre en jeu. C’est parce qu’il y a des pays qui sont encore à l’ancienne. Donc, mais comme elle l’a dit Françoise Anselme, un chirurgien qui est séropositif, et ben là on va lui demander est-ce que votre charge virale est indétectable? Et donc je rappelle que si une personne séropositive, prend correctement son traitement, à une charge virale indétectable depuis au moins 6 mois et n’a pas d’autre MST, n’est pas contaminante. Donc du coup ça marche aussi, enfin du coup, il n’y a pas de trace du virus dans le sang. Mais de toute façon, on va continuer à en parler, parce que je pense qu’il faut un peu creuser. J’aimerais bien savoir s’il y a des chirurgiens qui sont séropositifs et qui opèrent. Lolita, t’aimerais qu’un chirurgien séropositif t’opère ou pas?
Sanseverino : S’il ne te touche pas à la limite ? (rires)
Lolita : Pourtant pour être moi-même bien concernée par le sujet, c’est vrai qu’on a tous cette crainte. C’est comme la dernière fois j’en parlais avec mon père, justement, si demain je rencontre quelqu’un qui est séropo, pourtant je suis née avec ça, je suis séronégative, mais je suis née avec plein de séropositives autour de moi, et pourtant il y a quand même ce risque, minime qui fait toujours un peu peur.
Yann : Donc je n’ai pas bien fait mon travail de prévention.
Sandra : Mais non ce n’est pas ça. On est tous humain on a tous, …
Lolita : Je ne vais pas mentir on a tous cette crainte-là.
Sandra : Merci pour ton honnêteté.
Yann : Et la Syphilis ?
Lolita : Mais pour répondre à la question, par contre non, ça ne me ferait pas peur parce que de toute façon les normes …
Sandra : Il y a des normes de sécurité.
Yann : Ce qui est beaucoup plus dur c’est quand un séropositif va chez un dentiste, qu’il lui annonce alors qu’il est sur le siège, prêt à se faire soigner et que le dentiste lui dit « Ah ben, écoutez je crois qu’il y a un problème avec votre carte de sécurité sociale », on a des retours vraiment accablants, en 2014, alors on a même un tu te rappelles on a même reçu des dentistes ici, il faudrait peut être qu’on le sache comme ça on se protège plus. « Ah bon, parce qu’avec les autres vous vous protégez mal alors? ». Enfin c’est du n’importe nawak.
Sandra : C’est psychologique. C’est ça tout à fait. Lucas, si un chirurgien séropositif t’opère ?
Lucas : Je préfère ne pas me faire opérer. Tout simplement. Séropo ou pas je n’ai pas envie je n’aime pas ça (rires).
Sandra : Je ne te le souhaite pas, évidemment.
Lucas : Et sinon, Moi ça ne me dérange pas parce que le mec est médecin, il est chirurgien, il connait sa maladie, il sait que s’il opère il ne peut pas la transmettre, il ne prendrait pas de si gros risque. Sauf si bien sûr c’est un médecin… . Jacques L’éventreur ou je ne sais pas.
Sanverino : On voit des fois des infirmières avec tu sais la blouse, un petit peu ouverte.
Lucas : Alors ça, je ne dirai jamais non.
Sandra : Non, mais tu dors pendant une opération.
Lucas : Je m’en fiche, je n’ai pas envie de me faire opérer. Que je dorme ou que je ne dorme pas.
Sandra : Bien sûr. En tout cas on va continuer à chercher des informations sur ce sujet. Si vous avez des expériences à raconter, ou des questions à poser, n’hésitez pas, vous laissez un message sur le site, comitedesfamilles.net ou bien vous nous appelez au 01 40 40 90 25. Quelque chose à rajouter dans l’équipe ou pas ?
Sanseverino : Non non, c’est très très intéressant tout ça. Ça ne m’était jamais venu à l’esprit qu’on puisse douter, franchement d’un docteur. En se disant, il est docteur donc, il est intègre etc. Non, les docteurs c’est des gens comme tout le monde. Il y en a qui peuvent ruser avec leur, j’allais dire leur défaut, non leur maladie quoi. Si ça t’enlève ton boulot le fait de ne pas pouvoir se faire embaucher quand on est séropositif, il a un grand rapport avec le fait de devoir le perdre parce que t’es devenu séropositif entre-temps ou des choses comme ça.
Sandra : C’est pour ça qu’il y a beaucoup de personnes séropositives qui ont peur de parler à leur médecin du travail.
Sanseverino : C’est pour ça moi je ne baise jamais.
Sandra : Ah ben c’est bien.
Sanseverino : Aucune contamination par le sexe.
Yann : Je pense d’ailleurs que pour trouver un chirurgien qui va nous expliquer à la radio qu’il est séropositif on peut toujours courir, je peux vous le dire.
Sanseverino : Masqué ?
Sandra : On peut toujours demander un témoignage écrit, voilà ce sera déjà quelque chose de précieux.
Transcription : Joëlle Hist
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