Sandra : Est-ce que les enfants que vous recevez sont au courant qu’ils ont le VIH ? Sont-ils en mesure de comprendre ? Parce qu’ils doivent prendre un médicament, mais pourquoi je vais prendre ce médicament ?
Charlotte Fontaine : Ça, c’est compliqué.
Yann : C’est le travail du psychologue aussi.
Marie-Armelle Mubiri : Oui. Quand ils sont tout petits, ils ne savent pas. C’est aussi un travail qu’on fait actuellement. On est jumelés, je peux dire, avec un hôpital de Dakar. On est allés là-bas et je trouve, personnellement, j’ai beaucoup appris parce que par rapport à l’annonce, ils sont bien en avance par rapport à nous. Là, les annonces elles se faisaient, il n’y a pas encore… bah on est en train de bouger là actuellement, mais il y a des enfants qui ont 12, 13, 14 ans, qui ne savent pas.
Sandra : C’est tard à cet âge-là pour lui dire ?
Marie-Armelle Mubiri : C’est tard.
Sandra : Pourquoi ? Parce que je sais très bien qu’il y a des parents, même qui ont un enfant pas contaminé par le VIH, eux le sont et ils ont peur d’en parler à leur enfant pour multiples raisons. Il y a déjà des pédiatres qui conseillent de le dire dès 5-6 ans, expliquer tranquillement, sans rentrer trop dans les détails, mais d’expliquer, ils trouvent que c’est mieux. Donc, vous aussi, vous êtes de cet avis ?
Marie-Armelle Mubiri : Le secret, c’est empêcher de penser. Si on empêche un enfant de penser, il ne va pas pouvoir apprendre. S’il ne peut pas réfléchir, comment peut-il faire des apprentissages, être curieux alors qu’on l’empêche de penser ? Un secret, c’est savoir sans savoir. Parce que l’enfant prend ses médicaments, tout le monde sait sauf lui, on en parle sans lui en parler directement. Il sait. Et puis il y a des enfants qui viennent avec, ils ont une maladie des os, ils ont un truc, un machin. Et puis il y a aussi des enfants qui sont très intelligents. Les enfants qui ont des maladies chroniques, on voit qu’il y en a pas mal qui sont bien en avance sur les choses et qui, bah je ne me souviens plus si c’était avec toi Charlotte, mais en éducation thérapeutique, il n’y a pas longtemps, une petite fille de 8 ans, à la fin de la séance je lui dis : «as-tu encore d’autres questions ?» On lui explique quand même virus, je ne sais plus ce qu’elle lui avait expliqué ce jour-là, mais voilà, on dit sans dire aussi et puis elle me regarde et me dit : «oui, et comment elle s’appelle ma maladie» ?
Sandra : Ah ! Et là on répond quoi ?
Marie-Armelle Mubiri : Bah c’est ça, on répond quoi ?
Sandra : Les parents, sont-ils d’accord ou pas ?
Marie-Armelle Mubiri : Là, cette maman, elle n’était pas d’accord. Elle était paniquée, mais c’était une maman avec qui j’avais une bonne alliance et donc j’ai répondu à la petite fille que bon, j’avais bien entendu sa question, que là il était tard, qu’il y avait beaucoup de choses à expliquer, mais que si elle était d’accord, on allait se revoir très vite et qu’on allait en reparler. Je l’ai revue, je ne sais pas si c’est dans la semaine. J’ai dit à la maman clairement : «C’est comme vous préférez, vous lui dites ou je lui dis». Et puis on a fait l’annonce et c’est vrai que ce qui était une crainte énorme pour cette maman, ça l’a soulagée d’un poids. Mais les parents ont peur que les enfants répètent surtout.
Sandra : Est-ce que ça arrive vraiment ça ? Que les enfants répètent ?
Marie-Armelle Mubiri et Charlotte Fontaine : Je n’ai jamais entendu que cela est arrivé.
Sandra : Les enfants ont conscience que c’est quelque chose qui doivent garder pour eux quoi.
Yann : Nous, pour l’expérience des jeunes mamans ou des personnes qui sont nées avec le VIH qu’on a au Comité des familles, le cursus est quand même très compliqué parce qu’on a le cas de certaines personnes qui l’ont annoncé enfant à l’école et qui ont ressenti ce rejet et tout ça. Mais je ne sais pas, chaque parent veut protéger son enfant, je crois que c’est ça et c’est sûr que les enfants ne sont pas tendres entre eux. Donc il y a un risque quand même de rejet quoi.
Alexandre : Il y a un truc qui me chiffonne. À l’école, je peux comprendre qu’il y ait un rejet au collège, car on a eu un premier aperçu de la maladie parce qu’on en a entendu parler dans les médias, tout ça. Mais quand on arrive à l’école, je ne me souviens pas si on me parlait du VIH ou du sida quand j’étais au CP, CE1, CE2, je pense que je regardais les gens avec des yeux ronds en disant :« Je ne sais pas ce que c’est».
Sandra : Bah, moi quand j’étais à l’école primaire, on avait un jeu qui s’appelait “Chat sida”. Donc on jouait au “Chat sida”.
Alexandre : Sérieusement ?
Sandra : Et j’en avais parlé à ma mère et elle m’a dit : «Mais Sandra, il ne faut pas jouer à ça, ce n’est pas drôle, c’est une maladie». Moi, je ne savais pas ce que c’était. Je ne sais pas si dans ma classe il y avait quelqu’un qui était concerné, mais du coup, si un élève était concerné, le pauvre quoi.
Yann : Ah oui, je ne savais pas du tout qu’il y avait des jeux de récréation comme ça.
Sandra : Ouais, c’est horrible, les enfants tu sais, mais je ne savais pas ce que c’était !
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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