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06.09.2017

Depuis 1995, la voix des séropositifs est sur les ondes radiophoniques de FPP

Mohamed et Christian

Depuis 1995, la voix des séropositifs est diffusée sur les ondes radiophoniques, et c’est FPP, Fréquence Paris Plurielle qui sera la première radio sur la bande FM à le faire….

Avant, l’émission ne s’appelait pas Vivre avec le VIH, mais Survivre au sida. Elle était présentée par Reda Sadki, celui qui a fondé avec d’autres, le Comité des familles…

1995 est marqué par l’arrivée des trithérapies et des preuves de l’efficacité de la politique de réduction des risques pour les usagers de drogue. Réda, fondateur et président de l’association, avait déjà à l’époque un temps d’antenne, “les Migrants contre le sida”, sur Fréquence Paris Plurielle (106,3 FM), “la radio des sans-voix” de la région parisienne.

En octobre 95, il démarre l’émission de radio hebdomadaire “Survivre au SIDA”. Elle informe et donne la parole aux séropositifs pour sortir les familles de l’isolement et du mutisme. « Il faut cesser de considérer les malades du SIDA comme coupables de leur maladie, lever les tabous. » En 1997 un malade du SIDA est expulsé de France malgré le soutien initial de toutes les associations de lutte contre le VIH/SIDA qui revendiquent le droit de se soigner pour tous. Lorsqu’il réussit à revenir en France après un long combat, toutes les associations qui l’avaient soutenu avant son départ forcé le laissent tomber. C’est de là que naît l’idée de fonder le Comité.

A l’initiative de la radio, les 25 mai et 22 juin 2oo2, pour la première fois dans l’histoire de l’épidémie, des familles issues de l’immigration et de la banlieue sortent de l’ombre pour revendiquer l’égalité des droits face au SIDA pour les plus précaires, les “oubliés de la maladie” et leur entourage. Elles organisent deux rassemblements publics, place de la Fontaine des Innocents au coeur de Paris. « Ça a pris beaucoup de temps pour faire reconnaître qu’il y avait “quelque chose” dont il fallait parler. Quand ça a été acquis, l’enjeu s’est déplacé et c’est là que l’on s’est rendu compte que beaucoup de gens concernés étaient parents. »

L’engagement et la volonté continue de Reda et des membres à l’initiative de l’émission de radio et des premiers rassemblements ont conduit à la création du “Comité des Familles” puis à l’ouverture de la “Maison des Familles”. « On n’était pas parti pour faire ce que c’est devenu ! » Aujourd’hui, le SIDA frappe silencieusement une nouvelle génération et explose dans leurs pays d’origine. « Nous ne laisserons pas tomber nos sœurs et nos frères qui sont malades, ici ou là-bas. Parce que personne ne le fera à notre place, nous avons besoin de lutter ensemble pour survivre au SIDA et vivre et se soigner dans la dignité. »

À force de toujours réagir dans l’urgence, au coup par coup, et face aux limites de l’entraide et des réseaux informels de solidarité, les membres actifs prennent conscience de la nécessité d’un projet associatif structuré. “Le Comité des Familles pour Survivre au SIDA” est créé le 14 juin 2oo3, à la Cité des 4000 à La Courneuve. C’est la première association imaginée et gérée par des familles vivant avec le VIH – familles qui se sont connues notamment par le biais de la radio.

Il aura fallu huit ans entre la première émission et la création de l’association, délai lié aux difficultés matérielles et à la marginalisation sociale et politique, y compris dans le champ de la lutte contre le SIDA. Les personnes séropositives ont besoin d’un soutien bio-médical mais aussi d’un soutien psycho-social. Même si l’on est entouré par ses proches, il y a des sujets dont on parle plus facilement avec des gens dans la même situation : des traitements, des relations avec ses proches, du rejet de certaines institutions, de la discrimination, de la vie de couple et du désir d’enfant, du pouvoir médical… Le Comité des Familles est un espace d’échanges et de dialogue, il permet aux personnes vivant le VIH et à leurs proches de sortir de l’isolement, offre la possibilité de confier ses angoisses et ses inquiétudes, de trouver un soutien, de s’informer, de partager l’expérience des autres, de vivre des moments conviviaux… Depuis sa création, le Comité des Familles prend de l’ampleur. Les événements organisés rassemblent chaque fois plus de monde pour célébrer la volonté de vivre, d’aimer et de lutter face à l’injustice de la maladie du SIDA, ici et partout dans le monde. Les personnes qui le rejoignent sont d’origines, de cultures et de milieux très différents, attirées par l’esprit familial, direct et ouvert qui le caractérise

En 2005, le Comité organise la première rencontre qui réunit les familles avec des médecins, spécialistes des questions qui comptent : pour les couples, pour ceux qui veulent un enfant… En 2005 aussi, les familles organisent le premier “Méga Couscous des familles”… et un an après, le deuxième “Méga Couscous” réunira déjà deux fois plus de personnes concernées et solidaires… « On ne se montre pas, comme ça, du jour au lendemain, en tant que personne séropo. Le fait de pouvoir rencontrer des gens, parler… ça rompt l’isolement même si ça ne règle pas tous les problèmes et ça démystifie un peu la maladie, la stigmatisation. » Encore en 2009, les personnes vivant avec le VIH sont contraintes à la clandestinité pour éviter les discriminations, le rejet et la violence dont elles font l’objet dans les milieux professionnels, scolaires et, pour certaines, familiaux. « Comment je fais ? Est-ce que je parle à la radio ? Est-ce que je prends un pseudo ? Est-ce que je me montre en photo ? Chaque personne concernée y réfléchit. Assumer avec fierté qui on est et ce qu’on vit c’est tout un travail, ça a des conséquences. »

La Maison des Familles est le premier local auto-géré par des familles concernées par le VIH. A ses débuts les membres fondateurs du Comité se rencontraient dans une cave, à la radio, chez les uns et les autres, dans les cafés… A l’époque où ils se réunissait à La Courneuve, dans un local prêté par l’association Africa, les gens rasaient les murs pour venir. La défiance ne venait pas forcément d’où l’on pouvait l’attendre, du regard des voisins bien sûr, mais aussi des forces de l’ordre… « Le fait que les gens se regroupent et s’organisent fait peur à certains. » L’idée d’un vrai local était en discussion depuis des années et le jour où le Comité s’est mis d’accord pour dire que c’était sa priorité, il a mis deux mois à l’obtenir. Il a identifié un appartement de la régie immobilière de la ville de Paris et l’a gagné par un rapport de force pendant les dernières élections municipales, à coup de manifestation, d’articles dans le Parisien… Un local basé dans Paris peut être un avantage, central pour les gens qui viennent de toute la région et assurant l’anonymat que procure une grande ville.

« Maintenant, avec un lieu, il y a moins à s’agiter pour dire que ça existe. » Les premiers mois ont été difficiles pour ceux qui ont donné vie au lieu parce que “il fallait que ça marche”. Des activités existaient déjà avant la Maison mais ponctuellement (à l’hôpital…).

L’émission hebdomadaire Survivre au sida a vu le jour en 1995, et vous en 1995. Et toi Mohamed, en 1995, où est-ce que tu étais ? Qu’est-ce que tu faisais ? C’était quoi ta vie ? Tu écoutais quoi comme radio ? Je te demande de remonter dans le temps, c’est chaud ! (rires)

Mohamed : Ca fait un peu loin parce que 1995, c’était plus les années où c’était un peu les excès. J’étais très pris par d’autres problèmes qui étaient liés à… 1995, j’étais revenu quand même, après d’autres problèmes de toxicomanie et d’alcool, j’étais en Algérie de 1988 à 1991 et je suis revenu en 1995. Là, j’ai appris que j’avais le VIH et j’ai commencé à m’occuper de moi, de mes papiers, d’avoir un logement, de ma santé. J’étais à Paris. Je ne m’étais pas encore calmé sur l’alcool mais j’avais déjà arrêté les drogues, les drogues dures et puis j’essayais un peu de rétablir ma vie, de mettre ma vie en ordre avec les papiers et avoir un logement. Beaucoup de problèmes administratifs et juridiques qui m’ont demandé beaucoup de temps, beaucoup d’efforts et assez d’argent. A cette époque-là c’était les francs, c’était assez dur.

Sandra : Aujourd’hui, c’est du passé tout ça, ça va mieux.

Mohamed : On va dire que ça va mieux mais le combat continue, ce n’est pas fini.

Sandra : En tout cas, la toxicomanie c’est derrière toi, l’alcool c’est derrière toi et tu as tes papiers !

Mohamed : Oui, j’ai mes papiers, j’ai mon logement.

Sandra : Tu es redevenu entre guillemets Français (rires).

Mohamed : Voilà, un citoyen, avec du mal mais j’ai réussi à reprendre ma place ici en France et puis maintenant ça va mieux. J’essaye d’aider les autres personnes pour qu’elles puissent vivre mieux avec la maladie.

Sandra : Est-ce que tu connaissais Fréquence Paris Plurielle, FPP ?

Mohamed : Je les ai connu mais auparavant quand moi je luttais contre la double peine, les gens qui avaient été expulsés…

Sandra : Expulsés de la France.

Mohamed : Oui, expulsés de la France vers l’Algérie, sous les lois Pasqua. Radio libertaire nous prêtait une heure pour parler de la double peine et des expulsés en général mais plus de la double peine.

Sandra : Radio libertaire, une radio anarchique.

Mohamed : Oui, qui défendait même les détenus en prison, les malades en prison, parce qu’il y a eu beaucoup de choses par rapport à ça, au tout début de l’épidémie, une polémique autour de ça où beaucoup qui disaient il ne faut pas qu’on en parle, d’autres font en parler, d’autres c’est tabou. Puis vient le problème des migrants, c’est les étrangers, c’est les drogués. Donc ça a été un peu complexe pour mettre ça sur la table et puis à l’heure d’aujourd’hui, on peut en parler plus crûment. Je pense que les homos s’affirment, les lesbiennes s’affirment. On voit qu’il y a de l’évolution, le mariage pour tous. Ca avance. C’est bien.

Sandra : On va faire une première pause musicale avec un son qui s’appelle “La maladie du ruban rouge” par Tarek Saâd et Chihab. C’est un morceau écrit tout spécialement pour les familles vivant avec le VIH, pour les auditeurs de l’émission Survivre au sida, chanté en live le 8 janvier 2004.

Diffusion du titre “La maladie du ruban rouge” par Tarek Saâd et Chihab

Sandra : Vous venez d’écouter Tarek Saâd et Chihab pour leur titre “La maladie du ruban rouge”. Mohamed, ton impression suite à l’écoute de ce morceau ?

Mohamed : Je trouve que c’est un très beau titre pour l’époque. Ils ont assuré de faire parler de ça comme ça.

Sandra : 2004.

Mohamed : Ca fait déjà pas mal. Ca a marqué le coup. Les paroles sont assez compréhensibles et ça touche le public concerné et même…

Sandra : C’est très rare qu’une chanson parle de ce jour précis où t’apprends que t’as le VIH et tout ce que ça fait, tout ce que ça procure comme émotions en toi et tout ce qui se passe après, le rejet, tout ça.

Mohamed : C’est bien dit, c’était ça, ils vivaient reclus en dehors de la société et puis c’était délicat à cette époque d’annoncer ça comme ça. Déjà de le savoir et puis de l’annoncer après parmi les tiens, ça fait que tu étais bien qu’entre séropositifs. C’est peut-être bête à dire mais c’était comme ça, pour parler, même si tu ne parlais pas de ça, mais il n’y avait qu’eux qui te comprenaient. Avec les autres, c’était délicat, tu ne pouvais pas trop en parler. Surtout dans les débuts de l’épidémie, c’était féroce je trouve.

Sandra : Aujourd’hui tu trouves que ça a changé.

Mohamed : Oui, c’est plus souple. Moi, quand j’ai été détecté, on ne donnait pas de préservatif, on ne donnait pas de seringue, on ne donnait rien quoi. Maintenant ça va, ils ont sorti le kit, ils parlent plus de la sexualité, ils disent qu’il faut se protéger. Il y a encore le facteur risque mais c’est déjà un peu mieux qu’il y a certaines années où ils étaient vraiment à la traîne, la France, par rapport à la prévention et de délivrer des kits…

Sandra : Le kit, pour se shooter propre comme on dit.

Mohamed : Oui, et avec le préservatif avec. Un kit. Avant dans les pharmacies, ils avaient des préjugés. Une boite de préservatif, non seulement ils ne voulaient pas te la donner ou c’était hors de prix ou ils te disaient “je n’en ai pas”. Et même pour les ados, c’était encore plus dur derrière dans la suite de l’épidémie. Aujourd’hui ça va un peu mieux. C’est aux jeunes de se préserver, de marquer le coup sur l’effet de la prévention. Il ne faut pas qu’ils restent sur un laisser-aller, le sexe c’est rien, on peut s’éclater et puis derrière… parce que ça peut engendrer beaucoup de choses et ça rend des gens malheureux, des familles entières. Et c’est pas très reconnu au sens médical. Ca veut dire qu’une fois que vous êtes VIH, vous n’avez droit à rien. Ce n’est pas comme avant où on vous disait vous êtes une maladie spécifique, un peu comme le cancer. Maintenant comme il y a la trithérapie et tout, c’est devenu presque anodin, ils n’ont pas lieu de s’occuper des VIH.

Transcription : Sandra JEAN-PIERRE

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