Sandra : On parle du droit au crédit pour les personnes séropositives avec l’avocate Samira Hadjadj de Sida Info Service. On en était aux moyens de recours. Qu’est-ce qu’on fait si on est bloqué par l’assureur, le banquier qui refuse de nous accorder le crédit ? Existe-t-il des moyens de recours ?
Samira Hadjadj : Oui. En cas de difficulté de l’application de la convention AERAS, l’une des nouveautés de cette convention, c’est qu’elle a mis en place une commission de médiation. Donc aujourd’hui, concrètement, si on présente un risque aggravé de santé VIH, hépatite, cancer ou autre, qu’on souhaite souscrire à un prêt immobilier d’un montant inférieur ou égal à 320 000 euros, qu’on est âgé de moins de 70 ans à la fin de cet emprunt et qu’on se rend compte que malgré le fait qu’on rentre dans le champ d’application de cette convention, la compagnie d’assurance ne nous propose toujours pas de garantie décès ou invalidité adaptée à notre situation, là il faut saisir en fait la commission de médiation. Alors la commission de médiation est compétente premièrement pour vérifier que notre demande a été instruite aux 3 niveaux prévus. Les 3 niveaux que je vous présentais tout à l’heure. Un premier niveau qui est un examen assez rapide finalement de la demande où l’assurance va proposer simplement son assurance groupe. Le deuxième niveau qui fait l’objet d’un examen un peu plus individualisé. Le troisième niveau qui fait l’objet d’un examen encore plus approfondi et où sont réunis des assureurs et des réassureurs. Donc là, la commission de médiation elle va bien vérifier que vous votre demande a été étudiée à chacun de ces 3 niveaux. Ensuite, la commission de médiation vérifiera bien que les délais d’instruction ont été respectés. Je répète que ces délais d’instruction sont d’une durée de 5 semaines. 3 semaines à respecter pour la compagnie d’assurance, 2 semaines à respecter pour la banque et elle vérifiera également si on vous a proposé ou si on a recherché la mise en place de garanties alternatives car même si aujourd’hui les banques recherchent systématiquement une assurance pour garantir leur emprunt, l’assurance n’est pas le seul moyen de garantir ce prêt. Ce prêt il pourrait être garantie par exemple un cautionnement, par une hypothèque si on a un prêt immobilier ou éventuellement par une épargne suffisamment conséquente ou une assurance vie si on en a déjà une. Donc l’objet de cette commission de médiation ce sera de vérifier justement si l’une de ces alternatives a également été recherchée. Donc la commission de médiation de la convention AERAS, on peut la saisir par écrit. Son adresse est située à Paris, c’est 61 rue Taitbout à Paris 9e. Donc vous pouvez la saisir par écrit. Je vous conseillerai à ce moment-là par une lettre recommandée avec avis de réception en retraçant l’historique de votre parcours, la nature du prêt que vous envisagez souscrire, son montant et sa durée, les difficultés que vous avez rencontrées au niveau de la compagnie d’assurance, quelles sont les garanties qui vous ont été proposées ou refusées. À ce moment-là n’hésitez pas à la saisir dès lors que vous voyez bien que vous rentrez dans le champ d’application et que vous ne comprenez pas que même au niveau 3 votre demande a été refusée.
Sandra : On a parlé de prêt immobilier mais il existe d’autres prêts. Est-ce qu’il y a des prêts qui sont accordés plus facilement par rapport aux risques de santé ?
Samira Hadjadj : On pourrait envisager à ce moment-là le prêt à la consommation. On peut peut-être considérer mais là c’est vraiment avec des guillemets parce que les compagnies d’assurance peuvent être parfois très frileuse, que souscrire un prêt à la consommation, si on est atteint d’un risque grave de santé, ça peut à ce moment-là être plus facile mais c’est pareil, il y a aussi des conditions à respecter. Le prêt à la consommation, l’un des engagements de la convention AERAS, c’est que, la personne qui souhaite emprunter dans le cadre d’un prêt à la consommation ne se verra pas soumettre de questionnaire de santé si son prêt à la consommation est d’un montant inférieur ou égal à 17 000 euros, qu’elle s’engage à le rembourser sur une période inférieure ou égale à 4 ans et que cette personne soit âgée d’au plus 50 ans à la date de la souscription du prêt. Donc à ce moment-là si vous remplissez ces 3 conditions, en sachant que concernant le montant de ce prêt d’un montant de 17 000 euros, on vous fera seulement remplir une déclaration sur l’honneur garantissant le fait que vous n’avez pas souscrit par ailleurs d’autres prêts à la consommation mais si vous remplissez ces 3 conditions-là, vous ne devez pas vous voir soumis à un questionnaire de santé.
Sandra : Et après c’est les mêmes recours si…
Samira Hadjadj : Ensuite oui, si vous remplissez ces 3 conditions-là concernant le prêt à la consommation et que vous voyez qu’il y a toujours des difficultés pour voir garantie cet emprunt, là à ce moment-là oui, vous pouvez toujours saisir la commission de médiation AERAS.
Sandra : Et tout à l’heure vous avez parlé d’assurance vie. Est-ce que les personnes séropositives peuvent vraiment bénéficier d’une assurance vie ou ce n’est pas possible ?
Samira Hadjadj : Non donc là en effet on peut toujours parler de discrimination parce que l’assurance vie concrètement, les personnes séropositives aujourd’hui sont exclues du domaine de l’assurance vie. Après c’est toujours difficile de parler de discrimination concernant les compagnies d’assurance car même si c’est une pratique, ça ne traduit pas une réalité d’ordre juridique dans le sens où le Code pénal en fait, notre code pénal exclu du domaine de la discrimination, les compagnies d’assurance. Donc la compagnie d’assurance peut légitimement aujourd’hui, au nom du principe de la liberté contractuelle, refuser de souscrire à un contrat d’assurance vie, avec une personne présentant un risque aggravé de santé.
Sandra : Y a-t-il des choses qui sont faites pour que ça change, pour qu’une personne qui a un problème grave santé puisse quand même…
Samira Hadjadj : Il y a toujours un travail militant qui est assez important. Aussi bien dans le domaine des assurances pour les personnes atteintes d’un risque aggravé de santé, un travail militant important qui est réalisé par les associations de défense des malades concernant les difficultés rencontrées toujours au niveau du champ d’application de la convention AERAS, parce que même si son dispositif est assez intéressant, il y a encore beaucoup de lacunes. Aujourd’hui chez Sida Info Service on a encore beaucoup d’appels concernant les personnes nous indiquant que le questionnaire santé par exemple, elles ont eu du mal à le remplir, il a été soumis par le conseiller bancaire qui les a incités en fait à le remplir sous le coin d’une table. Donc même si la convention AERAS garantit la confidentialité au niveau du traitement des données, on se rend compte que c’est une vraie difficulté. Ensuite concernant les garanties invalidité, c’est pareil, il y a encore beaucoup à faire et encore plus concernant le montant de la surprime et concernant les assurances vies, les personnes séropositives en sont totalement exclues comme toutes les personnes en fait présentant un risque aggravé de santé alors qu’aujourd’hui souscrire à un prêt au 21e siècle, souscrire à un prêt et garantir cet emprunt, dans la société de consommation où on est, ça devrait être un droit ou en tout cas il devrait avoir un certain nombre de garanties permettant aux personnes atteintes d’un risque aggravé de santé de pouvoir souscrire ce prêt et de le voir garantir sans trop de difficultés.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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