Eugène : Bonjour Sandra.
Sandra : Bonjour, bienvenu à l’émission de radio Vivre avec le VIH. Tu appelles de Côte d’Ivoire.
Eugène : C’est bien cela.
Sandra : Tu as découvert l’émission il n’y a pas longtemps.
Eugène : C’est cela.
Sandra : Bienvenu, on est très content de t’entendre. Ta première demande : tu souhaites passer ta petite annonce à l’émission. Vas-y, je te laisse la parole.
Eugène : En effet, je suis Eugène, je suis à la recherche de l’âme soeur qui est du même statut que moi, peu importe d’où elle vient et pourvu que nous puissions vivre ensemble tout le reste de notre vie.
Sandra : Pourquoi recherches-tu quelqu’un du même statut que toi ?
Eugène : Il est plus compliqué de vivre avec une femme du statut différent que de vivre avec une femme du même statut. Comme ça, nous on gère au quotidien nos difficultés ensemble au fait. Aujourd’hui, avec la médecine, quand on est du même statut, on peut avoir des enfants si on suit le traitement qu’il faut.
Sandra : Tout à fait. As-tu déjà eu une expérience avec une femme séronégative ?
Eugène : Effectivement, j’étais en couple. Ça a basculé quand j’étais révélé séropositif.
Sandra : Ta séropositivité, est-ce que tu en parles autour de toi ou est-ce que c’est quelque chose que tu caches ?
Eugène : Me cacher non. Je ne me cache pas. Mais en Afrique, il est difficile de dire à tout venant je suis séropositif parce que les gens ne sont pas préparés. Ils ne sont pas aptes à entendre. On n’est pas malade, on a le virus en nous et donc il n’est pas facile de divulguer à tout le monde. Mais il y a ma famille qui sait, ma famille nucléaire, ma mère, mes jeunes frères, j’en ai trois qui le savent. Je suis tranquille dans ma tête. Mais il est plus difficile en Afrique de dire à tel ou tel je suis séropositif, à partir de cet instant-là, on te regarder autrement.
Sandra : Jean-Marc, je t’interpelle parce qu’Eugène dit qu’en Afrique c’est difficile de parler de sa séropositivité. Est-ce qu’en France, c’est facile de parler de sa séropositivité selon toi ?
Jean-Marc : J’ai appris dernièrement qu’en France, on ne peut pas parler partout de sa séropositivité. J’étais à Lille hier justement où les gens sont encore très… comme me disait la personne que j’ai été voir hier, ses propres voisins ont fermé la porte depuis qu’ils savent. Ils ne lui disent plus bonjour depuis qu’ils ont appris sa séropositivité. Donc même en France, ce n’est pas partout où on peut en parler ouvertement.
Sandra : Et toi-même, est-ce que tu en parles ouvertement ou tu gardes pour toi ?
Jean-Marc : Moi, tout au début, c’était en 1983 que j’ai appris donc c’était spécial encore. Encore assez fermé mais maintenant je ne le chante pas sur tous les toits mais quand quelqu’un a besoin d’être au courant, j’en parle ouvertement.
Sandra : Eugène, est-ce que tu suis un traitement ?
Eugène : Oui, en ce moment, malheureusement en Afrique nous sommes à l’heure du générique et donc on a des traitements qui sont offerts gratuitement par les gouvernants. En Côte d’Ivoire, on a même un ministère du sida. Je suis un traitement, c’est des génériques, mais ça nous permet quand même de stabiliser notre santé. Là au niveau des CD4 je suis à 512. Donc pour dire que bon, ça va. C’est des médicaments qu’il faut prendre au quotidien alors que je sais que, à travers votre émission, on a des pilules uniques par mois. Mais ce sont des choses qui ne sont pas encore arrivées en Afrique, en Côte d’Ivoire. Donc on se pose la question de savoir, la prise de ces médicaments, à long terme, est-ce que ça ne va pas développer autre chose en nous, dès l’instant où on le prend tous les jours.
Sandra : Oui, c’est des questions qui peuvent se poser mais les traitements vous permettent de stabiliser votre virus, d’endormir votre virus. C’est sûr, c’est du chimique, il peut avoir des effets. Tout médicament à des possibilités d’effets secondaires. Vous n’êtes pas victime de rupture de traitement ?
Eugène : Non, c’est gracieusement offert. Chaque 6 mois on fait le test de contrôle et donc il n’y a aucun souci. Mais comme je disais tantôt, c’est difficile d’en parler à tout le monde au point que, je veux dire on va un peu loin de là où on habite pour prendre les médicaments, c’est un centre un peu reculé, pour faire nos différents examens. Moi, personnellement, je suis cadre dans une industrie de bois et donc, quel sera le regard d’un collaborateur ? Ils ne disent pas : “il est séropositif”, ils disent : “il a le sida”. Mais en fait, on n’est pas malade. C’est vrai qu’on a le virus mais on n’a pas le sida. Beaucoup sont ceux qui ne comprennent pas cette façon-là. Voilà la difficulté.
Sinon, tel que je parle, je suis quelqu’un, je suis tout vivant et moi je croque la vie à grosse dent. On n’a pas de problème nous-mêmes. Mais c’est l’autre, comment est-ce qu’il va appréhender la maladie ? Sinon, ça va, on gère le quotidien. De toute façon, ça n’arrive pas qu’aux autres. Donc on prend ça comme c’est venu et puis bon, on vit la vie de façon pleine.
Sandra : Est-ce qu’il y a des associations en Côte d’Ivoire où vous pouvez vous retrouver ?
Eugène : Oui, bien entendu. On a des ONG. Je milite au sein d’une ONG où on donne des conseils aux gens mais c’est sous le couvert de l’anonymat. On ne va pas pour dire “je suis séropositif”. Mais on va pour dire qu’il y a des comportements à risque, donc il faut faire attention. Voilà un peu.
Jean-Marc : Bonjour Eugène, merci d’avoir participé à l’émission, bon courage pour la suite.
Eugène : Merci. Je te dis aussi bon courage. Tu as la chance d’être en Europe et en France donc il y a plus de médicaments qu’ici. Soyons forts. Je pense que ça n’arrive pas qu’aux autres. Aujourd’hui c’est nous, on ne sait pas ce qui va arriver aux autres. Tant qu’on a de l’espoir, il n’y a pas de raison qu’on ne soit pas fort, qu’on ne se batte pas pour rester en vie, de permettre à ceux qui nous aiment de profiter du moment où nous sommes vivants. Être séropositif ce n’est pas être malade. On est mieux portant que beaucoup d’autres.
Jean-Marc : Merci beaucoup.
Sandra : Super, merci pour ton message. J’espère qu’il sera bien entendu de tous les séropositifs en Côte d’Ivoire. Peut-être qu’un jour, nous serons diffusés sur une radio en Côte d’Ivoire, on ne sait jamais ? L’émission est déjà diffusée au Niger donc on peut faire des démarches, on peut travailler ensemble pour ça.
Eugène : D’accord. Merci à toi aussi pour tout ce que tu fais pour nous autres.
Sandra : C’est votre émission, on reste en contact. Ta petite annonce sera publiée sur le site internet et puis j’espère que tu trouveras bientôt ton bonheur.
Eugène : Merci pour tout.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
Vous avez une question par rapport à cet article ?
Elle a peut-être déjà été traitée dans notre section FAQ
Vous ne trouvez pas votre réponse ou vous avez une remarque particulière ?
Posez-nous votre question ici :