Alexandre : Le changement climatique influe sur les déterminants sociaux et environnementaux de la santé: air pur, eau potable, nourriture en quantité suffisante, sécurité du logement. Le manque d’eau, le manque de nourriture, de moyens économiques, l’augmentation de la population, comment, sous quelle forme, est-ce que cela peut influencer la lutte contre les MST (maladies sexuellement transmissibles)?
François Bricaire : Ah ! Alors ça, la question est plus difficile parce que les maladies sexuellement transmissible sont dues a pas mal de germe. Il y a beaucoup de germes qui sont essentiellement, de bases des bactéries, faut le rappeler dont la syphilis par exemple, et puis des virus dont le VIH. Mais aussi d’autres nouveaux. On évoquait tout à l’heure, en aparté Ebola, vous savez l’épidémie en Afrique, eh bien on est en train de s’apercevoir que le virus Ebola, qui chez des sujets convalescents, qui ont fait la maladie et qui ont eu la chance de guérir, ils excrétaient dans leur sperme ou dans les sécrétions génitales féminines, encore très longtemps du virus ! Ce qui veut dire qu’ils peuvent contaminer quelqu’un. Donc Ebola est une maladie sexuellement transmissible. On ne le savait pas. Donc autrement dit, toutes ces maladies infectieuses, si elles sont conditionnées par ce que vous avez évoqué, on a la climatologie, la pauvreté, les habitudes, les conditions socio-économiques, les conditions de logement, etc. Tout ce qui va influencer la vie et le mode de vie des gens, va automatiquement entrainer une possibilité d’augmentation du risque, de transmission de maladies sexuellement transmissibles. D’où l’importance, d’abord de le savoir et deuxièmement de prendre les précautions nécessaires, les précautions usuelles. Il n’y aura pas de précautions supplémentaires, mais l’utilisation du préservatif, etc. et puis repérer une maladie sexuellement transmissible pour pouvoir la traiter avec les antibiotiques quand c’est nécessaire, etc.
Alexandre : La semaine dernière, on parlait de la prévention et notamment du fait que les personnes migrantes arrivant en France avaient finalement autre chose à penser que la problématique de la prévention aux MST, notamment la recherche d’un emploi, la recherche du logement et du coup, avec une crise écologique et des pénuries d’eau, des possibles pénuries d’eau, ça n’allait clairement pas arranger les choses en terme de prévention. Qu’en pensez-vous ?
François Bricaire : Le problème des migrants et des pathologies infectieuses, c’est ça le problème, pour eux effectivement, il y a un certain nombre de questions qui peuvent se poser. Je voudrai surtout dire en fait, que pour les migrants le problème c’est qu’ils risquent d’attraper des maladies infectieuses en arrivant chez nous beaucoup plus que ce que les gens craignent souvent, parce qu’on est toujours très égoïstes. En disant, ah ici il y a des migrants, qu’est-ce qu’ils vont nous apporter. Bah, ils ne vont pas nous apporter grand-chose en terme de maladies infectieuses donc les risques pour nous sont extrêmement limités. En revanche, eux, ils ont des risques, parce que, ça c’est une règle habituelle en maladies infectieuses, je suis désolée, c’est peut-être un peu compliqué, mais on est habitué à vivre avec des germes dans un pays. Nous, on est habitué avec nos germes, eux, ils sont habitués aux leurs. Et quand on change de pays, on est un petit peu perturbé. C’est bien pour ça que les voyageurs font des diarrhées parce qu’ils changent, ils changent d’endroits. Nous tous, quand on va à l’autre bout du monde, on prend un risque. Bah eux, c’est pareil. Ils arrivent chez nous, ils vont changer leur flore comme on dit, et ils vont risquer d’attraper des maladies infectieuses. Puis en plus de ça, si on les mets dans des conditions difficiles de vies, pas de boulot, des conditions d’hygiènes dans des structures qui ne sont pas adaptées. Bref, je ne vais pas détailler tout ça, c’est assez triste. Ils vont risquer de développer des tuberculoses. On se retrouve exactement dans tout ce qu’on a dit tout à l’heure. Pauvreté, mauvaises conditions d’alimentation, mauvaises conditions de vies, risque de tuberculose. Et ça, c’est un point sur lequel on peut insister, parce que je pense que c’est de la responsabilité des pouvoirs publics en général de tout le monde que d’essayer de faire en sorte, de les, alors que je sais bien que ça devient polémique, les inclure et de leurs donner les moyens justement de pouvoir travailler, de pouvoir s’inclure dans la société, de diminuer ce risque de développer les maladies infectieuses.
Karim : J’ai un bel exemple, moi. Je suis logé dans un appartement. Je suis passé par des marchands de sommeil. J’ai eu un appartement où je me suis battu pour qu’il soit reconnu insalubre. Il avait 12 fosses d’aération au plafond. Donc, quand je retirais les aérations, il y avait le mur derrière, ça m’a couté mes problèmes de poumons. Obligation de relogement. Je suis dans un nouvel appartement, l’agence immobilière se venge contre moi puisque je les ai salis quelque part et on me reloge dans un appartement où la VMC dans la cuisine ne fonctionne pas. Je fais installer une hôte, mais c’est interdit de mettre la hôte sur la l’aération. Le problème c’est que je me bats et rien n’y fait. C’est impossible. Alors, j’imagine les pauvres migrants où ils sont en nombre pas possible et même moi avec mes problèmes de santé où ça s’amplifie, bah voilà, c’est les gros problèmes, il n’y a plus de communication, c’est impressionnant.
Mohamed : Pour en revenir à ce que vous disiez, vous disiez que ceux de là-bas, les migrants auront plus de chances d’attraper des maladies ici et c’est vrai que, les européens quand ils vont là-bas, dans les autres pays du tiers-monde où ils choppent des maladies locales dont ils parlent très peu, ils font croire que c’est les habitants de là-bas qui leur ont transmis. Comme ici, ils ont une crainte du Ebola. Ils croient que c’est l’Africain qui va le ramener. Mais Ebola il voyage ! Il traverse les mers. Il se balade. Ce n’est pas spécialement l’Africain qui ramène. Vous voyez, les préjugés. Vous disiez que les migrants sont plus aptes à choper des maladies ici, que de venir avec des maladies qu’ils auraient dû avoir chez eux. Vous avez entièrement raison. J’ai souvent entendu ça, des gens qui avaient des préjugés et qui disaient le mal c’est l’autre ! Ca vient toujours de l’Africain, c’est jamais très agréable d’entendre ça. C’est valable pour tout le monde, c’est universel. D’un continent à un autre on peut retrouver une maladie qu’on a pu trouver 20 ans là-bas, on la retrouve ici et on la retrouve parfois de l’autre côté. Ca arrive. On est à l’abri de rien. L’être humain, ce n’est pas parce qu’ils voyagent. Ca peut venir avec tout, avec les animaux. Vous disiez vous-même que ça se transmet par des animaux, des moutisques…
Karim : Juste pour revenir sur l’autre. On est sur cette appréhension du VIH qui nous concerne où nous, on est porteur du VIH certes, mais on est traité, on n’est pas contaminant comparé à ces 30 000 personnes qui ne sont pas au courant qu’elles sont séropositives et qui à la moindre rencontre contaminent.
Mohamed : Puis, il fallait voir il y a 20 ans !
Alexandre : Là, on parle de l’estimation, à 30 000 personnes qui ne connaissent pas leur séropositivité en France. Par rapport à ce que vous disiez, chers auditeurs, je vous renvoie à l’enquête aMASE qui dit que la majorité des migrants se contaminent par le VIH après leur arrivée en France. C’est que ce n’est pas les migrants qui apportent des maladies, c’est qu’ils contractent les maladies sur place, en majorité.
Karim : C’est bien de le signaler.
François Bricaire : D’où l’importance, on va en profiter là, de dépister. Se dépister quand on ne se connait pas séropositif, les 30 000 que vous évoquez en France, si on les dépiste, si les gens se dépistent parce qu’ils pensent qu’ils peuvent avoir été contaminés, etc. C’est maintenant d’autant plus essentiel que, 1 – on a des traitements. 2 – On a des traitements très efficaces. 3 – Qui sont très bien supportés et qu’à ce moment-là, on diminue le risque de transmission. Donc c’est gagnant/gagnant. Faut juste avoir le courage d’aller se faire dépister.
Mohamed : Nous, on est des anciens de l’école, on est VIH depuis plus de 20 ans. Mais ceux d’aujourd’hui, ils ont l’appréhension et ils pensent qu’ils sont à l’abri de ça. Ils n’arrivent même pas à reconnaître que ça peut s’attraper par voie sexuelle. Ils ne connaissent même pas les modes de contamination. Donc, ils ne vont pas se faire dépister en se disant, moi je suis au-dessus de tout ça…
Karim : C’est surtout qu’ils croient que c’est les autres.
Mohamed : Voilà, on en revient à c’est les autres !
Karim : Comme nous invite notre ami docteur, c’est de se faire dépister. C’est ce qu’on cherche à faire. Nous, on n’est plus contaminant, c’est eux qui sont contaminants, qui se croient pas séropositif, c’est le fameux dilemme quoi.
Mohamed : Même avec le test à la maison, ils ne font pas la démarche de vouloir se faire dépister. Ni le conjoint, la conjointe. Surtout les ados, ils commencent à avoir des rapports à partir du lycée ou je ne sais pas, ils se font contaminer…
Karim : Ca fait peur, voilà.
Mohamed : Et après, il faut vivre avec !
Sandra : Je ne sais pas si Lucas, tu as un commentaire à faire ou une question à poser à François Bricaire peut-être ?
Lucas : Oui, une question sur l’actualité. Avez-vous entendu parler de proposition concrète pendant la COP21 qui mettait en rapport la corrélation entre la santé et notamment les maladies infectieuses et le climat ?
François Bricaire : Je n’ai pas les réponses encore parce que je ne fais pas partie des gens qui font les propositions, les rédactions de textes, etc. On peut espérer qu’en agissant, en décidant d’agir sur le climat ou la modification du climat, on va automatiquement faciliter la diminution de tout ce qu’on vient de raconter sur les risques de transmission de maladies infectieuses. Donc on peut être que dans le sens de oui oui, les gars allez-y faites le truc et mettez-le en application. Moi, je n’en sais pas plus. Je n’ai pas eu de connaissance, de proposition particulière sur les maladies infectieuses ou le risque de modification de maladies infectieuses.
Lucas : J’espère qu’on verra ça en fin de semaine et on en parlera peut-être la semaine prochaine ?
Sandra : Peut-être, ouais, Alexandre nous fera un compte-rendu, c’est décidé ! (rires). Il nous reste 10 minutes d’émission, je ne sais pas si vous avez d’autres questions pour notre invité ?
Alexandre : J’ai une dernière question, dans une interview disponible sur le site Internet de la Croix Rouge, vous parlez d’un autre facteur, que celui du réchauffement climatique, le facteur humain, qui contribuerait à l’implantation du moustique tigre en France. Alors, tout d’abord, est-ce qu’on peut parler d’implantation, en 2015, du moustique tigre en France, et comment est-il arrivé ici ?
François Bricaire : Oui, alors ça c’est un de mes dadas. Il faut quand même être conscient que globalement, mais ça rejoint vous allez voir, c’est que c’est l’Homme qui transmet le maximum de maladies infectieuses. On peut accuser les oiseaux, on peut accuser tout, les machins, oui, peut-être qu’ils ont un rôle mais celui qui transmet le plus de maladies infectieuses c’est l’Homme. Je vais vous l’illustrer. Par exemple, quand on a parlé de la grippe aviaire, on a dit c’est les oiseaux migrateurs. Oui d’accord. La seule chose c’est qu’on s’est aperçu que c’était les hommes qui prenaient le transibérien à travers l’Asie qui transportaient des poulets, des volailles et des machins, qui transportaient en même temps le virus. Et puis je pourrais vous donner plein d’autres exemples, avec le choléra, avec le VIH ! Le VIH au début il a été transféré par les routiers en Afrique, les camionneurs qui dans les routes africaines transmettaient le virus de ville en ville. Et alors, je disais qu’en France il y a des moustiques tigres. Peut-être qu’ils trouvent de bonnes conditions climatologiques parce qu’il y a un peu plus de degrés en France. Je ne suis pas suffisamment compétent pour le dire mais c’est possible. Mais on voit bien que du département des Alpes-Maritimes, il est passé dans le Var, puis dans les Bouches-du-Rhone et puis il remonte le long de l’autoroute A6. Donc, il suit l’homme ! C’est l’homme qui transfert…
Karim : L’autoroute du soleil ! (rires)
François Bricaire : Si le moustique trouve les bonnes conditions météo, climatologiques et si l’Homme le transfert, il y a une augmentation du risque de chikungunya. Le chikungunya c’est un virus qui est transmis par les moustiques, ce qu’on appelle une arbovirose. Il y a plein de virus qui sont transmis par les moustiques et si le moustique est là, si la température est bonne, il y a des risques possibles de transmission de la maladie.
Alexandre : Et donc, peut-on parler d’implantation du moustique tigre en France ?
François Bricaire : Développement je dirai. L’implantation, il y est depuis un bout de temps. Mais c’est vrai qu’il y a quelques années, il n’était que dans la région de Nice et que progressivement, il a envahi la côte méditerranéenne française. Je ne sais pas exactement jusqu’où il va, au-delà de Montpellier. Mais en tous les cas il remonte à partir des Bouches-du-Rhône dans la vallée du Rhône.
Sandra : 5 minutes encore, Mohamed et Karim c’est l’occasion. Avez-vous d’autres remarques à faire ?
Karim : Non, j’ai très apprécié cette émission de radio et puis j’attends plus les retours maintenant. Les dés sont jetés, on attend les résultats de la COP.
Mohamed : Moi je voulais, je ne sais pas comment ça se passe les modes de contamination de l’animal chez l’homme ? Vous parliez de bactéries…
François Bricaire : Ca dépend des maladies, ça dépend des contacts. Il y a des animaux, il suffit de vivre avec eux en les touchant, les caressant par exemple, c’est une possibilité. C’est un peu compliqué, il y a plusieurs choses. La salive de l’animal, parfois c’est les griffes. Là où il faut insister c’est qu’on est beaucoup nous, Homme, dans le monde, concernés par l’alimentation à partir des animaux. Les animaux sont porteurs de bactéries. On les tue pour les manger etc. et ils peuvent garder des bactéries qui sont transmises à l’homme par voie alimentaire. C’est pour ça, en particulier les bactéries qui sont résistantes aux antibiotiques sont transmises.
Mohamed : Même si c’est cuit ? Ca peut résister ?
François Bricaire : Oui, il y a des contacts… je n’aurai pas le temps de le développer là, mais on vit avec l’animal. Les éleveurs, les bouchers, beaucoup de gens qui sont en contact d’animaux vivants peuvent être concernés par des bactéries qui sont portées par des animaux et qui deviennent des bactéries portées par l’intestin humain. Mais ça se développe comme ça progressivement.
Mohamed : Mais elles se développent que chez les moustiques, les singes…
François Bricaire : Non, non.
Mohamed : J’ai entendu un cas de toxoplasmose où un chat avait transmis une toxoplasmose…
François Bricaire : Alors ça, c’est un parasite du chat qui peut être éventuellement transmis à l’homme et qui est surtout embêtant chez les femmes enceintes.
Mohamed : Ca arrive fréquemment ?
François Bricaire : Non.
Sandra : Tu as un chat Mohamed, c’est ça ? (rires)
Mohamed : Non pas moi, mais une amie m’avait dit qu’elle risquait des problèmes de toxoplasmose comme ça… parce qu’elle en avait beaucoup, au moins 7 (rires). C’était invivable quoi.
Alexandre : Une petite question qui me vient, faut-il s’arrêter de voyager pour autant ?
François Bricaire : Sûrement pas.
Alexandre : J’ai ma réponse, je suis content.
François Bricaire : Il y a d’autres dangers qui ne sont pas les maladies infectieuses quand on voyage actuellement.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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