Georges Pau Langevin : En Outre-Mer, la situation est aussi plus préoccupante. Le taux de contamination est particulièrement élevé et notamment en Guadeloupe et en Guyane. Il s’avère deux à trois fois plus important qu’en Ile-de-France alors que déjà nous savons que l’Ile-de-France est une région qui est particulièrement frappée. L’Ile-de-France où d’ailleurs il y a aussi une forte communauté antillaise que je salue. Évidemment, c’est un enjeu majeur pour nos départements et nos territoires d’Outre-Mer que de pouvoir prendre à bras le corps, ce qui constitue une véritable tragédie du quotidien.
Jean-Luc Romero rappelle souvent cette phrase, du professeur Rozenbaum, que je me permets de reprendre à mon tour : « Le sida se soigne aussi par la politique » c’est-à-dire qu’il ne suffit pas de trouver les traitements. Il faut pour que ça puisse avancer, pour éviter qu’il se propage, il faut évidemment refuser la fatalité, il nous faut faire cause commune pour venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin. Je crois que c’est une manière de rendre notre société plus humaine, plus juste et plus solidaire.
La lutte contre le VIH doit transcender les clivages politiques. Ce n’est pas une lutte idéologique, c’est une lutte pour la vie même et je crois que si le terme de communauté nationale a un sens, c’est bien celui d’affronter ensemble les maux qui touchent les plus fragiles d’entre nous. Or la Caraïbe dans son ensemble, est la deuxième région au monde la plus touchée par le VIH Sida. Et les départements français d’Amérique notamment la Guyane, sont hélas, les régions de France les plus touchées par l’infection. Le ministère des Outre-Mer donc est tout à fait concerné par la lutte contre ce fléau et notamment par la sensibilisation des élus locaux à cette question.
Nous sommes intervenus au cours des dernières années, notamment dans l’élaboration du volet Outre-Mer du plan national de lutte contre le VIH/Sida, qui s’appuie sur les recommandations des experts du Conseil national du sida pour la Guyane et pour les Antilles et le ministère des Outre-Mer évidemment participe au financement du plan de lutte contre le VIH Outre-Mer. Ces crédits sont particulièrement nécessaires notamment pour les associations qui mettent en œuvre les actions de terrain. Donc si le ministère s’est impliqué dans la mise en œuvre du plan national, en particulier sur la prévention de la maladie, c’est notamment en finançant les programmes innovants d’étude ou de soutien aux associations locales. Donc ce plan s’articule autour de six axes principaux. La prévention, le dépistage, la prise en charge des malades, la lutte contre les discriminations, la recherche et la coopération sanitaire. Il est indispensable que ce combat aux Antilles soit mené en adaptant les actions aux caractéristiques et aux modes de vie des populations concernées car elles doivent être pleinement intégrées aux stratégies régionales de santé. Nous nous sommes donné comme objectif la réduction de moitié d’ici la fin du quinquennat de l’incidence des infections par le VIH dans les Antilles et la Guyane et la diminution de moitié également de la proportion de personnes découvrant leur séropositivité au stade sida. Insister par exemple sur la nécessité du port du préservatif pour se protéger du virus, ce qui n’est pas encore suffisamment entré dans les mœurs. Tout comme le dépistage fréquent ce qui contribue à la diffusion de la maladie. Il faut noter aussi que dans les Outre-Mer, la perception du sida est que ce soit une maladie qui touche principalement les milieux homosexuels alors que dans les Outre-Mer ce n’est pas le cas. C’est une maladie qui frappe beaucoup les hétérosexuels et elle est à dominante hétérosexuelle. Par conséquent, il faut adapter aussi les messages de prévention et notamment en direction des femmes qui ne se rendent pas toujours compte qu’elles sont tout à fait concernées par cette maladie donc cette prévention doit s’adosser à une éthique de la responsabilité. Là encore c’est un vrai travail que nous avons à faire. Parce qu’il faut bien évidemment faire de la prévention et de l’information sanitaire. Ce n’est pas de la prédication, ce n’est pas un discours de culpabilité, ou de moralisation. Mais il s’agit de faire comprendre au public qu’aujourd’hui lorsqu’on veut lutter contre le sida, il y a à la fois le fait de prendre en compte sa santé, donc en quelque sorte sa préservation, le respect de soi-même mais il y a aussi le respect et l’intérêt pour le prochain de manière à éviter toute contamination et malheureusement aujourd’hui encore c’est quelque chose qui n’est pas suffisamment présent. Autrement dit, il s’agit de rappeler à tout le monde et notamment aux jeunes que la santé de chacun c’est quelque chose qui lui appartient en propre et que par conséquent nous sommes autant les dépositaires que les garants de notre santé et un comportement à risque est un comportement évidemment qui est un problème à l’encontre de son prochain.
Nous avons aussi et surtout et là j’y insiste, parce que c’est un élément qui est important, pour les Outre-Mer. Nous avons à sortir les personnes qui sont touchées par le VIH, de la honte, de l’ignorance et de la suspicion parce que c’est encore une maladie qui est tabou. Par conséquent, les gens souffrent de la maladie mais souffrent aussi du regard des autres et il est certain que très souvent on n’en parle pas. Donc affronter la maladie se fait aussi dans le secret par rapport à l’entourage et par rapport aux proches, donc souvent dans la solitude. Et c’est la raison pour laquelle ce midi nous avons apposé ce ruban sur la façade du ministère des outre-mer, parce que c’était un message pour dire aux gens qui sont infectés dans les outre-mer, qu’ils ne sont pas seuls face à ce fléau, qu’il faut qu’ils en parlent et qu’ils ne restent pas avec leur secret et trop souvent avec finalement cette impression de vivre dans la discrimination qui est si pénible. Je dois dire aussi que nous avons plus largement à lutter contre l’homophobie, qui là encore est une manière de penser qui est encore trop répandue dans les Outre-Mer même si parfois c’est sous le mode de la caricature, mais il faut arriver à faire comprendre à Monsieur tout le monde, que la discrimination n’est pas un langage acceptable dans une société aujourd’hui et que la discrimination fait progresser en quelque sorte la maladie parce qu’à partir du moment où la discrimination, où le sentiment de la discrimination est répandu dans la société, les gens ne parlent pas et ne se soignent pas et donc peuvent continuer à contaminer les autres. Nous avons à travailler sur l’intégration des personnes qui sont attachées à cette maladie, en matière d’hébergement, de logement, d’insertion professionnelle. Autrement dit tous ces sujets sont encore des cibles à atteindre et nous devons soutenir les associations qui travaillent là-dessus mais qui sont encore très discrètes parce que justement elles ont à affronter le regard social ou sociétal, qui n’est pas toujours un regard très positif. Donc déconstruire les préjugés c’est aussi une manière de lutter contre la maladie et donc cela dans le cadre du grand public. Alors bien évidemment former les soignants pour qu’ils puissent arriver à prendre en charge les malades et notamment aussi travailler en direction de la jeunesse qui est particulièrement exposée notamment parce qu’on sait que s’agissant de sujets comme l’orientation sexuelle, l’éducation sexuelle, qui ne sont pas suffisamment présents dans le langage et dans l’éducation et bien on n’a pas suffisamment éduqué la jeunesse à ces sujets-là et donc permettre au dialogue de se développer, ouvrir des centres où les jeunes puissent parler et nous pensons beaucoup à ce que la région Ile-de-France a fait avec le Cybercrips. Je pense qu’en reproduisant des initiatives comme celles-là en Outre-Mer, nous permettrons aux jeunes d’être mieux protégés contre la maladie et de pouvoir évidemment se protéger eux-mêmes, et protéger les autres, le dépistage évidemment.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Georges Pau-Langevin au micro de l’émission de radio « Vivre avec le VIH » alors il y a tout à faire beaucoup de boulot en Outre-Mer et je vais m’adresser particulièrement aux personnes séropositives qui vivent en Outre-Mer, qui vivent peut-être cachées. Il faut sortir, c’est facile à dire évidemment comme ça mais c’est comme ça que ça marche. Pour lutter contre la discrimination et bien il faut se montrer et sinon les gens resteront toujours avec leurs préjugés et leurs fausses idées sur le VIH, sur le sida. Si le Comité des familles aujourd’hui par exemple 0 Paris existe, il y a AIDES qui a réussi à exister à Paris ou ailleurs, ça peut se faire aussi en Outre-Mer, il n’y a pas de raison.
Yann : Oui je pense aussi à toutes ces petites associations, notamment sur la Guyane qui font un travail remarquable parce qu’elles vont vraiment dans les maquis, les endroits vraiment inaccessibles où il y a vraiment un mélange, il n’y a pas que le VIH et tous ces problèmes de prostitution, de MST, donc voilà, je pense à mon amie Johanna Pavie qui est partie là-bas après avoir fait un long temps, de 3-4 ans chez AIDES et qui se réalise totalement parce qu’on est vraiment sur une action de terrain quoi donc effectivement il y a un boulot monstre. Puis ce qui m’inquiète surtout c’est le fait qu’il y ait cette discrimination donc ça veut dire qu’on ne va pas se faire dépister, ça veut dire qu’on propage tout ça par le biais du silence. Il y a des prises de conscience à avoir qui sont importantes.
Sandra : Par exemple à la radio, on entend très rarement des personnes d’origine d’Outre-Mer s’exprimer donc je lance un appel, si vous avez envie de participer à l’émission, de raconter une situation, quelque chose ou si vous êtes un proche d’une personne séropositive qui habite en Outre-Mer, vous pouvez nous appeler au 01 40
40 90 25. Ou bien vous laissez un message sur notre site comitedesfamilles.net.
Yann : Alors ce que je vais essayer de faire si ce n’est pas la semaine prochaine
Sandra, mais amis auditeurs auditrices, c’est de faire intervenir Johanna qui travaille sur la Guyane.
Sandra : D’accord.
Yann : Je m’en occupe cette semaine et je te tiens au courant Sandra.
Transcription : Joëlle Hist
Vous avez une question par rapport à cet article ?
Elle a peut-être déjà été traitée dans notre section FAQ
Vous ne trouvez pas votre réponse ou vous avez une remarque particulière ?
Posez-nous votre question ici :