Sandra : L’hépatite C, c’est quoi la différence avec l’hépatite A, B…
Karine Lacombe : L’hépatite A c’est seulement par l’alimentation. Mains mal lavées, etc. Ça, c’est le problème d’hygiène. L’hépatite C c’est uniquement par voie sanguine. Très peu par voie materno-foetale. Si la maman a beaucoup de virus elle peut transmettre à l’accouchement à son bébé mais c’est rare. Donc il faut vraiment retenir que c’est par voie sanguine. Principalement par toxicomanie intraveineuse. Malheureusement par transfusion au début des années 90 en France parce qu’on ne connaissait pas l’hépatite C, on ne la dépistait pas. A l’époque ça s’appelait l’hépatite non A non B. On l’a dépistait mal, etc. Il y a eu des transmissions à l’occasion d’actes médicaux invasifs et puis on a décrit aussi des épidémies intra familiales avec l’utilisation de rasoir à l’intérieur de la famille. Il y a aussi quelques cas de transmission à l’occasion de soins dentaires, de tatouage. Tout ce qui entraine une manipulation du sang. C’est un virus qui est très résistant donc qui survit dans l’environnement.
Sandra : Ce n’est pas comme le VIH.
Karine Lacombe : Le VIH dès qu’il est à l’air libre il meurt. En quelques secondes il meurt. L’hépatite C non, ça persiste. C’est pour ça qu’on a des épidémies de transmission intra familiales. Il faut retenir que le mode principal de transmission c’est le sang. Comme je le disais tout à l’heure, ça fait partie des IST dans la communauté homosexuelle parce qu’on a décrit depuis fin des années 90, début des années 2000, une épidémie au sein de la communauté homosexuelle dans les grandes capitales européennes, Paris, Londres, Amsterdam, Berlin, Bruxelles. Ça continue d’ailleurs. On continue d’avoir des hépatites C aigües. C’est par vague.
Sandra : Et celle-là aussi on peut en guérir.
Karine Lacombe : Oui, l’hépatite C on peut en guérir mais dans 20% des cas. Donc 80% des personnes vont développer une hépatite C chronique. Donc il est très important déjà de faire de la prévention, surtout qui passe par l’information parce qu’il n’y a pas de vaccin. C’est l’information vraiment, se protéger à l’occasion des actes sexuels. Dans les pays en développement ça passe par les mesures d’hygiène dans les hôpitaux, etc. Et bien sûr chez les personnes qui utilisent de la drogue par voie intraveineuse, c’est tout ce qui est mis à disposition de kit à usage unique, etc. Et bien sûr la substitution aussi fait partie des moyens de prévention, de la réduction des risques.
Sandra : L’hépatite C c’est quelque chose qui progresse très lentement.
Karine Lacombe : Exactement, c’est une maladie qui va progresser, une infection qui va conduire à la cirrhose de façon relativement lente. En revanche, quand on est infecté par le VIH, là aussi on a des défenses immunitaires qui sont plus faibles. Donc on a un risque d’évolution vers la cirrhose qui est plus rapide. Quand on n’est pas traité pour son VIH, on a un VIH qui évolue, on peut évoluer vers la cirrhose en 10 ans. Alors qu’en général c’est 30 à 40 ans chez les personnes qui n’ont pas le VIH. C’est en train un peu de changer ça parce que comme maintenant la plus grosse partie des personnes infectées par le VIH sont traitées et ont un traitement efficace, il semblerait que la maladie hépatique évolue de façon moins rapide.
Sandra : Une bonne nouvelle.
Karine Lacombe : Oui, ça c’est une bonne nouvelle.
Sandra : Si j’ai une hépatite C, est-ce que je peux décider de ne pas la traiter du coup puisque ça évolue doucement.
Karine Lacombe : Je pense que ce n’est pas un bon calcul. Malgré tout, on peut avoir des facteurs génétiques qui font que l’hépatite C évolue plus vite chez moi que chez mon voisin même si je traite mon VIH. Et ensuite on a quand même maintenant, mais surtout dans les mois à venir des traitements qui vont être extrêmement efficaces et qui permettent de guérir d’une maladie. C’est quand même mieux d’avoir un virus plutôt que deux. Et d’autant plus que quand on a une hépatite C on est à risque de la transmettre autour de soi quand on a des pratiques à risque. Il vaut mieux, plutôt que d’attendre, traiter. Une autre chose qui est aussi importante c’est que l’hépatite C entretient dans le corps une inflammation chronique, au même titre que le VIH. L’inflammation chronique ça fait du mal au cerveau, aux reins, au coeur. On ne peut pas pour l’instant guérir du VIH mais on peut guérir de l’hépatite C donc autant se donner les moyens de guérir.
Sandra : J’entends bien ce que vous dites mais c’est vrai que, au Comité des familles, il y a des personnes qui sont co-infectées VIH/VHC et qui ont déjà essayé de traiter leur hépatite C. Ca n’a pas marché. Ils ont eu des effets secondaires très lourds et du coup n’ont pas envie de recommencer. C’était vraiment trop dur, des mois pénibles. Que dire à ces personnes ? J’ai entendu parler de nouveaux traitements sans interféron qui apparemment les effets secondaires seraient moindres. Est-ce que c’est vrai ? A t-on assez de recul pour dire ça ?
Karine Lacombe : C’est vrai que jusqu’à maintenant on avait uniquement le peginterféron et la ribavirine qui sont deux médicaments qu’on donnait au minimum 6 mois mais la plupart du temps un voire un an et demi et que cette bithérapie était très mal tolérée et malheureusement elle avait un taux de guérison qui était faible, entre 20 et 45%. Ce qui voulait dire que 65 à 80% des personnes subissaient un long traitement et en plus ne guérissaient pas. Le seul avantage que ça avait c’est que ça permettait quand même de ralentir l’évolution de la maladie. Maintenant, on a depuis 1 an deux autres médicaments qui ont permis d’augmenter à peu près de 20% d’efficacité du traitement chez certaines personnes, uniquement celles qui avaient un génotype, c’est-à-dire un type particulier d’hépatite qui est le type 1. Ces traitements avaient eux-même des effets secondaires importants. Des éruptions cutanées ou baisses importantes de défenses immunitaires, des plaquettes, des globules rouges etc. Ça, c’était les médicaments de première génération. Ça a quand même permis de sauver des vies parce que des personnes qui avaient une cirrhose, qui étaient à risque de décéder dans l’année ou de développer un cancer, ont pu guérir. La chance qu’on a c’est qu’on assiste actuellement à une vraie révolution de la prise en charge hépatite C avec de nouvelles molécules qui vont arriver sur le marché, qui sont très efficaces. Certaines d’entre elles vont permettre de guérir 95% des personnes qui vont les prendre avec une durée de traitement très courte, 8 semaines, 12 semaines maximum. Et dans certains cas pour les 2-3 ans à venir, pas tout de suite, on pourra se passer de l’interféron et peut-être à terme de la ribavirine. Certains médicaments, un peu comme les nouveaux médicaments du VIH, un comprimé par jour, qu’on prend pendant 8 à 12 semaines et on guérit dans 95% des cas. Ça va vraiment être une révolution. Ça, c’est pour dans 2,3 ans. 3, 4 ans. L’année prochaine on va avoir déjà ces traitements par la bouche. La plupart du temps qu’il faudra donner avec de l’interféron et de la ribavirine mais que pour 8 à 12 semaines. On ne sera plus dans ces 6 mois, 1 an. Là aussi, avec 90% de chances de guérir. Je dis aux personnes qui ont déjà été traitées que dans quelques moi on pourra leur proposer des traitements, peut-être encore pour certains d’entre eux avec du peginterféron et de la ribavirine mais pour une durée très courte. Et faut savoir que les effets secondaires de l’interféron et de la ribavirine c’est surtout sur le long terme pour la plupart des patients. Donc une durée très courte avec quand même moins d’effets secondaires au final, une plus grande efficacité. Et puis pour les autres qui ne peuvent pas du tout être traités par interféron, dans quelques mois ou 1 à 2 ans, des traitements qui sont tout oral. Avec en plus quasiment plus d’interactions avec les antirétroviraux, très important.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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