Sandra : En 2014 les autotests devraient être disponibles sur le marché français. Marisol Touraine, ministre de la Santé a annoncé vendredi dernier, « J’ai donné le feu vert à la demande des autorisations nécessaires pour ces autotests qui permettront à une population limitée mais bien identifiée de pouvoir pratiquer des tests » ». Donc des demandes d’autorisation européenne sont demandées. L’autotest VIH permet de se dépister chez soi, à partir d’une goutte de sang (fiable à 98,5%) ou de salive (fiable à 93%), en trente minutes environ. Ce test permet de détecter la présence d’anticorps spécifiques produits en cas d’infection par VIH, mais qui sont détectables avec fiabilité que deux à trois mois après la transmission du virus. Dans les médias, ce test est comparé à un test de grossesse. Les autotests existent déjà aux États-Unis et en Grande-Bretagne.
En France ils avaient reçu un avis favorable du Conseil national du sida (Patrick Yéni est le président du CNS). C’est le CCNE, le Comité consultatif national d’éthique qui avait insisté sur la nécessité de bien encadrer les autotests pour éviter les erreurs d’interprétation de leurs résultats ou bien leur usage forcé par exemple par les employeurs à l’embauche. L’Institut de Veille Sanitaire (INVS) estime que 30 à 40 000 personnes ignorent actuellement leur statut sérologique. Le Conseil national du Sida (CNS) évalue à 400 infections en moins et 4 000 séropositivités découvertes avec l’autorisation de l’autotest VIH. Toutefois, ces tests n’ont pas vocation à remplacer le dépistage traditionnel. Leur fonction est d’orienter le patient vers une structure adaptée pour s’assurer de sa séropositivité par une prise de sang.
Où le trouver ? Marisol Touraine a dit en pharmacie sans ordonnance. Le CNS souhaite aussi qu’il soit vendu en parapharmacie et sur internet. Pourquoi pas aussi le proposer dans des associations en lien avec des personnes en difficulté. Combien ? Il faudrait que l’État subventionne des associations pour distribuer gratuitement des autotests. Pour l’instant, cette question n’a pas été tranchée par le ministère des Affaires sociales et de la Santé. Aux États-Unis le test salivaire est à 40 dollars. Alors qu’en pensez-vous de ces autotests qui pourraient être disponibles en France ?
Daniel : Moi personnellement je suis assez septique quand même. J’ai relevé dans la citation de Marisol Touraine, population limitée bien identifiée. Je pense aux travailleurs du sexe, je me dis qu’ils ont une autre idée du risque que le reste de la population. Quelqu’un qui fait son test tout seul dans son coin pour l’expérience que j’ai du jour où m’a annoncé ma séropositivité, je ne suis pas sûre que psychologiquement ce soit une bonne idée. Après, ils ont dû travailler la question, j’attends d’en savoir plus.
Julienne : Pour moi ce n’est pas encore possible parce que quoi ? Il faut d’abord l’information. L’information qui est dehors c’est que c’est une maladie qui n’est pas accessible à tout le monde. Il faut d’abord que les gens soient bien informés et ce qui n’est pas encore le cas. Les gens prennent encore cette maladie comme une maladie des autres, pas pour soi-même. Les gens n’auront pas beaucoup de courage pour aller prendre et venir faire le test s’il n’y a pas… Il faut d’abord que les gens soient d’abord bien informés ce que c’est le VIH avant d’accepter. Moi je crois que c’est très tôt pour que quelqu’un mette dans sa tête je vais faire le test moi-même.
Sandra : Mon avis c’est que les autotests ne devraient pas être proposés comme ça en libre-service. J’aurai compris s’il s’agissait d’autotest pour les couples sérodifférents ou pour ceux qui ont l’habitude d’aller se faire dépister régulièrement et en ont marre d’aller dans les centres de dépistage anonyme ou bien de faire le dépistage rapide proposé dans quelques associations, et si c’est gratuit, sinon non. Mais là, il s’agit déjà de personnes qui n’ont pas envie d’entendre parler du VIH peut-être ou en tout cas qui ne connaissent rien au VIH et/ou qui ne se sentent pas concernée. Il risque d’avoir des perdus de vue. Qu’en pensez-vous Karine Lacombe vous qui recevez des patients qui viennent d’apprendre leur séropositivité ?
Karine Lacombe : Je pense que toute la réflexion qui a été menée sur ces tests vient de deux constats. Le premier c’est que l’épidémie cachée concerne quand même plusieurs milliers de personnes en France qui soit se savent à risque et se dépiste trop tard. Donc on a des personnes qui arrivent dans l’infection dans le stade de maladies avancées, dans le stade de sida. Donc on sait que ces personnes-là ont une espérance de vie qui malgré les traitements peut être plus réduite que les personnes qu’on dépiste plus tôt. Ça, c’est vraiment un gros problème auquel on essaye de s’attaquer depuis plusieurs années. Et l’autre problème c’est l’épidémie cachée de personnes qui ne se savent pas à risque et qui donc, d’une façon ou d’une autre n’auront pas l’idée d’aller se faire dépister. Je pense que les autotests vont surtout permettre à des gens se sachant à risque et hésitant à se faire dépister pour plein de raisons, d’aller dans un centre, d’avoir à faire à la communauté médicale qui peut être un frein, de ne pas avoir l’idée d’aller dans des associations. Pour ces personnes ça peut être intéressant. En revanche je pense que pour les personnes qui ne se savent pas à risque, comme Julienne a dit, si ça ne va pas de pair avec de l’information, ces tests ne toucheront pas leur but. Je pense aussi que ces tests doivent absolument s’accompagner d’une information. Dans le package de ces tests on va mettre à disposition des personnes qui vont se dépister, les numéros de téléphone à appeler en cas de positivité, les contacts écrits pour aller consulter une fois qu’on a été dépisté. Ça, c’est quelque chose dont il faut s’assurer. Je pense qu’il faut aussi tirer parti des pays où ça a déjà été mis en place il y a quelque temps, aux États-Unis ou en Angleterre, faire l’évaluation du dispositif pour savoir si vraiment ça permet d’atteindre le but rechercher. Moi je suis mesurée. Si ça permet de dépister plus de monde et de faire en sorte qu’on dépiste de façon moins avancée dans la maladie, ça aura vraiment un bénéfice. Après, s’il n’y a pas l’accompagnement autour, on risque de faire face à un échec. Je pense qu’il y a beaucoup de travail à faire et beaucoup de travail associatif et par le système de soins.
Sandra : Aux États-Unis, il est vendu 40 dollars donc ça veut dire à peu près, je pense une trentaine d’euros ici.
Karine Lacombe : Je pense que c’est prohibitif comme prix. A mon avis, si ça reste commercialisé à ce prix, ça n’atteindra jamais son but.
Sandra : Ça ne marchera pas.
Karine Lacombe : On voit bien que beaucoup de personnes qu’on prend en charge dans les services, dans les centres de santé ont des revenus qui sont, moi il me semble, pour la majorité d’entre eux, inférieurs aux revenus moyens français. Je ne vois pas comment une personne peut payer un test 30 euros, ça me semble absolument excessif.
Sandra : Le fait que l’autotest VIH soit comparé à un test de grossesse, est-ce que pour vous c’est la même chose ?
Daniel : Ça me paraît bizarre quand même. Peut-être qu’on le compare au test de grossesse juste pour le côté accessible en pharmacie mais à part ça, il n’y a aucun point commun en tout cas pour moi.
Julienne : Pour moi il n’y a pas de comparaison à faire puisque maintenant les femmes ont besoin d’être enceintes et à partir du moment qu’elle sent déjà ce qui arrive, elle court vite. Elle veut que ça confirme que je suis enceinte. Mais avec le VIH, je ne crois pas. Tu as même peur d’être positif. Pourquoi aller acheter ? Non.
Karine Lacombe : Oui, je pense que ça ne porte pas du tout la même connotation. La plupart du temps quand on fait un test de grossesse on est heureuse du résultat je pense. Alors je pense que quand on fait le test du VIH la connotation est différente. On est plus dans la peur, dans l’appréhension.
Sandra : Vos réactions sur le site comitedesfamilles.net.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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