Gregory Lagrange : L’accès à l’alimentation, on a fait le constat depuis l’enquête Vespa 2, France Lert a fait le constat, que dans toutes les populations vivant avec le VIH, y compris les sous-populations, les personnes étaient plus pauvres en conditions de vie que la population générale française et particulièrement ceux qui ont le plus de difficultés, les personnes migrantes, personnes d’origine d’Afrique subsaharienne et les femmes également avec des niveaux de pauvreté très importants. Les axes majeurs pour permettre aux personnes de bien s’inscrire dans le soin et avoir une bonne condition de vie et prise en charge médicale sont le logement, l’hébergement, particulièrement problématiques en Ile-de-France, l’accès à l’alimentation, ce qui requiert un minima de ressources. On a pointé nous, l’insertion professionnelle parce qu’avec une pathologie qui se chronicise, la question du maintien ou du retour à l’emploi ou de l’insertion à l’emploi est importante et c’est souvent un aspect qui est peu pris en compte par les médecins, notamment ils en font eux-mêmes le constat, ils connaissent peu les dispositifs d’accompagnement des personnes, notamment tous les dispositifs liés à la reconnaissance qualité de travailleurs handicapée et les dispositifs particuliers.
Sandra : Oui, maintenant ça ne suffit plus d’être séropositif pour avoir le statut handicapé. J’entends les personnes parler de ça. Il y a en qui disent bah non, je ne suis pas handicapé donc je ne demande pas le statut et il y en qui disent j’aimerais bien l’avoir parce que c’est vrai que quand j’ai des rendez-vous médicaux, je suis obligé de justifier face à mon employeur qui pose des questions…
Grégory Lagrange : C’est la représentation du handicap et des personnes séropositives elles-mêmes peuvent avoir des représentations du handicap. Le handicap c’est le constat qu’on peut être potentiellement diminué dans ses actes de la vie quotidienne. Et je dis bien potentiellement. Et on se retrouve en situation, on est considéré en situation de handicap au sens de la loi de 2005. Les personnes séropositives elles-mêmes quand tout va bien au niveau médical et que l’état de santé s’améliore, les traitements sont bons et efficaces, ne se considèrent pas très souvent comme en situation de handicap. Pour autant je crois que c’est très important de les sensibiliser sur l’importance de se faire reconnaître rapidement, la qualité de travailleurs handicapés, en tout cas la RQTH, et ce n’est pas une demande de AAH ou de pension, ou de carte d’invalidité mais parce que ça permet d’accéder à plus long terme des dispositifs particuliers et puis de protéger les personnes d’avoir une surveillance médicale au niveau de la médecine du travail, d’avoir des droits à la retraite anticipée, d’avoir une indemnité en cas de licenciement doublé, de pouvoir accéder à des dispositifs de formation professionnelle particulier, avoir des accompagnements professionnels particuliers par les cap emploi ou les pôles emploi ou d’actionner des dispositifs en lien avec l’Agefip. On peut se considérer tout à fait comme un travailleur normal, un salarié normal, être séropositif et je dirai que c’est une opportunité et un bénéfice de se voir reconnaître la RQTH le plus tôt possible parce que c’est long, c’est des démarches, il y a peu de refus quand la demande est bien instruite et c’est souvent ça le problème. C’est la difficulté d’instruction de ce qu’on met dans le certificat médical et les médecins eux-mêmes ne sont pas très bons pour les démarches administratives. Le rapport sert aussi à les guider dans la rédaction. Vous me demandiez tout à l’heure qu’est-ce que vous préconisez dans le rapport. Ce qu’on préconisait beaucoup aux soignants, en tout cas, nous représentant associatifs, travailleurs sociaux ou dans l’accompagnement social, on préconisait beaucoup aux médecins de continuer à se soucier du bilan biologique des patients, de l’état sanitaire mais d’avoir toujours en tête que ce n’est pas parce qu’il y a une charge virale contrôlée et un bon bilan biologique et que l’état sanitaire de la personne est correct et bon, que son état social est bon. Et qu’un état social qui se dégrade ou qui est dégradé peut impacter le bilan biologique. Donc c’est à tout moment la prise en charge médicale et il y a des moments clefs, la mise sous traitement, la découverte de la pathologie, le changement de traitement, l’arrivée d’une co-infection, un facteur de comorbidité qui se déclenche, de faire un état social. De renvoyer vers un dispositif de secteur hospitalier ou associatif pour prendre en compte ce risque de dégradation des conditions sociales qui pourraient dégrader les conditions sanitaires ou à l’inverse, quelqu’un où il y a peut-être une recommandation de mise sous traitement, elle est universelle d’ailleurs depuis le rapport mais elle est peut-être particulièrement importante à un moment donné mais si cette personne est à la rue ou hébergée chez tiers ou avec des colocataires, elle ne peut pas prendre son traitement, ça va être compliqué. Donc ça a été un peu notre message. À la fois un message sur les défenses de l’approche globale parce qu’on sait que le virus impacte tous les aspects de la personne mais ça a été aussi, il n’y a pas que la prise en charge médicale et sanitaire, les conditions de vie ont une importance considérable sur la prise en charge sanitaire. C’était un peu le double message de notre chapitre.
Sandra : Julienne et Nino, est-ce que vous, vous êtes reconnus travailleurs handicapés ?
Julienne : Moi, je suis reconnue comme travailleur handicapé depuis 2010.
Sandra : Tu n’as pas eu de difficulté, tu as été bien conseillée pour remplir ton dossier ou tu as fait ça toute seule ?
Julienne : Non, c’est là que je dis que c’est toujours cas par cas. Moi, j’ai été avec mon assistante sociale de Montfermeil. Elle m’a accompagnée dans beaucoup d’associations. C’est Christine d’ARCAT qui a fait à ce que j’ai cette reconnaissance. Elle est très efficace pour ça. Réellement avec mon état, qu’est-ce que je peux bien travailler ? Je ne peux pas puisque moi, à vu d’oeil je ne suis pas handicapée mais moi-même je me sens puisque je perds trop de choses, j’ai déjà trop perdu mes capacités, je ne peux pas travailler normalement comme j’étais jeune. Et c’est pour ça même aujourd’hui si je ne travaille pas, ma maladie s’aggrave puisque j’ai l’obésité. Quand je reste sans bouger, l’obésité s’installe, l’hypertension s’installe, ça s’ajoute au VIH automatiquement je deviens handicapée.
Sandra : Et donc, ça t’apporte une ressource financière assez importante ?
Julienne : Euh pour le moment, je n’ai pas de ressource. J’ai quoi, j’ai le retour à l’emploi puisque là où je suis allée faire le stage, je ne sais pas, puisqu’on dit là-bas que je ne suis pas handicapée et finalement c’est pour les handicapées et que réellement je suis handicapée. Mes démarches administratives ne marchent pas très bien avec moi.
Grégory Lagrange : Très souvent tout est en lien. Quand on a la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, on peut intégrer parfois des structures adaptées parce qu’on ne peut pas travailler dans le milieu ordinaire. Ou alors on peut avoir la RQTH et très souvent c’est aussi le signe d’un dialogue avec son médecin, sur ces capacités professionnelles, à occuper un emploi. C’est le cas de Julienne, elle le dit, elle ne peut pas effectuer tous les travaux. Elle va être en situation de pénibilité à un certain moment. Elle est à un niveau d’employabilité mais peut-être pas à temps plein. Peut-être pas sur tous les métiers mais elle en a tiré le constat. Le fait de pouvoir augmenter ses ressources via l’insertion professionnelle très souvent nous permet, en terme d’accompagnement social d’accéder plus facilement à un logement social parce qu’on sait, en Ile-de-France il y a 150 000 personnes qui attendent aujourd’hui un logement social et que les bailleurs sociaux vont regarder et très souvent l’AAH ne suffit plus pour accéder à un logement social ou en tout cas rend compliqué l’accès à un logement social quand on a que l’AAH comme niveau de ressources. Donc tout ça est lié. Quand la personne usager ou la personne elle-même a pris en compte ses freins à l’emploi ou a fait cette démarche de parcours en insertion professionnelle ou de maintien d’emploi, il n’y a pas que des gens non plus qui ne sont pas en situation d’emploi, ça sécurise les ressources ou ça en amène des nouvelles et ça sécurise un hébergement ou ça amène à un hébergement, logement et ça améliore au final la qualité de vie et conditions de vie. Ça socialise aussi un emploi. C’est important.
Sandra : Nino, est-ce que tu es reconnu travailleur handicapé ?
Nino : Oui, c’est quelque chose que je n’ai pas voulu. C’est l’assistante sociale de la Berlugane qui m’a presque forcé. Moi, je n’ai pas voulu.
Sandra : Pourquoi ?
Nino : Parce que je ne me sens pas handicapé et d’ailleurs, depuis que j’ai eu ça, depuis 2011, c’est dans ma valise. Je n’ai jamais utilisé, même dans mes démarches ça ne me sert à rien. C’est important mais je ne me sens pas comme travailleur handicapé.
Grégory Lagrange : C’est le choix des personnes. Toujours le choix des personnes d’utiliser leur RQTH ou de ne pas l’utiliser. C’est important. Mais vous avez cette démarche d’effectuer. Un jour, elle peut peut-être vous servir.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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