Sandra : Le choc de l’annonce, nous allons en parler tous ensemble avec notamment la psychologue-sexologue Nadège Pierre qui est présente avec nous à l’émission de radio Vivre avec le VIH. Je vais demander à chacun de partager son expérience, s’il le veut bien. On va commencer par Zina, honneur aux dames. Qu’as-tu à dire sur ce sujet, l’annonce de la séropositivité, je te laisse t’exprimer là-dessus.
Zina : Pour ma part, ça été un choc effectivement parce que j’étais persuadée de ne pas l’avoir. Et quand on me l’a annoncée, j’étais hospitalisée parce que j’ai eu de la fièvre qui ne passait pas, j’avais à peu près 40 de fièvre et du coup, je suis allée à l’hôpital et de là, on m’a fait le test et l’interne est venu m’annoncer dans ma chambre que j’étais séropositive. En fait, quand il est arrivé, moi j’ai dit : “Bah vous voyez, je vous l’avais dit que je ne l’avais pas”. Et il m’a dit : “Bah si, tu l’as.” Donc ça m’a fait comme l’expression, le ciel qui nous tombe sur la tête en fait. C’est vraiment ce que j’ai ressenti. Puis tout d’un coup ça va vite dans la tête quoi. Je me suis mise à avoir peur, à me dire ça y est, ma vie est foutue, surtout que c’était en 1991, c’était il y a assez longtemps, il n’y avait pas autant d’avancer que maintenant. J’étais toute jeune, j’avais 22 ans. Donc pour moi, ma vie était finie, je n’aurai plus de vie sentimentale, pas d’enfant. En gros j’étais quasi morte. Puis par la suite, ça a évolué, je me suis adaptée à la situation et j’ai vu que je pouvais très bien vivre avec, il y a eu des progrès qui ont été faits. J’ai pu avoir des vies sentimentales, j’ai pu avoir des enfants, j’ai pu travailler, j’ai pu avoir une vie à peu près normale, quasi normale.
Sandra : Merci pour ton partage d’expérience. Je vais maintenant donner la parole à Jean-Marc.
Jean-Marc : Je suis à peu près dans le même cas que Zina. Sauf que moi dans mon cas, c’était les années 80, 82, 83. Et le choc est différent parce qu’on m’a annoncé que j’avais 2-3 ans à vivre maximum. Et comme apparemment on s’habitue à tout, j’ai vécu normalement jusqu’à présent. Ça fait déjà 30 et quelques années. Et heureusement je n’ai jamais été malade ni quoi que ce soit. C’est clair que le choc de l’annonce au départ, ce n’est jamais facile.
Sandra : Et Yann ?
Yann : C’était complexe parce qu’en fin de compte, c’était quand on a choisi de se marier. On était en 1990 et le médecin nous a proposé, enfin il y a la syphilis qui est faite systématiquement et il nous a proposé de faire le VIH. Ce qu’on a accepté et puis voilà. J’ai reçu, c’est moi qui ai ouvert l’enveloppe vu qu’à l’époque on le recevait par la poste. J’ai ouvert l’enveloppe. J’ai été me jeter deux cognacs au bar en bas. Immédiatement. Et je suis rentré chez le premier médecin pour lui expliquer parce que ma femme était enceinte de 4 mois. Donc elle pouvait très bien être en incubation et l’enfant aussi. Tout ça s’est bien terminé, la preuve c’est que je suis encore là pour vous parler. On a perdu je pense, Jean-Marc et tous les anciens comme nous, un nombre de personnes incalculables autour de nous. Et que voilà, je crois que le combat militant est aussi en leur mémoire. On le sait au Comité des familles que, actuellement en 2014 apprendre sa séropositivité, mais ça je pense que le docteur pourra nous en parler, ça reste pratiquement le même météorite qu’on prend sur la tronche qu’à l’époque où tu pensais avoir que 4-5 ans à vivre quoi. C’est peut-être différent parce qu’effectivement les médias ont passé qu’on n’en meurt plus et ce qui est vrai, quasiment mais…
Sandra : Ah ça, tout le monde n’est pas d’accord. Je me rappelle que, un journaliste de TF1 avait dit à Pierre Bergé : “Aujourd’hui on ne meurt plus du Sida”. Et là, Pierre Bergé, président du Sidaction, s’était un peu énervé…
Yann : Pour une fois que je suis d’accord avec Pierre Bergé (rires).
Sandra : Justement, j’allais poser cette question, oui, Jean-Marc ?
Jean-Marc : Ça reste de toute façon, qu’on en meure ou pas, un traitement à vie.
Sandra : Bien sûr. J’allais demander à Nadège Pierre, peut-être que vous voulez réagir sur ces 3 témoignages mais aujourd’hui, est-ce que ça reste le même choc comme l’ont vécu Zina, Yann ou Jean-Marc ?
Nadège Pierre : Je ne sais pas si c’est le même parce qu’effectivement le contexte thérapeutique est différent. Il y a un peu plus d’informations, on dit plus souvent qu’on n’en meurt pas, en tout cas de la séropositivité, du Sida. Mais malgré tout, ça reste un choc. La première réaction des personnes c’est de demander combien de temps il leur reste à vivre. 1 an, 2 ans, 6 mois. Même s’ils sont informés. Il y a toujours dans les chocs psychologiques, un décalage énorme entre ce qu’on connait intellectuellement et puis le vécu où de toute façon le VIH, le Sida, ça reste associé à la mort. Et dans un premier temps, la plupart des personnes s’attendent à un pronostic de vie. Au-delà du point de vue diagnostic, et ça reste quelque chose, ils se disent qu’ils n’ont plus que quelques années, quelques mois à vivre et puis c’est associé à des images de dégradation physique, de maladies, d’alitement, de marquage physique, etc. Je pense qu’on ne peut sans doute pas comparer parce que le contexte n’est pas le même et les gens ne sont pas entourés de personnes qui décèdent à cause du Sida. Cependant, au moment de l’annonce, c’est très associé à la peur de mourir.
Sandra : Donc c’est nécessaire de se faire suivre alors par un psychologue au moment de l’annonce ?
Nadège Pierre : Nécessaire non. C’est une proposition. Je pense que chacun a le droit, le choix de se faire suivre ou pas. Moi il m’arrive de rencontrer les personnes après l’annonce. Quelquefois juste après quand ils sortent du cabinet du médecin. Souvent quelques jours après. Je crois que la première préoccupation des personnes est médicale, pronostic, charge virale, traitement ou pas, comprendre ce qui se passe, tout un tas d’informations. Moi, je les reçois donc après, quelques heures ou quelques jours après. Il y a quelques entretiens. Souvent ça s’arrête au bout de quelques entretiens parce que leurs préoccupations à ce moment-là elle est très médicale mais on va pouvoir discuter des perspectives, de comment ils en parlent, à qui ils en parlent, est-ce qu’il faut en parler ? Et ça je pense que ça relève du choix de chacun. Comment sont-ils entourés ? Et puis quelques fois, ils arrêtent là et reviennent quelques mois plus tard où là, une fois qu’ils sont rassurés par la prise en charge médicale, etc. on va pouvoir penser au-delà de la panique. Moi je pense que mes premiers entretiens au moment de l’annonce, c’est pour faire face au choc, à la panique, à l’angoisse et la dépression apparait, si elle apparait, parce que ce n’est pas systématiquement heureusement, un peu plus tard.
Sandra : Juste une question avant de poursuivre la discussion. Votre file active, je sais que vous travaillez au 190, c’est un centre de santé sexuelle. Et aussi vous recevez dans un autre, vous avez un cabinet privé, je ne sais pas comment… donc c’est pour savoir votre file active, quelle population vous avez l’habitude de recevoir ?
Nadège Pierre : Au 190, la file active est à peu près de 1600 patients par an. Moi, je reçois plutôt autour de 200-250 patients par an. Je reçois entre 30 et 40 patients par semaine. Il y a des personnes qui viennent ponctuellement quelquefois et puis il y en a d’autres qui ont des suivis de plusieurs mois voire années pour certains. On se voit toutes les semaines, tous les 15 jours. Ça dépend des agendas de chacun. Au 190 on reçoit majoritairement des hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes qui s’appellent gays identitaires ou homosexuels ou homme ayant des rapports sexuels avec des hommes, puisque le projet était parti d’une volonté de prévention sur une population particulièrement touchée en région parisienne en Ile-de-France. Cependant, évidemment, on reçoit des personnes séropositives, des personnes séronégatives et il y a évidemment des hétérosexuels qui viennent aussi consulter qu’elles soient séropositives ou séronégatives. Hommes ou femmes. J’ai une activité en libérale en Ile-de-France, en région parisienne où je reçois des patients plus larges sur des thèmes qui sont autour de la sexualité ou pas. Je suis psychologue aussi, pas que sexologue. Certains sont confrontés à des questions autour du VIH ou des prises de risque sexuelles plus largement. Alors après c’est toutes les personnes qui se sentent en mal-être de vivre et qui veulent consulter un psychologue.
Sandra : Zina, au moment de l’annonce, as-tu eu le besoin de consulter un psychologue ?
Zina : En fait, ça ne m’est même pas venu à l’esprit.
Sandra : T’as géré ça comment alors ? T’en as parlé à quelqu’un ou pas ?
Zina : Oui, j’en ai parlé à ma famille. J’en ai parlé à mes amis. Mais en fait après le choc de l’annonce, le choc n’a pas duré. Heureusement pour moi, j’ai une grande capacité d’adaptation à quel que soit la situation et je m’y suis faite très vite en fait. Je n’en ai pas vraiment souffert réellement très longtemps. Ça a été assez court. Je me suis relevé très vite quoi.
Sandra : Jean-Marc, as-tu eu le besoin de consulter un psychologue à l’annonce ?
Jean-Marc : Déjà d’une part, à l’époque on ne m’en a pas proposé. Et puis non, personnellement je n’ai jamais eu besoin de consulter non plus.
Sandra : Et aujourd’hui, tu n’en as toujours pas besoin.
Jean-Marc : Encore moins. Désolé.
Sandra : Non mais, il n’y a pas de désolé. C’est que ça va pour toi. Tant mieux. Il n’y a pas de problème (rires). Et toi Yann ?
Yann : Non, sexologue non. Psychologue non plus. J’ai été plus haut moi. J’ai été voir un psychiatre. Je crois que c’était…
Sandra : Direct ?
Yann : Direct. Parce que je crois que quand je me suis renseigné, vu que je n’avais pas de moyens, c’était à l’hôpital et c’était dans la section psychiatrie. Je pense qu’il était psychiatre, psychologue forcément. Je pense que, non ? C’est très différent les deux écoles ?
Nadège Pierre : Les psychiatres ont une formation de médecin et une spécialisation psychiatrie et les psychologues ont une formation en psychologie et en sciences humaines et pas de médecine. Donc c’est deux métiers différents.
Yann : Donc c’était bien un psychiatre parce qu’il était médecin sous l’éthique de l’hôpital, tout ça. Et je dois dire que j’ai été 3 fois. Je ne sais plus quelle technique c’était mais en fin de compte il te laisse parler et il te donne une ou deux phrases et tu t’en vas avec, tu travailles avec ça. Tu fais ton petit bout de chemin. Et moi, ça m’avait fait énormément de bien. Comme disait Nadège, effectivement j’ai eu besoin d’y aller que 3 fois mais ça m’a fait un bien fou. Et j’ai aussi le cas de ma fille qui à un moment n’allait pas bien où je lui ai proposé si elle voulait aller voir quelqu’un et peut-être 2 mois après, elle m’a dit oui. Peut-être parce que ça l’amusait aussi un petit peu. Mais en tout cas, elle n’y a été qu’une fois et maintenant quand on en parle elle me dit c’était très bien, ça m’a fait du bien et puis de savoir que tu me l’as proposé, ça m’a fait du bien.
Nadège Pierre : Ce que je pense, c’est qu’on n’en ressent pas forcément le besoin. Enfin on n’identifie pas forcément le besoin de voir un psychologue mais quand il y a une proposition, quelquefois les gens s’en saisissent et effectivement c’est une rencontre qui n’est pas forcément longue. Je pense qu’on a souvent en tête des processus très longs, des suivis très longs et heureusement ce n’est pas forcément le cas. Mais quelquefois cette proposition et cette rencontre peuvent être intéressantes. Sans forcément qu’on identifie le besoin de parler à quelqu’un, parce que quelquefois on est entouré. Quelquefois on se dit que parler, ça ne sert à rien. Mais c’est une rencontre particulière, je trouve que c’est intéressant de pouvoir la proposer aux personnes. Après, elles n’y vont pas, chacun a son libre arbitre heureusement.
Je voulais juste préciser, parce que vous parliez de la question financière. Effectivement consulter un psychologue, un psychothérapeute en libéral, ça demande un certain financement. Heureusement à l’hôpital il y a des psychiatres ou des psychologues, notamment dans les services VIH qui peuvent recevoir des patients et des associations aussi qui proposent des consultations. Le centre médico psychologique, les CMP, il y en a partout. C’est aussi pris en charge par l’État ces consultations. Donc par la médecine publique.
Sandra : Comme vous travaillez au 190 et que vous recevez aussi un public majoritairement gay ou des hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes, est-ce qu’il y a une différence avec du coup les personnes hétérosexuelles par rapport à l’annonce ? Il y a quand même davantage de prévention dans cette population donc ils sont censés quand même être un peu plus au courant du VIH. Quand ils prennent des risques, est-ce qu’ils sont un peu plus conscients des risques et du coup ils réagissent différemment à l’annonce ou alors c’est tout le monde pareil ?
Nadège Pierre : J’aurai plutôt tendance à penser que la réaction face à l’annonce elle est pour tout le monde pareil, ce choc de sidération, de ne pas comprendre, après un mélange de honte, de culpabilité, de peur de l’avenir, d’effondrement de toutes les perspectives et projets qu’on avait construit, je pense qu’elle est assez partagée. Cependant pour une partie des garçons, des hommes que je rencontre, effectivement ils connaissent sans doute un petit plus le VIH qu’une population hétérosexuelle ordinaire. Dans le sens où, au bout d’un moment, moi ce que je constate chez les hétérosexuelles, je vois plus de femmes hétérosexuelles, la peur de ne pas rencontrer de partenaire, l’acceptation, la sérophobie, qu’il faut tout expliquer dans le monde hétérosexuel quand on veut rencontrer un partenaire, faut expliquer ce que c’est le VIH, les risques de contamination, les charges indétectables. Les hétérosexuelles n’y connaissent pas grand-chose en gros. Ce n’est pas dans leur contexte de vie. Il y a petite différence sans doute chez les homosexuels qui rencontrent des partenaires qui sont un peu plus familiarisés pour autant, ce n’est pas pour autant qu’ils sont mieux informés que… l’acceptation est compliquée aussi, la sérophobie ça existe tout autant chez les hétérosexuels que les homosexuels. Mais sans doute qu’on peut dire à un partenaire quand on parle de sérologie positive, il y a quand même quelque chose qui parle un peu plus et un niveau d’information sans doute un peu plus élevé qui à mon avis facilite peut-être pour certains la parole dans leur cercle proche en tout cas. Après, il y a une double phobie qui est crainte. Quand on connait l’homophobie et qu’on se dit qu’on va aussi être aussi en proie à la sérophobie, à la peur qu’inspirent les séropositifs chez certains, je pense que c’est un peu la double peine pour certains. On a annoncé il y a quelque temps son homosexualité à sa famille par exemple, à ses parents quand il s’agit de jeunes gens et puis là, avec la peur de rentrer dans un cliché, etc., la difficulté de la prévention elle est identique pour tout le monde j’ai l’impression. Sauf que chez les gays, il y a un risque accru parce que la population est plus touchée à la base.
Sandra : Zina, une question pour toi. Qu’est-ce que tu dirais à une personne qui vient d’apprendre sa séropositivité pour que l’annonce soit moins brutale ? Qu’est-ce que tu conseillerais à des personnes qui reçoivent des personnes qui apprennent leur diagnostic, d’après toi, quels sont les mots à dire à une personne qui apprend sa séropositivité ?
Zina : Pour moi, déjà je voudrais dire quelque chose. Est-ce que le docteur pourrait parler un peu plus fort ou devant le micro parce que je n’entends pas tout en fait.
Sandra : Elle a une petite voix c’est vrai mais merci pour l’info.
Zina : Pour ma part, je dirai de parler de l’avancée quoi, que maintenant il y a une bonne avancée et qu’il y a beaucoup de gens qui vivent très bien avec, qu’on peut avoir des enfants, on peut avoir une vie sentimentale, on peut travailler, on peut voyager et juste expliquer qu’il y a beaucoup de personnes qui vivent très bien avec à partir du moment où on est suivi, où on se soigne. Et aussi de ne pas se rejeter parce qu’on est malade. À partir du moment où on se rejette soi-même après on attire le rejet des autres, pour ma part, je ne me suis jamais rejetée en tant que telle. Je ne l’ai pas beaucoup caché sauf que j’ai vécu dans des petites villes et comme j’ai des enfants c’est par rapport à eux. Mais sinon, je ne l’ai jamais réellement caché et je pense qu’à partir du moment où on accepte d’avoir ce virus, il y a ça aussi qui est très important, accepter de l’avoir parce que c’est un fait, on ne peut pas s’en défaire. Donc de toute façon, soit on vit avec et on l’accepte et on vit bien avec ou alors on ne l’accepte pas et on vit très mal avec. Donc voilà, ce que je dirai à une personne qui vient de l’apprendre.
Sandra : Merci Zina. J’ai vu que Nadège Pierre voulait rajouter quelque chose.
Nadège Pierre : C’est juste que vous me gratifiez d’un titre que je n’ai pas. Je ne suis pas docteur. Je ne mérite pas (rires).
Zina : J’ai entendu qu’on vous appelait docteur alors je l’ai fait aussi (rires). Je ne me souviens plus de votre nom
Sandra : C’est Nadège Pierre. Zina, tu vas bientôt nous laisser parce que tout à l’heure on aura un appel à 11h45. Je vais donner la parole à Jean-Marc.
Jean-Marc : Pourquoi toujours moi ?
Sandra : Bah parce que tu es là Jean-Marc, arrête de râler. Comment ça toujours toi ? (rires). Toi, qu’est-ce que tu dirais à une personne qui vient d’apprendre sa séropositivité ?
Jean-Marc : Je ne peux pas te dire honnêtement. Ça a tellement changé depuis mon époque que… l’annonce n’est plus du tout la même. Déjà à mon époque ce n’était pas séropositif c’était vous avez le Sida. Là, c’est vous êtes séropositif, ça se soigne. Honnêtement, je ne saurai pas trop quoi dire maintenant.
Sandra : Et toi Yann ?
Yann : Je ferai le vieil historique, je dirai prends bien tes médocs, et tu vas foncer, tu vas durer, il n’y a pas de souci, prend bien tes médocs.
Sandra : On va dire au revoir à Zina, tu as quelque chose à rajouter peut-être, une question que tu voulais poser à Nadège Pierre ?
Zina : Rajouter effectivement quelque chose c’est que le plus important dans tout ça, c’est de garder le moral parce que si on n’a pas le moral, la maladie risque de prendre le dessus. Voilà. Garder le moral, rester positif et avancer comme vient de dire Yann.
Sandra : Toi aussi, garde le moral, garde la pêche et puis à très bientôt pour une prochaine émission.
Yann : Merci Zina, gros bisous.
Nadège Pierre : Au revoir Zina.
Jean-Marc : Au revoir.
Sandra : On va continuer la discussion. Peut-être avez-vous quelque chose à rajouter Nadège Pierre ? Un thème que nous n’avons pas abordé ?
Nadège Pierre : Pour poursuivre sur ce que vous disiez. Moi, je ne suis pas médecin, je vois des personnes après ou avant mais je trouve que quelquefois il faut reprendre tranquillement toutes les informations qui ont été données, reproposer à la personne, lui dire qu’elle peut insister auprès du médecin, poser des questions si elle ne comprend pas quand on annonce, quand on vient d’entendre qu’on est séropositif et qu’il y a tout un tas d’information médicale, etc. Je pense qu’il y a plein d’éléments, on dit oui, on ne comprend pas tout, ça fait quelquefois trop d’informations et on peut dire aux personnes qu’elles peuvent reposer les questions aux médecins ou à des associations par ailleurs. On a le temps. C’est quelquefois un monceau d’informations à apprendre. La charge virale, les traitements, etc. Ça fait beaucoup.
Yann : Moi parfois je note encore quand j’ai des rendez-vous. Je note avant pour être sûr de ne pas oublier parce que comme tu arrives déjà dans leur maison, tu vois t’as des blouses blanches, tu es dans cette espèce de caste, déjà tu es pris un petit peu comme ça et parfois tu oublies la moitié, ah merde j’ai oublié de demander ça…
Nadège Pierre : Oui, je trouve que cette préparation est importante aussi.
Sandra : Jean-Marc tu te prépares aussi quand tu vas voir ton médecin ?
Jean-Marc : Du tout.
Sandra : Toi, j’ai l’impression que les médecins c’est…
Jean-Marc : Bah ça fait 30 ans maintenant voilà, c’est une habitude comme une autre, dont je me passerai évidemment mais bon.
Yann : C’est vrai que, c’est fort quoi. Il y a tellement de vécu, toi ça va, tu n’as pas été beaucoup, eu de problème de santé lié au VIH.
Jean-Marc : Jamais.
Yann : Sur les parcours des cursus de 25, 30 ans de VIH, il y a vraiment des gens qui souffrent actuellement des pathologies et des médicaments. Il ne faut pas l’oublier quoi. C’est difficile de vieillir avec une prise de médicament, même si elle nous sauve la vie attention. On est tous ravis que la science ait été aussi vite. Mais ça reste lourd.
Jean-Marc : Pour ma part, on souffre plus les premières années et puis après on fait avec.
Yann : Tu ne vois pas par exemple de défaillances un peu physiques sur les os ou les rhumatismes.
Jean-Marc : Jamais. Si, depuis que je connais Sandra, j’ai le coeur qui lâche un peu (rires).
Sandra : N’importe quoi. Arrête, tu sais qu’il y a mon papa qui écoute l’émission, il va croire des choses, arrête (rires).
Yann : C’est beau !
Sandra : Alors du coup on n’a même pas eu le temps de parler du stade de la dépression finalement. Mais juste peut-être dire, est-ce que ça arrive fréquemment que les personnes séropositives aillent jusqu’au stade de la dépression ou c’est quand même quelque chose de rare ?
Nadège Pierre : Je crois qu’il y a un peu plus de dépression chez les personnes séropositives que dans un public large. Moi après, je ne vois que des gens qui ne vont pas bien. Quand on va voir un psychologue, c’est rarement parce qu’on va bien. Donc effectivement, dans les personnes que je vois, il y a beaucoup de syndromes dépressifs. C’est large, il y a des gens qui sont dans des états de dépression grave, il y a des personnes qui sont dans une phase de déprime. Ça peut être dès l’annonce pour certains. Il y a quelque chose qui s’effondre. Je pense à un patient qu’on suit actuellement parce que lui pour ça a été très compliqué de se projeter etc. Ça raisonne aussi dans l’histoire de chacun de façon différente. Ca dépend de comment on est entouré, ça dépend des projets qu’on avait, ça dépend de ce qu’on comprend d’une pathologie ou d’une maladie en général ou de la mort. Et puis des personnes qui ont des contrecoups quelquefois plusieurs mois après parce qu’elles s’aperçoivent qu’elles n’arrivent plus à se projeter, qu’elles n’ont plus envie de bouger d’une manière générale, qu’elles n’ont plus de désir sexuel, de travailler, désir d’aimer, de sortir, etc. Et là, il va avoir un travail de fonds, un travail plus important pour pouvoir retrouver aussi des envies, retrouver des possibilités de se projeter dans l’avenir, des appuis autour de soi, comprendre pourquoi on est tellement effondré aussi à ce moment-là. Évidemment, il y a une réalité qui est forte. Et puis en même temps trouver chez chacun les ressorts pour que ce soit la vie qui reprenne du terrain, qu’on puisse l’enrichir à nouveau. Quelquefois après l’annonce, on voit des personnes qui ont des réortations de vie un peu différentes. La perception de la vie, du sens de la vie, du rapport aux autres va changer. Des personnes qui pensaient que jamais ça ne leur arriverait, qu’elles étaient bien loin du VIH et de ces histoires-là et puis tout d’un coup elles sont confrontées à une nouvelle réalité, des nouvelles personnes, quelquefois des nouvelles rencontres, alors difficile au début ou pas. Je pense qu’il y a tout un tas de choses qui se redessinent pour certains.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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