Alexandre : Alors, en 2015, cette chronique fut jalonnée de doux énergumènes. Et entre ceux qui augmentent les prix de leur médicaments de 700 euros et les pays qui jugent encore du droit d’entrée d’une personne à la consistance de son sang, comprenez sérologie, on ne peut que souhaiter qu’en général l’année 2016 soit meilleure sur le plan de la santé au niveau mondial. C’est le moi pessimiste et un rien râleur qui s’exprime, mais il y a toujours des avancées sociales et scientifiques qui rehaussent le bilan. Alors bon, par quoi commencer l’année 2016 ?
Pendant les fêtes, j’ai mangé en famille l’équivalent de la production annuelle de viande de l’abattoir d’Alès. Oui, cette phrase était immonde, ne vous en faîtes pas, j’arrête de suite. Alors donc, devant mon foie gras et ma tranche de saumon, je me suis étonné du fait de ne pas avoir de fameux tonton raciste. Et bien j’ai rapidement compris que c’était parce que j’avais bien trop à faire avec mon tonton pervers, à qui j’ai promis en cadeau de Noël un premier sujet « à sa convenance ». Alors tonton, si tu m’écoutes, j’ai bien galéré mais j’ai réussi, j’espère que ça ne me coûtera pas mon boulot, ça serait con.
Un super-préservatif. C’est Direct Matin qui a révélé l’info fin décembre, des scientifiques d’une université au Texas ont mis au point une manière d’éviter l’accident du craquage de capote. Plus précisément, le préservatif aura en lui un gel à base d’eau qui aurait un effet anti-rétroviral, il bloquerait le virus et l’empêcherait de se dupliquer, par conséquent.
Deuxième innovation, le préservatif sera traité avec un produit capable de stimuler les neurotransmetteurs reliés aux terminaisons nerveuses. Cet antioxydant sera là pour augmenter le plaisir, histoire de tenter une nouvelle fois de limiter au plus possible la perte de plaisir sexuel avec un préservatif, ce qui aurait une influence directe sur la prévention. Environ 1 dollar, c’est le prix que l’équipe de chercheurs de l’Université Texas A&M souhaite mettre en place si son produit est commercialisé l’année prochaine, ce qui devrait se faire. Super-préservatif arrivera plusieurs mois plus tard à l’étranger, si tout se passe bien.
Mohamed : C’est bien cette petite avancée mais j’aimerais bien avoir des suites, des renseignements par rapport à la mise en application et en circulation de ce préservatif.
Alexandre : Dans l’idéal, l’année prochaine, fin 2016, début 2017. Tout ce qu’il y a à espérer c’est que le prix du préservatif ne soit pas trop cher. On a vu de nombreux projets de préservatif censé augmenter le plaisir et puis renforcer les protections en fait. Il y a juste à vérifier qu’ils ne soient pas trop cher parce que les préservatifs ça reste un budget pour chaque personne.
Sandra : Autre information Alexandre ?
Alexandre : 2016, c’est aussi l’occasion de parler des DOM. Oui, c’est la fin du programme Interreg-IV-VIH, un nom compliqué pour une idée simple, réduire le plus possible l’impact de l’infection au VIH/SIDA dans les départements français américains et en Caraïbe (à savoir la Guadeloupe, la Martinique, et la Guyane).
Interreg-IV-VIH a été mis en place en 2010 et a duré jusqu’à 2015. Quels en étaient les tenants et les aboutissants ? 7 millions d’euros ont été attribué au CHU de Point-à-Pitre par l’Europe, pour ce projet. D’après Marie Georger-Sow, interviewée par le média France-Antilles, je cite, « Les DFA (Les Départements Français d’Amérique) possèdent des moyens diagnostiques et thérapeutiques identiques à ceux de l’Hexagone, précise le docteur Marie Georger-Sow, chef de projet. En revanche, il existe des facteurs plus défavorables dans nos régions (migration importante, forte proportion de femmes parmi les personnes vivant avec le VIH, homophobie, stigmatisation et discrimination) dans une grande précarité, notamment pour les migrants. Côté prévention, on constate un retard au dépistage dans les DFA et une prévention peu orientée vers les personnes vulnérables. Le programme a permis, entre autre, de réaliser des études quantitatives et qualitatives par groupe vulnérable et non en population générale. »
Si j’ose dire nous avons donc les symptômes, nous savons comment la maladie frappe à l’échelle d’une population et de différents groupes vulnérables, il est temps d’agir. Et ainsi donc, a été mis en place en 2013 au CHU de Point-à-Pitre une unité d’assistance médicale à la procréation en contexte viral (AMP). Car oui, la PMA, la procréation médicalement assistée, peut-être une possibilité, notamment chez les couples sérodifférents. Sans oublier, selon France-Antilles toujours, l’installation de deux embryoscopes fin 2015, chargés de filmer le développement embryonnaire et donc de parfaire la sélection avant l’implantation dans l’utérus.
L’article conclut avec les trois points majeurs remplis de ce plan d’aide, de nouvelles structures pour étudier les résistances à tous les traitements anti-rétroviraux, des enquêtes sur le terrain pour observer les différentes populations touchées et des groupes vulnérables, et de la coopération régionale avec le Brésil, la Dominique, Haïti, avec dans ce dernier cas la création et la formation d’un groupe de professionnels de la santé à Haïti dans le cadre de la lutte contre le VIH.
À noter pour finir que le nombre de personnes nouvellement atteintes du SIDA est six fois plus élevé en Guadeloupe qu’en métropole, la deuxième région française, après la Guyane, la plus touchée par l’épidémie, avec 2000 personnes infectées et traitées.
Sandra : Merci pour cette information, vos réactions sur le site comitedesfamilles.net et là, je vais m’adresser directement aux personnes qui vivent dans les DOM, les personnes séropositives. Très peu de personnes osent prendre la parole, témoigner. N’hésitez pas parce que c’est important d’en parler aussi, il y a aussi des personnes vivant avec le VIH dans les DOM et on a tendance peut-être à oublier. Comme c’est des îles, je sais que c’est difficile d’en parler. Mais n’hésitez pas à laisser des témoignages écrits sur notre site comitedesfamilles.net et ce sera vraiment un plaisir pour nous de pouvoir le lire à l’émission et puis c’est comme ça que l’entraide, la solidarité commence et vous allez voir que vous n’êtes pas seul. Mohamed, je ne sais pas si tu as quelque chose à rajouter sur cette information ?
Mohamed : Je sais que les DOM-TOM sont très touchés par le problème du VIH. Mais comme on ne connait pas trop l’application des soins et ce qui se passe Outre-Mer, on n’est pas censé savoir les statistiques. Je sais que les soins devraient être assez considérables là-bas et il faut voir par rapport aussi au personnel et aux moyens alloués à ces DOM-TOM pour qu’ils puissent apporter des soins appropriés.
Sandra : Il y a quand même des études qui sont faites pour savoir comment les personnes vivent, comment elles sont soignées, je pense notamment à l’enquête Vespa-2, dirigée par France Lert, chercheuse à l’INSERM, par exemple. Il y a quand même des données, ce n’est pas non plus l’inconnu.
Mohamed : D’accord.
Alexandre : Pour rajouter, il y a déjà le grand frère de ce plan d’aide. Ce plan d’aide c’était Interreg-IV-VIH et du coup il y a son grand frère qui est déjà envisagé Interreg-V-VIH dans le cadre de ces régions et qui devrait être mis en place très rapidement.
Sandra : Merci. N’hésitez pas à réagir sur le site comitedesfamilles.net. As-tu une autre information ?
Alexandre : Oui. Au Mali, sur 100 000 personnes infectées, seulement 33 000 ont accès aux traitements antirétroviraux (ARV). En 2015, 1 personne vivant avec le VIH sur 3 peut être traitée. Le pays ne parvient pas à assurer l’accès aux ARV ou à la PrEP (prophylaxie preexposition) pour l’intégralité des personnes concernées. Dans cette info tirée du site Internet Maliweb, qu’apprenons-nous : la PrEP n’est pas mise en place et le taux de couverture sociale ne dépasse pas les 35 % à l’échelle du pays. L’OMS (Organisation mondiale de lutte contre le sida) demandait il y a quelques mois une ouverture des traitements ARV pour tous, quelle que soit l’avancée de la maladie. Hors, le Président de l’Arcad-Sida, (L’Association de Recherche, de Communication et d’Accompagnement à Domicile), le Dr Aliou Sylla, a déploré récemment la réalité au Mali, qui, je cite, « est qu’il y a encore très peu de temps, les personnes diagnostiquées séropositives se voyaient refuser le traitement sous prétexte que leur maladie n’est pas avancée. Seulement très récemment les recommandations de l’OMS commencent à être appliquées ».
Sandra : Je rappelle juste que la PrEP c’est le fait pour une personne séronégative de prendre un traitement VIH pour se protéger d’une contamination, avant et après un rapport sexuel. Vos réactions sur le site comitedesfamilles.net. Une autre info Alexandre ?
Alexandre : Non, mais je terminerai avec une dernière chose. Ce n’est pas vraiment une info, c’est un petit détail culturel.
Sandra : Rubrique culturelle, c’est parti !
Alexandre : Ce sera très rapide. Je n’ai pas envie de prendre la place de Yann, qui nous manque beaucoup d’ailleurs.
Pour finir cette chronique débutant l’année, je ne me contenterai certainement pas de cette pauvre phrase aux deux mots opposés. 2016 laisse fleurir son bourgeon sur les restes fânés du tricentenaire de la mort de Louis XIV, ou du pentacentenaire de la bataille de Marignan, de l’hexacentenaire d’Hazincourt ou du simple centenaire des horreurs de la Der des Ders, pas si der qu’elle semblait l’être, une année au goût de poudre cendrée, de fer de feu d’acier de sang, comme aurait dit Prévert pour une autre guerre à l’horizon se dessinant déjà. 2015 est mort, vive 2016, quant à nous, vivons en rêvant, puisque c’est tout ce que l’on a.
Nous finissons cette chronique sur une initiative d’une radio congolaise, une musique d’espoir du groupe Okapi Musica sur le VIH/SIDA, vous écoutez “Objectif Zéro”.
Sandra : Merci pour cette découverte Alexandre. Mohamed, qu’en penses-tu de cette chanson ?
Mohamed : Je crois que c’est une bonne initiative, concernant surtout le problème de l’Afrique, on sait que c’est un pays du tiers-monde, et qu’ils ont du mal à avoir l’accès aux soins et l’accès à la médicalisation. Déjà qu’ils vivent dans des conditions précaires au niveau de l’hygiène, de l’eau et du sanitaire. C’est très bien que le message passe. A travers l’Afrique, on s’aperçoit que d’une région à une autre, ce n’est pas pareil, en Afrique centrale, de l’Ouest, etc. ils ont d’autres lois, d’autres restrictions, d’autres laboratoires, je ne sais pas ou d’autres autorisations. Ils n’ont pas accès aux soins normalement. Et avant qu’il soit trop tard, il faudrait qu’on fasse quelque chose pour l’Afrique.
Alexandre : Sans vouloir généraliser à l’ensemble de l’Afrique, il y a différentes situations qui sont différentes en Afrique, il y a des pays dans lesquelles les évolutions sont en cours et d’autres dans lesquels ce n’est pas tout à fait ça. Et après comme tu disais l’Afrique dans sa globalité, il y a des évolutions à faire c’est clair, après je pense qu’il y a certaines parties de l’Afrique, je n’ai pas d’exemple en tête, mais il y a certaines parties de l’Afrique où les avancées ne sont pas négligeables malgré tout.
Sandra : Oui, bien sûr. Et dans la chanson, les chanteurs prônent évidemment l’utilisation du préservatif mais aussi l’abstinence et la fidélité, qu’en pensez-vous ? Est-ce un moyen de prévention pour vous ?
Alexandre : Ca m’amuse parce que, dans le tout premier reportage que j’ai réalisé pour Vivre avec le VIH, j’avais interviewé une personne qui m’avait dit, je lui avais exactement posé cette question, “quelles sont les meilleurs moyens de se protéger des MST” et il m’avait dit “je pense que l’abstinence, ne pas faire l’amour, ça reste le meilleur moyen”. Bah ! D’un côté, j’ai envie de dire, oui, évidemment, il y a tout de suite beaucoup moins de risque. Maintenant, ceux qui veulent absolument s’abstenir, libre à elle de s’abstenir. Maintenant, je ne pense pas que ce soit la solution pour tout le monde. C’est peut-être la solution pour une petite frange de la population. Je ne pense pas que ce soit la solution principale à prôner partout. De toute manière, il n’y a pas une seule solution, ça dépend des personnes. D’un point de vue personnel, je ne prônerai jamais l’abstinence. Si des personnes veulent être abstinentes, c’est leur choix, aucun problème. On est libre. C’est juste que ce ne sera pas la solution que je prônerai.
Sandra : Merci pour ta franchise.
Mohamed : Par rapport à ce que dit Alexandre, que ce soit l’abstinence ou la fidélité, moi, je serai plus pour un message de prévention plutôt que l’abstinence. Car en Afrique, par rapport aux relations sexuelles, il y a beaucoup de pays polygames, des relations sexuelles très libertaires. Certains pays sont très pauvres donc on ne peut pas leur reprocher de ne pas se protéger puisque ces gens-là peut-être n’ont pas accès au préservatif ou à de l’eau potable…
Alexandre : Ou à simplement de la prévention pur et simple.
Mohamed : Pour un pays comme ça, il faudrait mettre plus en avant le préservatif féminin, je pense. Je ne sais pas s’il est en développement ou pas mais ça reste quand même une façon de se protéger qui ne touche pas à l’homme, parce que c’est un peu tabou de parler de ça, surtout les Africains, et donc, de prôner plus le port du préservatif féminin que de dire aux hommes de se protéger.
Sandra : Vos réactions sur le site comitedesfamilles.net. Qu’en pensez-vous ? L’abstinence, la fidélité ? Peut-on prôner ça comme moyen de prévention ? N’hésitez pas à donner votre avis sur le site comitedesfamilles.net
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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