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26.08.2014

Les ingrédients pour bien prendre son traitement VIH

Julienne : Merci de m’avoir donné la parole. Je suis arrivée en France en 2010 voir ma fille. J’étais malade mais je ne savais pas que j’étais séropositive. Mais après trois semaines ma maladie s’est aggravée, je suis allée à l’hôpital faire tous les examens me demandant « qu’est-ce qu’il y a ». Je raconte toutes les histoires que j’ai ramenées du Cameroun, l’hypertension, le rhumatisme, le début de l’AVC. Finalement, ce n’était pas ça. C’était le VIH. C’était positif. Depuis que l’hôpital Montfermeil m’a pris en charge, je me sentais très bien. Là où tu vis, quand tu vis très bien ton traitement. Mais quand ça ne va pas, là où tu es logé, ton entourage… tu oublies même. Puisque la maladie même, bien sûr je suis déjà âgée, j’ai des trous de mémoire, la maladie a attaqué mon cerveau, ce qui fait que j’oublie beaucoup. Mais quand ça ne va pas aussi là où tu restes, c’est la catastrophe parce que tu peux même faire toute une journée sans prendre ton traitement. Comment je peux prendre mon traitement ? Tu as peur. Tu as oublié. Quand tu es dans un bon milieu, là où tu es bien suivi, tu te rappelles très bien de ce que tu fais. Ça va. Mais quand tu n’es pas dans un bon endroit, on t’énerve à tout moment, tu as même des mauvaises pensées, tu oublies même la maladie et c’est ça qui dérange beaucoup. Ce qui fait que normalement quand tu es, surtout nous les étrangers, quand tu es déjà pris en charge par les psychologues, les médecins te suivent bien, là tu prends ton traitement. Mais quand tu tombes entre les gens qui te rejettent, toi aussi tu rejettes le médicament parce que ça ne vient même pas de toi-même parce que tu oublies. Moi, je suis très d’accord avec les gens qu’il faut d’abord être bien suivi, la qualité de vie. Ça compte beaucoup sur ça. Tu peux bien avoir ton traitement mais si tu n’as pas une bonne qualité de vie, ça ne va pas. C’est dans ce sens-là que je peux faire mon témoignage. On peut bien te donner le traitement à l’hôpital mais là où tu es logé, tu es là comme si tu es en prison. Tu es dégoûté à toi-même d’abord et tu abandonnes même tout, tu veux seulement te suicider. Ça veut dire que tu as déjà deux maladies. Moi je trouve qu’il faut d’abord la qualité de vie. Les deux penchent ensemble. Les deux doivent marcher ensemble. Quand les deux marchent ensemble, ça va très bien.

Sandra : Merci Julienne pour ton témoignage. Est-ce qu’aujourd’hui tu arrives à bien prendre ton traitement ?

Julienne : Aujourd’hui, je venais de changer là où j’étais. Je prends bien mon traitement parce que quand on me dit ça va, tu te lèves, la qualité de l’accueil ton assistance sociale, elle-même qui te donne le courage : « Est-ce que tu n’as rien oublié aujourd’hui ». Toi-même tu dis : « Oui, ça va très bien ». Parce que quand tu es bien, on te demande ce que tu as mangé, on suit ce que tu manges, on suit comment tu prends ton traitement, ça te donne l’envie de prendre tout et ça marche. Là où je suis à l’heure actuelle ça marchait très bien.

Sandra : Nino, a ton tour de parler. Les conditions de vie, comment ça se passe pour toi ? As-tu rencontré des difficultés pour prendre ton traitement VIH ?

Nino : Alors moi j’ai rencontré quelques difficultés au début qui n’ont pas trop duré. Quand je l’ai su que j’étais séropositive, j’habitais Gonesse avec des cousins comme on dit, pas mes cousins mais comme on appelle régulièrement des cousins. On était à 4 dans un petit truc de environ 20m2 et on se marchait dessus. Je suis allé à l’hôpital et j’étais séropositif. Il fallait ne pas le dire, il fallait cacher mes traitements donc j’ai acheté un gros cadenas, j’ai bloqué ma valise. Je mettais mes médicaments à l’intérieur et j’avais des soucis pour les prendre. Il fallait aller aux toilettes pour avaler mes médicaments et déjà même on était tous des sans-papiers et on avait des petits boulots au noir. Donc on n’arrivait pas à bien manger. Déjà, on mangeait presque les pâtes tous les jours. On a acheté des produits un peu calculés… il y avait des soirs où on n’avait presque rien à manger et les médicaments c’est quelque chose qui est lourd quoi. Quand vous prenez les médicaments sans avoir mangé, déjà vous avez la tremblote, la fatigue et voilà. Ça n’a pas été facile. Ça fait qu’au bout d’un moment, j’ai abandonné. Donc j’ai fait 8 mois sans prendre les traitements. Déjà il ne fallait pas dire à mes cousins qui habitaient avec moi. Ça fait que j’ai eu des soucis au niveau de la santé, j’ai eu des résistances. Mon médecin m’a dit voilà, si vous continuez, vous allez être hospitalisés. L’assistante sociale de l’hôpital a fait tout parce que j’ai expliqué que je n’avais pas un bon cadre, un milieu approprié pour prendre les médicaments, j’ai rencontré des difficultés. Ils m’ont orienté dans un ACT, un appartement de coordination thérapeutique dans Paris 13ème. Et arrivé là-bas, franchement c’était super parce que j’avais ma chambre tout seul et voilà, j’ai eu un bon suivi, les médecins qui passaient de temps en temps nous voir avec les éducateurs. Donc là j’ai commencé vraiment à bien prendre mon traitement. Ça fait que 6 mois après, mon médecin m’a dit qu’il y avait une bonne évolution et un an après j’avais une charge virale indétectable jusqu’à présent où la santé est bonne, je n’ai pas une autre pathologie, où tout se passe très bien. J’ai passé un an et demi dans l’ACT. J’ai eu un suivi avec mon éducatrice avec qui on a bien travaillé. J’ai été régularisé. J’ai fait des petits stages. J’ai commencé à travailler. J’ai été relogé il y a un an. Ça se passe très bien. Je vis chez moi, tout seul, je prends bien mes médicaments. Je respecte mes rendez-vous avec mon médecin. Ça se passe très bien.

Sandra : Gregory Lagrange, qu’avez-vous à dire sur ces témoignages ? Est-ce que ce dont ils ont parlé, c’est mentionné dans le chapitre « Conditions de vie pour un succès thérapeutique » du rapport Morlat ?

Grégory Lagrange : C’est le constat même du rapport. C’est le constat de départ de nos travaux. J’étais membre, ainsi qu’une douzaine de personnes du chapitre « Conditions de vie pour un succès thérapeutique ». On est parti France Lert, sociologue à l’INSERM, était membre du chapitre et on est parti des résultats de l’enquête Vespa qu’elle a menée su les conditions de vie des personnes séropositives. On a fait malheureusement le constat que c’était le deuxième volet de l’enquête Vespa. Il y avait un premier volet qui datait de plus de 10 ans, que si l’état sanitaire des personnes vivant avec le VIH de manière générale s’était considérablement amélioré en 10 ans, en 15 ans depuis le début de l’épidémie, en revanche, les conditions sociales ne s’étaient quasiment pas améliorées. Il y avait quasiment pas d’avancé au niveau des conditions de vie des personnes et les problématiques qu’on connaissait il y a 10-15 ans, demeurent encore aujourd’hui. Des problématiques avec des cumuls de vulnérabilité, des vulnérabilités en terme de logement. Des personnes hébergées chez tiers, à la rue ou hébergées contre contrainte, etc. Des difficultés sociales d’accès à des ressources primaires d’accéder à un niveau de ressources suffisant pour couvrir des besoins essentiels, se nourrir, se vêtir, se loger. Et puis des difficultés qui se cumulent, psychologiques, d’isolement, de solitude, etc. Les travaux du rapport ont été malheureusement de faire ce constat d’une faible avancé, la situation des personnes pour, on le sait, des personnes tout n’est pas égal face au VIH. L’épidémiologie de l’épidémie aujourd’hui fait que les personnes les plus touchées, les plus précarisées sont des personnes migrantes, très souvent des femmes, très souvent avec un faible niveau de formation, très souvent avec des difficultés d’accéder à l’hébergement au logement, très souvent isolées. Ça appelle nos associations ou les travailleurs sociaux et les services sociaux de secteurs à intervenir dans une multitude de champs. D’intervenir sur le logement, d’intervenir pour ouvrir un minimum de ressources, d’intervenir pour régulariser la situation administrative des personnes avec toutes les difficultés que l’on rencontre face aux préfectures. Pour maintenir les gens dans le soin ou les faire rentrer dans le soin. Si on n’agit pas sur tous ces champs sociaux, les personnes arrêtent leurs traitements, ne les prennent pas, se découragent et on sait que derrière c’est l’état sanitaire des personnes qui se dégrade.

Sandra : Vous avez parlé des difficultés face aux préfectures, ce serait intéressant que Nino et Julienne partagent tout à l’heure leurs expériences là-dessus. Une question pour vous Grégory Lagrange, vous travaillez à l’association ARCAT. Comment vous agissez sur les conditions de vie des personnes séropositives ?

Grégory Lagrange : Notre association comme d’autres associations en France et en Ile-de-France, je pense à Basiliade, Julienne en parlait, on a la même typologie d’accompagnement. C’est bien parce qu’on a fait le constat que le VIH affecte les personnes dans toutes leurs dimensions, sociales, affectives, psychologiques et médicales, etc. On intervient, on essaye d’intervenir en tout cas sur tous ces champs. Donc nous, notre dispositif réunit plusieurs professionnels. Une juriste, 3 assistantes sociales, une animatrice d’atelier collectif, une chargée de vie sociale individuelle auxiliaire de vie sociale, deux chargés d’insertion professionnelle, une psychologue et une médecin-conseil. Et on essaye tous ensemble d’accompagner des gens qui ont des cumuls de vulnérabilité ou des freins à une inclusion sociale ordinaire et pérenne, en tout cas qui font que ces personnes ne sont pas autonomes aujourd’hui dans leurs démarches administratives, dans leurs démarches juridiques ou pour s’intégrer durablement dans le parcours de soins. On essaye de travailler avec les personnes à la fois pour les accompagner sur tous ces champs et pour leur donner aussi les ressources propres pour que les personnes par elle-même au terme de notre accompagnement soient capables d’effectuer leurs démarches seules ou de se rendre chez le médecin seul, etc. Donc on a deux dispositifs concernant l’association ARCAT, un premier dispositif qui est, ce qu’on appelle un dispositif bas seuil, donc d’accompagnement conditionnel, de personnes sans-papier, à la rue, sans ressource, en situation d’urgence sociale et qui viennent nous saisir dans l’urgence elles-mêmes ou orientées par d’autres associations ou des assistantes sociales hospitalières, etc. On va intervenir pour régler une situation dans l’urgence et on a un autre dispositif depuis 2009, un dispositif particulier, un établissement médico-social au sens de la loi 2002 : un SAVS, un service d’accompagnement à la vie sociale de 90 places où on accompagne des personnes qui nous sont orientées par la maison départementale des personnes handicapées, la MDPH, en situation de handicap invisible, porteuses du VIH ou d’une hépatite et qui sont moins dans une situation d’urgence sociale. En général, ils ont un hébergement ou un logement, ils sont régularisés au niveau administratif puisqu’ils nous sont orientés par la MDPH. Et on va les accompagner pour qu’ils soient pleinement autonomes. On va continuer à les accompagner au niveau administratif juridique, psychologique, etc. On est moins dans l’urgence mais plus dans l’autonomisation des personnes et renforcement des compétences propres.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

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