Sandra : Traitement hépatite C, à quel prix ? Je vais tout de suite laisser la parole à Madame Petrovic qui a un témoignage à donner, qui est concernée par ce sujet.
Madame Petrovic : Bonjour, écoutez, je voulais parler de mon hépatite C et mon problème en fait, malheureusement pour moi je n’ai pas qu’hépatite C. J’ai aussi une tumeur cérébrale. Pourquoi je suis en colère ? Parce qu’en fait, cette nouvelle molécule qui est tellement chère, on ne peut pas ou on ne veut pas me la donner. On ne veut pas me traiter parce que c’est tout simplement, mon hépatologue m’a dit que c’est trop cher. En étant à un colloque il y a quelques jours, une dizaine de jours, au ministère de la Santé, j’ai posé des questions à différentes personnes. J’ai cherché un peu la réponse, quand est-ce que moi je peux compter d’être soignée ? Personne ne m’a répondu.
Sandra : À ce sujet, justement, j’ai enregistré la réponse qu’on vous a donnée. Vous avez pris la parole à ce colloque. On va juste écouter la réponse qu’on vous a donnée puis vous allez me dire ce que vous pensez de cette réponse.
Début de l’enregistrement.
Victor De Ledighen : C’est un très beau témoignage pour commencer. C’est la raison pour laquelle nous sommes tous là. Finalement vous êtes vraiment, exactement, c’est très bien ce que ce soit vous qui ai eu la parole en premier. Vous reflétez exactement tout ce que tout le monde pense ici. Je pense qu’on est tous d’accord avec vous et ce que vous vivez et les difficultés que vous rencontrez à ne pas pouvoir être traitée. Donc je ne peux que dire que c’est pour ça que je suis venu. C’est pour qu’effectivement, on puisse à terme traiter tout le monde et je ne vais pas rentrer dans les détails de votre cas, mais le rapport Dhumeaux dit : « Il faut traiter les malades F2 ». Donc c’est justement pour traiter les gens comme vous. Les avis d’experts sont aussi pour pousser. Les avis sur l’évaluation de la sévérité de la maladie hépatique de l’expert, je suis sûr que vous allez vous trouver dedans, dans les indications à traiter. Donc c’est pour ça qu’on essaye de faire avancer des choses pour que tous les gens comme vous qui ont besoin d’un traitement puissent en bénéficier le plus vite possible. Je ne peux que dire que nous sommes tous là je pense pour faire en sorte qu’il n’y ait plus de cas comme vous et partout en France.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Qu’avez-vous pensé de cette réponse Madame Petrovic ?
Madame Petrovic : Cette réponse ne me convient pas du tout parce que moi personnellement, ce n’est pas ça que j’ai de la part de mon hépatologue. J’ai vu mon hépatologue le 13 novembre. Je me suis même, on peut dire, engueulée fortement parce qu’il me dit que je ne suis pas assez malade pour qu’il puisse me donner ce médicament. Tout simplement il me répond que c’est toujours trop cher pour moi. Je suis F2, limite presque F3. Il ne prend pas en compte ma tumeur aussi. En fait, cette réponse ne peut pas me satisfaire parce que ce n’est pas le cas. Il faut vraiment chercher dans les hôpitaux la réponse des hépatologues, qu’est-ce qu’ils disent eux, parce que cette réponse elle n’est pas à mon goût.
Yann : Et pour les auditeurs, je voudrai rappeler que F2, F3 sont en fin de compte l’avancée de la fibrose sur le foie. La détermination de savoir si on doit traiter à F2 à F3. Moi aussi, je ne suis pas au courant de cette interview, mais effectivement, on est dans la réponse la plus vague totale en disant oui oui, je suis comme vous, mais à quand les dates ? Quand est-ce que les traitements vont baisser ? Ca c’est des réponses qu’on n’a pas.
Madame Petrovic : Tout à fait, je suis d’accord avec vous. C’est tout à fait ça. J’ai compris qu’en fait, il faut se battre tellement et voilà, on est en attente. Je ne sais pas, même moi personnellement, je cherche une réponse sérieuse.
Yann : Madame Petrovic, est-ce que votre hépatologue vous a proposé un autre traitement à base d’interféron ?
Madame Petrovic : En fait, mon hépatologue, quand on a découvert que j’ai aussi une tumeur cérébrale, il m’a dit c’est hors de question que je sois traitée par Interféron. Et il m’a proposé également qu’il va me traiter tout de suite quand la nouvelle molécule va sortir et il a complètement changé quand la molécule était là. Première rencontre avec mon hépatologue, c’était, il a pris un stylo et un papier pour me calculer combien ça coûte. Et je suis sortie comme ça de chez mon hépatologue. J’étais vraiment écoeurée.
Yann : C’est une erreur, c’est très grave quoi, c’est une erreur médicale. Je vous rappelle quand même qu’en France, on a des droits et le droit d’un médecin c’est de donner le meilleur médicament qui existe pour le patient. Donc que le patient soit en plus de sa pathologie, mise à mal, en lui faisant comprendre qu’il revenait cher donc rajouter une culpabilité, c’est un scandale.
Madame Petrovic : Complètemet d’accord. J’ai vu aussi mon médecin, mon professeur qui me suit pour ma tumeur. Il a été scandalisé qu’on me réponde comme ça et il trouve que ce n’est pas logique qu’on me laisse dans cette attente. En sachant que ma tumeur peut grossir et on ne sait pas quand et que si je me débarrasse de l’hépatite C, c’est beaucoup plus facile d’aller opérer ma tumeur. Malgré tout ça que j’ai expliqué à mon hépatologue, il est resté, comment dire, de marbre. Son problème c’est le prix du médicament. Je ne sais pas. Je suis scandalisée.
Sandra : Avez-vous pensé ou est-il possible de changer d’hépatologue ?
Madame Petrovic : Oui, j’ai pensé que comme je suis suivie à l’hôpital Pitié-Salpétrière pour ma tumeur et j’ai pris également un rendez-vous chez un autre hépatologue pour le mois de janvier. Je vais aller à ce rendez-vous, un peu peut-être sereine pour qu’un autre hépatologue comprenne ma souffrance. Parce que je souffre également quotidiennement des inflammations, de la fatigue et tout ça. C’est vraiment dommage qu’on ne prenne pas en compte que les gens souffrent énormément de l’hépatite C. Il n’y a pas que le foie qui est en question.
Yann : On marche sur la tête parce qu’apparemment, par rapport à votre deuxième pathologie qui est la tumeur, l’Interféron vous est totalement contre-indiqué donc il n’y a plus qu’une solution c’est le Solvadi et les nouvelles molécules qui existent, et le faire rapidement pour pouvoir justement soulager cette tumeur et soulager le corps entier.
Madame Petrovic : Tout à fait, je suis complètement d’accord avec vous. En attendant, il faut être patient et il faut être courageux. Le seul courage que j’ai, je fais le sport tous les jours 1 heure, c’est comme ça que je reste un peu zen. J’espère en tout cas, tous les auditeurs qui nous écoutent, on peut me contacter aussi. Je vais laisser mes coordonnées et je suis là à disposition aussi pour qu’on se batte. Je ne suis pas toute seule. On a dit que nous sommes 200 000, mais je suis persuadée que nous sommes peut-être 300 000 même plus en France contaminés par l’hépatite C. Moi j’ai été contaminée tout simplement en 1987 par transfusion sanguine. Je ne savais pas pendant des années. J’ai découvert il y a 3 ans que j’ai mon hépatite C. Mais depuis une quinzaine d’années, je souffre de différents problèmes de santé. C’était tout simplement l’hépatite C.
Yann : Faut savoir qu’une hépatite C au bout de 20 ans, 25 ans, se déclare quasiment naturellement en cirrhose, en cancer. Vous êtes prioritaire et ça moi je vais vous aider. On va essayer de vous faire entendre pour que vous ayez droit à ce que vous avez droit.
Sandra : Parce que toi aussi Yann tu t’es battu pour ce traitement.
Yann : Oui, en étant très étonné parce que moi je suis suivi par le même infectiologue à St Antoine, le docteur Picard, n’ayons pas peur de donner les noms. Effectivement, il y a eu un conciliabule qui fait que quand je suis venu avec la décision de me traiter, parce que même si vrai qu’on m’avait dit plusieurs fois : « Yann, ce serait bien que vous commenciez un traitement sous Interféron ». Moi qui fréquente le Comité des familles, Dieu sait si on a perdu des gens et physiquement et mentalement et pour 1000 raisons, on a des témoignages. Les statistiques, je ne les crois pas quand nous disait qu’il y avait un résultat formidable avec 20 à 25% d’échec pour un traitement à base d’Interféron et de Ribavirine. Nous, au Comité des familles, on n’avait pas du tout les mêmes résultats parce que, tu te rappelles Sandra, les dégâts qu’on a pu voir, dus à l’Interféron. Quand je suis arrivé à mon rendez-vous avec effectivement Madame Picard et l’hépatologue de St Antoine. Elles ont fortement appuyé pour que je prenne un traitement à base d’Interféron. Je leur ai expliqué mon rejet absolu de ce médicament et Dieu sait si j’ai pris déjà des antiviraux que je n’aurai pas dû prendre. Pourtant j’étais informé des retombées de certains médicaments, dont certains je souffre encore de neuropathie. Effectivement, comme je m’étais dit, ils vont essayer de me filer le médicament qui, je ne sais pas qu’il n’y a pas d’argent, mais de l’argent il y en a quand même donc après ça dépend ce qu’on fait, où on veut le mettre, c’est toujours pareil. Elles ont été un petit peu surprises que je vienne avec des documents, que je me sois déjà très informé sur la nouvelle molécule. Et je leur ai dit, un patient, parce que j’ai eu droit aussi, comme Madame Petrovic, au fait que bah oui, mais Yann il n’y a plus d’argent. Dans l’hôpital il n’y a plus d’argent. L’hôpital fonctionne mal. Oui, mais ce n’est pas à moi qu’on doit dire ça. Vous dites ça dans votre caste quand vous êtes ensemble, vous faites comme vous voulez, vous allez taper sur l’état en disant ce n’est pas normal qu’un traitement qui revient 200 euros, soit vendu 75 000 euros. À un moment, je sais que la recherche coûte cher, mais la recherche est aussi subventionnée. Donc à un moment, faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles. Donc on m’a dit : « Ne vous inquiétez pas, pendant la réunion qu’on a tous ensemble, on va quand même essayer d’appuyer, parce qu’effectivement si vous êtes en refus d’un médicament, c’est rare que chez le patient le médicament fonctionne ». Donc j’ai eu effectivement ce médicament qui n’est pas revenu à 74 000, mais à 140 000 euros. Je n’ai pas honte de le dire, parce que mon génotype fait qu’au lieu d’avoir 3 mois de traitement, je suis obligée d’avoir 6 mois de traitement.
Sandra : C’est quoi ton génotype ?
Yann : J’ai le génotype 3. Je ne peux pas te dire vraiment les différences qu’il y a parce qu’il y a 5 ou 6 génotypes. Je vis avec le VIH, j’essaye de ne pas vivre trop dedans non plus. C’est une manière de me protéger. Donc je ne suis pas informé sur tout. Pour la bonne nouvelle, et c’est ça qu’il faut retenir aussi, c’est que j’ai commencé mon traitement le 25 août et qu’à ce jour, il n’y a plus de trace de VHC dans mon sang. Donc je dois quand même continuer jusqu’au 9 avril pour finaliser et que le corps emmagasine suffisamment de médicaments. C’est un traitement tellement fort qu’on ne peut pas faire d’enfant durant un an, on ne peut pas utiliser son spermatozoïde donc, pensez bien aussi que si vous êtes traité, si vous êtes en projet d’enfant avec votre compagne ou avec votre compagnon, de faire éventuellement, ce n’est ce qui coûte cher, de faire congeler son spermatozoïde ou ses ovules pour les dames. Plein de choses où il faut se renseigner. Et n’allez pas voir votre hépatologue, rapprochez-vous des petites associations comme le Comité des familles, comme il y en a tant d’autres, qui vont effectivement, par le biais des membres, des gens qui sont passés par là, vous donner les bonnes réponses pour ne pas vous casser la figure face à cette grande caste de blouses blanches.
Sandra : Pour réagir au témoignage de Madame Petrovic et pour pouvoir l’aider aussi, vous nous appelez au 01 40 40 90 25 ou bien vous laissez un message sur le site comitedesfamilles.net et puis on se chargera de vous mettre en contact. Maintenant, je vous donnerai la parole après Madame Petrovic pour terminer, mais juste on va faire un point, un premier point en tout cas sur le colloque qui a eu lieu, organisé par le TRT5, qui eux évidemment sont contre ce tarif exorbitant pour ce nouveau traitement, le Solvadi. Je vais demander à Joëlle de lire son premier compte-rendu de la première table ronde.
Joëlle : Cette première table ronde a débuté avec l’exposé du secrétaire de l’AFEF (l’association Française pour l’étude du Foie), Le Pr Victor de Ledinghen, hépatologue. Il a salué la sortie des nouvelles molécules de traitement de l’hépatite C et les deux avis sur la prise en charge des patients de l’hépatite C. Il rappelle ensuite l’intérêt de la nouvelle fiche RCP (ou fiche de recommandation pluridisclinaire) publiée par l’AFEF et disponible sur son site. Il venait également soutenir les recommandations du rapport de recommandations 2014 produit sous la direction du professeur Daniel Dhumeaux sur la prise en charge de personnes infectées par les virus de l’hépatite B et C présenté au ministère de la Santé le 19 mai 2014. 15 000 malades par an, c’est ensuite le nombre de malades qui devraient être traités dans l’année 2015 et que Victor de Ledinghen annonce dans son intervention.
Début de l’enregistrement.
Victor De Ledinghen : Il n’y a pas une semaine maintenant où on annonce à un malade qu’il est guéri de l’hépatite C. Toutes les semaines j’annonce à des malades qui sont guéris de l’hépatite C. Ca fait 25 ans qu’on attendait ça et c’est un réel plaisir pour un médecin, c’est sûrement un réel plaisir pour le malade, on l’imagine bien. Mais je peux vous assurer que c’est un réel plaisir pour le médecin et on espère que ça va continuer comme ça longtemps.
L’avenir est rose. Toutes ces molécules arrivent. Il y en a qui sont déjà disponibles. Mais vous voyez qu’il y en a beaucoup d’autres qui arrivent. Donc on va avoir le choix. J’espère qu’on pourra toutes les utiliser. Mais vous voyez que si tout va bien, on aura une vingtaine de molécules pour traiter l’hépatite C. Donc ça, c’est un point positif. Après, 2014 c’est une année quand même exceptionnelle. Janvier le Sofosbuvir, mai le Siméprivir, septembre le Daclatasvir et novembre l’association Sofosbuvir et Ledipasvir. Connaissez-vous une maladie qui a eu autant de médicaments disponibles la même année avec une telle efficacité et aussi peu d’effets secondaires. Une première. L’AFEF a essayé de travailler pour faire en sorte qu’on puisse traiter rapidement les malades qui en avaient le plus besoin et un petit peu moins rapidement les malades qui en avaient le moins besoin à court terme. Il y a eu deux avis d’experts qui ont été mis en ligne. Un sur l’évaluation de la sévérité de la maladie hépatique pour initier le traitement de l’hépatite C et l’autre sur comment utiliser ces nouvelles molécules en fonction des différents malades. Le programme de l’AFEF pour les années à venir il est de 15 000. 15 000, c’est le nombre de malades que nous pensons devoir traiter par an et que nous pouvons traiter par an. Notre nombre de consultations explose. Moi, mes matinées de consultations qui faisaient 20 consultations demain je fais voir 38 malades en consultation demain matin, avec une qualité de consultation déplorable. Mais au moins je vais pouvoir prescrire et traiter les malades. Mais si on traite 15 000 malades par an, dans 10 ans, l’hépatite C peut devenir une maladie rare en France. 10 ans. 15 000 malades par an. Donc c’est ce chiffre que nous répétons à toutes les instances que nous rencontrons. Probablement qu’en 2014, 14 000 malades auront été traités. C’est bien parce que c’est pratiquement 14 000 malades guéris ou presque. Et donc si nous continuons à ce rythme, l’hépatite C peut devenir une maladie rare en France. Mais il faut continuer ce rythme. Et je termine en disant que nous continuons à nous occuper des malades et à pouvoir soigner tout le monde et que le 29 mai 2015, je vous invite tous à venir à Paris, à la journée de recommandations de l’AFEF, sur les nouveaux traitements de l’hépatite C qui et comment traiter en 2015.
Fin de l’enregistrement.
Joëlle : Le président de l’ANRS (Agence Nationale de la recherche sur le Sida), le Pr Delfraissy intervient ensuite. Le Pr a été nommé coordinateur des opérations nationales et internationales de réponse à Ebola à la fin du mois de novembre, dans le cadre du renforcement du dispositif Français. Il présente trois objectifs de l’ANRS dans la lutte contre le VIH et les Hépatites.
Début de l’enregistrement.
Jean-François Delfraissy : Je vous rassure tous d’ailleurs, l’ANRS reste complètement dans l’action sur le VIH et les hépatites et Ebola bien sûr est un nouvel élément de l’enjeu. 3 points. Le premier c’est très bien qu’on arrive à cette réunion portée par le milieu associatif autour du coût, mais pas seulement du coût finalement, mais de l’accès aux soins. On est bien d’accord que c’est ça qui est l’élément important. Deuxièmement, au niveau de la recherche puisque c’est l’objectif de l’Agence. Parmi les recommandations que tu viens de rappeler Victor, vous savez qu’on manque de données en France sur justement cette épidémie silencieuse. La cascade avec toutes les données qui vous sont habituellement présentées dans le cadre du VIH, elle manque cruellement. C’est-à-dire qu’il y a une approche sur les hépatites qui s’est faite par niche, c’est-à-dire quid des usagers de drogues, quid des prisons. Et il n’y a pas cette vision globale avec laquelle on a pris du retard, à la fois peut-être au niveau de l’ANRS et puis surtout de l’opérateur en l’occurrence qui était avec l’INVS. Il faut qu’on sorte un certain nombre de chiffres dans les 6 à 8 mois qui viennent, mais ça va prendre ce temps-là de toute façon. Deuxième point, qui a été assez peu évoqué jusqu’à maintenant ce matin, il y a cet aspect de coût, il y a cet aspect d’accès aux soins. Il y a l’aspect aussi, que j’avais appelé juste prescription. C’est-à-dire qu’il y a aussi une responsabilité des équipes médicales, de s’appuyer sur les recommandations du rapport Dhumeaux et puis celles que vous mettez à jour également au niveau de l’AFEF pour rester dans le cadre de ces jutes prescriptions. Et si ces justes prescriptions sont tenues et avec une montée en charge dans les deux années qui viennent, je dirai que normalement, la majorité des malades qui justifient la mise en route d’un traitement doit pouvoir le faire sauf peut-être, vous l’avez bien dit, des situations un peu juste autour des migrants, des situations un tout petit peu difficiles. Mais même là-dessus je crois que c’est réalisable. Dernier point quand j’écoutais les chiffres avec le slogan un peu de Victor et de l’AFEF, 15 000 patients, c’est probablement la première année, vous allez à peu près réussir à le faire. On peut imaginer que si on élargit un tout petit peu le process d’indication à d’autres spécialités ou à des choses qui sont justes, quand même il y a une série d’infectiologues qui sont capables de prescrire ce type de molécules et bien que si l’objectif est d’aller sur une plus large prescription pour les gens qui le nécessitent, juste prescription et je pense qu’on devrait avoir une année 2015 avec une montée en charge plus que 15 000. Mais j’insiste bien, il y a une responsabilité autour du coût, il y a une responsabilité associative, il y a une responsabilité des médecins eux-mêmes et qu’on ne laisse pas dériver ce type de prescription et qu’on soit capable de les évaluer. Parce que si on les évalue, on sera d’autant plus fort pour réclamer ensuite un certain nombre de choses.
Joëlle : Pascal Melin, est président et co-fondateur de SOS hépatites, association fondée en 1996 pour les personnes infectées par les hépatites B et C. SOS hépatite milite particulièrement pour l’égalité de traitement et pour donner la parole aux malades. Il va assez loin puisqu’il parle de « marche arrière” avec cette arrivée de nouveaux médicaments, car selon lui “on était prêt à traiter tout le monde » et ce médicament instaure une nouvelle inégalité entre les personnes atteintes de l’hépatite et qui justifie ce débat.
Début de l’enregistrement.
Pascal Melin : Quand on parle des 56 000 patients dépistés qui sont en attente de traitement, c’est la partie immergée de l’iceberg. Mais ne soyons pas le Titanic. Il y a ceux qui sont en dessous, qui ne sont pas visibles et qui risquent de crever la coque. Tous les modèles financiers sont faits à partir de ceux qu’on connaît, qui doivent être traités. On appelle en même temps au dépistage. Donc ça veut dire que le groupe des 56 000, on va le renforcer puisque vous savez bien qu’à partir du moment ou Madame Michu entend parler qu’il y a un nouveau traitement et qu’on va peut-être guérir l’hépatite C, ce serait peut-être intéressant justement de savoir si j’en suis porteur. Le frein numéro 1 à l’hépatite C c’était la non-guérison. Et on le connaît bien dans le VIH, c’est cette double peine de savoir que je suis positif. Donc aujourd’hui, est-ce qu’on ne va pas avoir beaucoup plus gens qui vont être dépistés et qui vont venir poser la question, et le traitement est-ce qu’il est pour moi ? Moi ça m’interpelle. On ne peut pas raisonner avec une population fixe. C’est-à-dire que ça va forcément être mouvant dans les années qui viennent. La deuxième réflexion, pour moi la question du coût, elle est fondamentale. Elle ne peut pas porter que sur le rapport avec l’industrie. Elle est forcément dans la discussion entre la solidarité entre patients. Il doit avoir une solidarité entre malades. Quelle est la solidarité entre les F4 et les F0 ? « Ouais il est F4, mais il a bu alors que moi, j’ai eu une qualité de vie qui a permis que j’aie encore une hépatite minime et vous me dites que je ne suis pas prioritaire ? Alors que le mec qui a bu il est prioritaire ? Non, mais on délire là, c’est à moi qu’il faut proposer le traitement ! Ça fait des années que je fais attention à ma ligne, à mon poids, que je ne fume pas, que je ne bois pas. » Vous voyez bien qu’il ne faut pas opposer les malades. Il faut absolument qu’on puisse maintenir une solidarité entre les malades. Il faut absolument qu’on puisse avoir aussi une solidarité entre les malades et les soignants. L’affaire qui nous occupe aujourd’hui ne doit pas être une division entre les soignants et les malades. Il doit avoir cette solidarité-là. Et j’ai envie de dire pour la première fois de l’histoire, on voit bien. On avait en 2002 ouvert les portes sur qui il fallait traiter à conférence de consensus. On avait ouvert les portes pour dire, si le malade est demandeur, on peut traiter tout le monde, pourquoi pas. Qu’est-ce qu’on va dire à cette femme jeune F1, qui va dire « moi je voudrais faire un enfant, mais 3% de risque de contamination, je n’ai pas envie de le prendre docteur ». « Ah oui, mais vous n’êtes pas dans les priorités à traiter. Faites des gamins, ne vous inquiétez pas, il y a des traitements qui marchent, vos enfants on pourra les traiter plus tard ». Vous ne voyez pas l’énormité de la chose ? Donc oui j’entends tous ces raisonnements-là, mais attention à ce que ça va renvoyer au titre individuel à chaque patient. Et puis, on voit bien que derrière c’est la question de est-ce que les prisonniers le valent ? Est-ce que les usagers de drogue le valent bien ? « Excusez-nous de pouvoir guérir ». On ne s’est pas posé la question dans le VIH, là on a un traitement qui peut guérir, qui vaut cher. Du coup, est-ce qu’il y aurait des gens qui ne seraient pas traitables qui ne pourraient pas accéder ? Qui ne seraient pas digne d’un traitement ? C’est juste pas pensable de pouvoir poser les choses comme ça. Pour la première fois de l’histoire, on avait un traitement, alors on a déjà guérit 50 000 personnes en France, on n’est pas sur une nouveauté. Les gens sont en ordre de marche. La guerre elle est commencée. Les médecins, les malades, ils avaient commencé avec l’Interféron et la Ribavirine. Il n’arrive pas un médicament du jour au lendemain. Les choses étaient prêtes. Sauf qu’on était prêt pour traiter tout le monde et là, avec l’arrivée des nouveaux médicaments, avec l’arrivée de nouveaux débats financiers, on fait une marche arrière où il y aurait des gens qu’on ne traiterait pas tout de suite en tout cas. Et ça, c’est difficile pédagogiquement à faire passer, à expliquer à tout le monde. La seule façon d’expliquer les choses, c’est de faire ce qu’on fait aujourd’hui, c’est d’en débattre tous ensemble et de pouvoir utiliser la pédagogie de l’État et des représentants associatifs, mais aussi de la santé pour faire passer et expliquer ces choses-là. Et si j’avais un mot pour conclure ce que je ressens, j’ai envie de dire, on n’a jamais été aussi puissant et pourtant on n’a jamais été aussi impuissant. C’est scandaleux. La puissance thérapeutique elle est là et nous voilà bloqué dans l’impuissance de la prescription, dans l’impuissance de mettre un schéma en place pour X raisons. Oui à la puissance non à l’impuissance. Il faut qu’on trouve des solutions. Elles sont dans les mains de tout le monde. Il faut y aller.
Fin de l’enregistrement.
Joëlle : Dans ce troisième extrait, Daniel Dhumeaux, le directeur du comité d’experts chargé de rédiger le rapport de recommandations 2014 pour la prise en charge des personnes infectées par les virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C répond à notre question posée à la fin du colloque. Ce rapport est le fruit d’un travail collectif confié par le ministère des Affaires sociales et de la Santé le 25 janvier 2013. Ce rapport comprend 180 recommandations. Les experts souhaitent que dans les 3 à 4 prochaines années, l’ensemble des recommandations soit mises en oeuvre. La question posée à Daniel Dhumeaux était celle de savoir si certaines populations spécifiques, par exemple les migrants et les usagers de drogues ont été pris en compte dans le rapport de recommandations.
Début de l’enregistrement.
Daniel Dhumeaux : Ces hépatites B et C, concernent un grand nombre de patients qu’on dit en situation difficile, en situation de vulnérabilité. Parmi ces personnes-là, il y a effectivement les usagers de drogues et vous savez qu’une des recommandations du rapport a été d’envisager le traitement des hépatites C chez tous les usagers de drogues, quel que soit le degré de fibrose avec un objectif de réduction des risques de la contamination. On n’a pas été extrêmement efficace en terme de réduction des risques dans l’hépatite C, contrairement à ce qui s’est passé pour le VIH et une bonne voie pourrait être d’arrêter la contamination entre les usagers de drogues par un traitement systématique avec des traitements, des molécules, avec des coûts limités bien sûr, parce que, là aussi, il y a une relation entre la possibilité de diffuser le traitement et le prix du médicament. Donc d’avoir une tentative de contrôle d’éradication. Je n’aime pas trop ce terme, usager de drogues. Et la même recommandation a été faite chez les prisonniers avec une augmentation du dépistage dans les prisons et une prise en charge thérapeutique de façon à écarter le risque de contamination et réduire le risque de contamination chez les prisonniers. Ça ne veut pas dire que l’ensemble de la population, ni prisonnière ni usagers de drogues ne soit pas candidats à ces traitements. C’est une vision qu’on a à terme d’envisager, avec des prix restreints, des médicaments, de la cure, d’aboutir finalement à un traitement de l’ensemble des personnes infectées, qu’elles soient en situation vulnérable ou non.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Au terme de négociations avec le premier laboratoire qui commercialise ces produits, le comité économique des produits de santé (CEPS) a fixé le prix du médicament Sovaldi à 13 667€ HT par boîte de 28 comprimés. Il s’agit du prix public le plus bas d’Europe. La fixation de ce prix met fin à la période d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU), qui a permis un accès précoce des malades à ce médicament. Le laboratoire devra rembourser à l’Assurance maladie la différence entre le prix pratiqué pendant cette période et le prix qui vient d’être fixé. Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des Femmes a décidé de supprimer la participation financière de l’assuré pour ce médicament qui sera donc pris en charge à 100% par l’assurance maladie. Marisol Touraine, qui avait pris l’initiative de mobiliser les pays européens sur ce sujet, se félicite de cette négociation qui garantit l’accès à des soins de qualité et innovants, au meilleur coût pour la sécurité sociale et les patients.
Ce à quoi le collectif du TRT5 a répondu : Mais faut-il rappeler aux plus hautes autorités de l’État que le traitement des malades en affections longue durée est, depuis 1945, pris en charge à 100% par l’assurance maladie ? C’est justement ce système solidaire que les acteurs de la société civile et les malades eux-mêmes veulent préserver, expliquent-ils, au-delà de leur besoin impérieux d’accès aux nouveaux traitements.
Marisol Touraine ne répond pas selon eux à la problématique de l’impact du prix des médicaments sur l’accès aux soins. Les contraintes économiques leur font craindre un tri des patients, parfois sur des critères non médicaux : les détenus et les usagers de drogues risquent d’être les premiers à être écartés de l’accès à ces nouveaux traitements, alors que les recommandations du rapport d’experts sur les hépatites priorisaient leur accès aux soins, quel que soit le stade de fibrose.
Voilà, pour cette première table ronde, on en reparlera prochainement au mois de janvier de l’hépatite C. C’est un gros sujet. Faut prendre le temps de tout expliquer. Madame Petrovic qu’avez-vous à dire ? Je vous laisse le dernier mot sur ce sujet avant de laisser place à la rubrique culturelle.
Madame Petrovic : Je voulais remercier Yann. Il a bien expliqué les choses. En fait, je voulais conclure qu’un jour, espérons-le que le médicament va baisser les prix et que tout le monde aura accès à ces traitements-là. Je suis en même temps confiante et pas tout à fait. Il faut être quelqu’un de positif comme je suis, comme je l’ai été toujours et puis, d’aller en avant. Merci de m’inviter à cette radio pour m’exprimer un petit peu et puis je souhaite à toutes les personnes qui sont infectées par l’hépatite C la guérison et je conseille tout simplement de se battre et faire beaucoup de sport. Parce que c’est ça qui m’a permis que je ne sois pas encore atteinte gravement par cette maladie-là.
Yann : Merci. C’est courageux.
Sandra : Merci pour votre venue, votre message, votre témoignage précieux et vous êtes très positive et vraiment, vous êtes un bel exemple.
Madame Petrovic : Merci beaucoup.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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