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01.10.2015

Nadège, séropositive depuis 2014 : «J’avais peur de contaminer mon bébé»

Arnaud Aurrens et Nadège

Sandra : Nous allons maintenant écouter le témoignage de Nadège, elle s’est préparée, elle a posé sa petite fille. Un peu stressé Nadège ou quoi ?

Nadège : Non !

Sandra : Ah ! Non, non. Nadège adore parler en fait. Voilà, bien près du micro, super. Alors Nadège, tout à l’heure dans ta présentation, tu disais que tu es une maman séropositive depuis 2014. Si tu veux bien, on va partir de là, du jour où tu as appris ta séropositivité, raconte-nous.

Nadège : Bonjour, moi c’est Nadège. J’ai été dépistée lors de ma grossesse, ma deuxième grossesse, parce que j’ai un garçon de 6 ans. Quand j’étais en Afrique, j’étais séronégative. Et là, en 2014, j’ai été à l’hôpital Delafontaine pour le suivi de maternité. Et là, on m’a fait des examens, une semaine après, on m’a appelé de venir urgemment et je me suis rendu là-bas et il y avait tout le monde, on me disait que j’étais séropositive. Dès qu’on m’a dit ça, j’étais bouleversée, j’ai commencé à pleurer, crier. On m’a dit que ce n’était pas grave. Moi j’ai dit sur-le-champ de me faire enlever la grossesse parce que j’avais peur de contaminer mon bébé et j’avais peur en tout cas, j’ai dit que je ne voulais plus la grossesse, qu’on m’enlève la grossesse. Les médecins m’ont expliqué qu’avec le VIH, je pouvais avoir des enfants, je pouvais avoir un traitement, pour protéger le bébé et sans problème quoi. J’ai dit que j’allais réfléchir. Une semaine après, je suis revenue et j’ai dit que je suis d’accord pour le traitement. Ils m’ont mis sous traitement, à partir du 7ème mois, jusqu’à 9 mois. J’ai tellement bien pris mes médicaments que j’étais indétectable. De 7 mois à 9 mois, j’étais indétectable. Donc, j’ai même accouché par voie basse comme toutes les dames et ce qui m’a plu, c’est que tout le monde, toutes les dames vont à la maternité ! Et on ne sait pas c’est pour quoi, pour quoi celle-ci est venue, non. Tu viens comme tout le monde et on t’examine, on te fait le traitement comme tout le monde. Ce qui m’a plu dans ça. Et après j’ai accouché tranquillement par voie basse, je n’ai pas eu de problème. Ma petite se porte bien, les examens sont bons et voilà. Actuellement on attend pour les 18 mois pour globaliser tout quoi.

Sandra : Pourquoi attendre les 18 mois ? Peux-tu expliquer ?

Nadège : À un mois, il y a un examen à faire, à 2 mois aussi et à 3 mois, pour voir si l’enfant… à 3 mois on sait si l’enfant est séropositif ou pas. Moi à 3 mois, on m’a dit qu’elle était négative. Dès la naissance, on m’avait dit qu’elle est négative, mais moi je ne croyais pas, j’avais les doutes encore. J’avais peur. Donc à 3 mois, quand on m’a dit que c’était négatif, j’ai dit ok. Et j’ai attendu aussi pour 5 mois aussi, on m’a dit que c’était négatif. Donc actuellement, j’attends pour les 18 mois.

Sandra : Est-ce que tu donnes un traitement à ton bébé ?

Nadège : J’ai donné le traitement lors de la naissance jusqu’à 1 mois. À 1 mois j’ai arrêté parce que le médicament c’est pour 1 mois. Ils ont dit à 8h et 20h, pendant 1 mois, et on arrête.

Sandra : La semaine dernière, on a parlé de ça, des traitements qu’on donne aux bébés, apparemment le sirop qu’on donne est dégueulasse, est-ce que ton bébé a pu le prendre normalement ?

Nadège : Elle a pris.

Yann : Tu lui mélangeais au lait ? Ou tu lui donnais à part ?

Nadège : Non, je lui donnais simplement avec la seringue (sans aiguille) et je lui donnais.

Yann : Ma première réaction, c’est que tu as eu énormément de chances tu sais, parce que vu que tu as été découverte tardivement dans ta grossesse, à 7 mois…

Nadège : 3 mois. Ils ont attendu 7 mois pour me donner des médicaments, pour protéger l’enfant.

Yann : Mais parce que ta charge virale ne devait pas être…

Nadège : C’était très bas.

Yann : Elle était très basse. Ça ne faisait pas longtemps que tu étais contaminée finalement. D’accord.

Nadège : Ce que j’avais, c’était les CD4 qui étaient bas. C’est seulement le problème que j’avais. Sinon, je n’avais pas trop de virus à ce moment-là. Ils ont attendu 7 mois pour me donner des soins.

Sandra : En France, il est recommandé pour les mamans touchées par le VIH, de ne pas allaiter leur bébé. As-tu respecté cette recommandation ?

Nadège : Bien sûr. Au début ce n’était pas facile parce que des amis qui demandent pourquoi tu n’allaites pas, pourquoi tu ne fais pas ça. Moi je disais que le lait ne vient pas et j’ai une amie même qui m’avait écrit une ordonnance d’un médicament que je pouvais prendre pour avoir du lait ! J’ai dit le lait ça vient maintenant, et dès qu’elle me demandait, je donnais le sein, parce que, dès qu’on accouche, on nous donne des comprimés à boire pour arrêter sur-le-champ le lait. Donc il n’y avait plus rien dedans et quand les gens me demandaient, moi je lui donnais le sein comme ça, mais il n’y avait rien. Et ma fille prenait et elle s’endormait. Comme ça j’ai arrêté trop de demandes. Sinon, ce n’est pas facile de ne pas allaiter son enfant parce que…

Sandra : Ouais, c’est le lien…

Nadège : Voilà.

Yann : Surtout que tu as pu allaiter ton grand garçon.

Nadège : Oui, je l’ai allaité jusqu’à presque 2 ans, il était grand, il tétait, il partait jouer, maman je veux téter ! Je lui donnais.

Yann : Bah regarde, moi des 4 enfants, je suis le seul à ne pas avoir eu le sein, tu vois le résultat ! (rires).

Nadège : Après, quand tu t’habitues, c’est bien.

Sandra : Il y a Alexandre qui fait du baby-sitting en fait, tu t’en sors ? On ne le voit plus !

Alexandre : Pas du tout ! (rires)

Sandra : C’est la galère !

Yann : Une question peut-être un peu plus compliquée Nadège, as-tu essayé de prévenir, si tu pensais connaître la personne qui a pu te contaminer ? Au moins la prévenir, peut-être qu’elle ne le sait pas…

Nadège : Comme vous le savez, moi je suis mariée depuis 2008, mais cette situation a fait que je ne suis plus avec mon mari, moi je ne suis pas… ça ne me dit rien actuellement parce que, j’ai pu surmonter la chose quoi. Je pense que c’est lui parce que depuis que je lui ai dit qu’à l’hôpital on m’a dépistée, qu’il devait venir aussi se dépister, il a préféré disparaître. Donc jusque-là, on n’a pas de ses nouvelles.

Yann : Donc amis auditeurs, il y a un très joli cœur à prendre, Nadège !

Sandra : Est-ce que Nadège est disposée à ça !? Je ne sais pas là ! Je crois qu’elle a dit qu’elle n’était pas trop prête encore (rires). Elle vit sa vie de maman pour l’instant.

Yann : Tu vas recevoir plein de jolis mots sur le site, c’est possible !

Sandra : C’est possible, très jolie Nadège. Nadège, quand tu as commencé à prendre ton traitement, est-ce que c’était difficile pour toi ?

Nadège : Pour moi, rien n’a été difficile. Tout a été facile. Même le médecin a dit : « Tu supportes le traitement, ça te va bien et ça diminue tes charges virales ». Au fur et à mesure, ça m’aidait. Elle me disait que si ça ne va pas pendant 1 mois, on va changer le traitement, mais ça allait.

Yann : Et au niveau du confort, tu as eu une prise par jour ?

Nadège : Quand j’étais enceinte, je prenais 6 médicaments par jour. 3 le matin, 3 le soir. 3 à 8 heures, 3 à 20 heures. Je faisais comme ça.

Yann : Le maxi pour protéger toi et l’enfant surtout.

Nadège : Et je mettais mon portable pour pouvoir me rappeler. Je n’ai jamais oublié, jusqu’à ce que j’accouche. Je voulais tellement protéger mon enfant que j’ai pris mon courage en main et jusqu’à ce que j’accouche.

Yann : Actuellement, tu es toujours sur deux prises par jour ?

Nadège : Actuellement je prends un seul comprimé.

Sandra : Comment il s’appelle ? Tu ne sais plus ? Ce n’est pas grave.

Yann : Parfois c’est mieux de ne pas savoir et de le prendre correctement, comme une lettre à la poste.

Sandra : Est-ce que tu envisages, peut-être que tu l’as déjà fait, puisque ton plus grand à 6 ans, de parler du VIH à tes enfants ?

Nadège : Mon fils, il sait que je prends des médicaments, mais il ne sait pas des médicaments de quoi. Sinon, quand j’étais enceinte, il me disait : « Maman, tu as pris tes médicaments ? ». Une fois, je lui ai dit que maman doit prendre des médicaments sinon après, elle va avoir un vertige, elle va tomber. Donc souvent, il me prend le pilulier, il me dit : « Maman, est-ce que tu as pris tes médicaments ? ». J’ai dit : « Non ». Il me les donne et je prends. Donc il sait que je prends des médicaments, mais il ne sait pas des médicaments de quoi en fait, mais moi je pense qu’il est un peu petit pour lui dire. À l’école, avec ses amis, il risque de… voilà.

Yann : Est-ce que tu te prépares à la question difficile, maman c’est pour quoi les médicaments que tu prends ?

Nadège : Je lui dirai. J’ai envie de lui dire, mais je pense qu’il est petit pour le moment. A 6 ans, il ne sait pas c’est quoi et puis voilà.

Yann : Faut savoir que plus on attend, plus c’est dur pour leur dire. Les enfants sont très…

Nadège : Il sait que je prends les médicaments, c’est l’essentiel. Je ne me cache pas pour prendre les médicaments, je prends devant lui. Il sait que maman prend des médicaments.

Yann : Moi, j’avais dit à ma fille qui avait 5-6 ans, quand elle m’avait demandé c’est quoi, parce que je ne me cachais pas non plus, je lui avais dit j’ai une maladie du sang, tant que je prends ça, tout va bien. Donc elle avait eu une réponse satisfaisante et c’est qu’une dizaine d’années après qu’on a approfondi vraiment quoi. Donc c’est bien de ne pas leur mentir.

Nadège : A 6 ans, tu vas dire « j’ai le VIH », il ne sait pas c’est quoi. Je pense que je dois attendre. Peut-être s’il a 10 ans, comme ça il comprend un peu les choses quoi.

Sandra : C’est ton choix, en tout cas je trouve que c’est une très bonne chose de ne pas le cacher à ton enfant.

Nadège : Même mes amis…

Yann : Tu es un bel exemple pour les personnes africaines parce que c’est rare. D’abord, c’est très récemment que tu as appris ta séropositivité, je trouve que tu as, je ne sais pas, le professionnel pourrait en dire un mot, mais…

Arnaud Aurrens : Je trouve que c’est un très beau témoignage des progrès de la médecine et des traitements que de pouvoir avoir un enfant en étant séropositif. Moi je trouve ça très émouvant et plein de courage. Je trouve ça très beau d’entendre ce discours-là.

Yann : En plus, tu as vraiment la conscience d’être une privilégiée, comme nous tous quoi, d’avoir accès…

Nadège : Oui, ce n’était pas facile, mais quand j’ai connu des personnes qui m’ont soutenue par exemple le Comité des familles, la Grande sœur qui m’appelait, elle m’appelait la nuit pour me donner des conseils. Quand j’étais enceinte, j’étais toute seule à l’hôtel, quand mes enfants dormaient, je pleurais et elle m’appelait tout le temps pour me consoler. Quand j’ai commencé à fréquenter des associations, des femmes qui racontent leurs problèmes. En fait, ça m’a beaucoup aidé.

Sandra : Aujourd’hui, tu parles à la radio, avec ton nom et tout, je trouve ça courageux…

Nadège : Je n’ai pas peur.

Sandra : Pourquoi ? Car il y a beaucoup de personnes, comme disait Yann, des personnes d’origine d’Afrique subsaharienne qui ont peur d’en parler, on peur du quand dira-t-on, tout ça. Et toi, non, tu t’en fiches !?

Nadège : Oui, parce que moi, j’ai des amis, quand tu dis VIH, elles veulent mourir. Même si tu es amie avec elles, il ne faut pas dire VIH. Même quand tu parles, elles te disent : « Chut ! ». C’est quoi ? Ça fait partie de notre vie ! Moi je dis que ça fait partie de notre vie, donc voilà.

Yann : Est-ce qu’il y a des personnes autour de toi que tu ne vois plus, qui t’ont fui ?

Nadège : Disons qu’ici, en France, je n’ai pas de parent proche. J’ai que des amis, moi d’abord j’étais en Italie. Et puis je me suis fait des amis aussi qui sont devenus comme parents pour moi. Donc voilà, je n’ai pas peur.

Yann : Et si tu retournes au pays ? Vas-tu avoir la même fougue, la même manière de concevoir la vie maintenant avec la séropositivité ?

Nadège : Bien sûr. Pourquoi non ?

Yann : Tu es prête à ressentir des rejets de la part de certaines amies ou…

Nadège : C’est les gens qui ne savent rien qui rejettent les gens. Moi, la seule personne à qui je vais dire, c’est à ma mère. Je vais lui dire moi-même, en personne. Comme ça, je lui donne de l’assurance parce que les autres personnes vont dire, « Sida ». Pourtant, c’est deux choses différentes. Moi je compte expliquer à ma mère mot par mot. En Afrique, dès qu’on sait qu’une personne… tout de suite c’est Sida. Et les personnes âgées, quand elles entendent le Sida…

Arnaud Aurrens : Il y a encore beaucoup de confusions, d’amalgame, de méconnaissance sur le VIH, le Sida. C’est vrai que c’est important de communiquer là-dessus. C’est toi Yann qui parlait de filtre à cons je crois ? (rires).

Sandra : Oh tu es un fidèle auditeur de l’émission !

Yann : Pas moi directement, mais en tout cas c’était une de nos membres qui avait vraiment spécifié ça, en disant, c’est une très bonne solution, parce que dès que je suis rejetée, je sais que c’est une personne qui ne me mérite pas et qui ne me convient pas. Donc un filtre à cons. On ne cesse Sandra et moi de le répéter.

Sandra : Ah oui ! (rires). Nadège, merci pour ton partage vraiment…

Yann : Seras-tu une fidèle maintenant de l’émission ?

Nadège : Bien sûr ! Sandra va m’envoyer un sms et si je suis disponible, avec les enfants ce n’est pas toujours facile, mais on fait le programme.

Yann : Elle a été très sage ta puce.

Sandra : Oui. Un dernier mot Nadège, il y a peut-être des personnes qui ont appris leur séropositivité, il y a très peu de temps, quels seraient tes premiers mots pour ces personnes ?

Nadège : Ça ne fait pas très longtemps que je fréquente le Comité des familles, mais j’ai accompagné plein de personnes là-bas. Dans la rue, quand les gens me disent : « oh voilà, je suis séropositive ! », elle pleure. Moi je dis : « Je connais le numéro d’une association que je peux vous donner ». Et je donne le numéro, elle va là-bas et après ça va mieux parce que quand tu es seule, à l’hôtel, à te faire des questions, tu ne peux pas t’en sortir. Le fait de fréquenter les personnes comme toi et aussi partager les expériences, voilà que tu t’en sors. Et aussi, à l’association on invite des professeurs souvent, les médecins qu’ils expliquent mieux. Si tu as des demandes depuis longtemps que tu ne trouves pas de réponse, tu peux les poser et comme ça on te donne une réponse bien.

Sandra : Voilà, le conseil de Nadège, ne restez pas seul et venez au Comité des familles si vous pouvez et sinon, on est joignable par téléphone au 01 40 40 90 25.

Transcription : Sandra JEAN-PIERRE

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