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05.03.2014

Papa, pourquoi tu prends des médicaments ?

Yann : J’ai eu la chance de ne pas le vivre comme une discrimination cette maladie. D’abord parce que j’étais dans un milieu artistique donc les gens étaient relativement au courant, je n’ai pas ressenti de rejet, ni familial ni dans le domaine du travail. Donc effectivement je n’ai jamais eu l’impression de voir ou de vouloir me cacher. Donc j’ai toujours pris mes médicaments devant ma fille quand elle était petite. Jusqu’à l’âge de 5, 6 ans il me semble où elle m’a dit, mais papa c’est quoi ces médicaments que tu prends ? Je lui ai dit tu sais, j’ai une petite maladie dans le sang donc tant que je prends ces médicaments, tout va bien. Je crois qu’elle a eu la réponse qui la satisfaisait, qui lui permettait de passer à autre chose. Et ensuite, j’ai quand même pris 6 mois après un rendez-vous avec un pédopsychiatre, je crois que c’est sa fonction, Serge Hefez, qui m’a confirmé que la technique que j’avais faite était parfaite du fait que j’avais désangoissé mon enfant sur cette question et que le mieux c’était de le dire tôt, sans dramatiser. Peut-être qu’il y a des mots qu’il ne faut pas prononcer parce que par la suite, à l’école, tout ça, ça peut faire peur, surtout les enfants ont tendance à en parler assez librement, surtout que moi je ne mettais aucune chape sur le fait de le dire ou de ne pas le dire. Pour ma fille, ça s’est relativement bien passé à tel point qu’elle a l’impression maintenant quand j’en parle avec elle de l’avoir découvert quand elle avait 10 ans quoi. C’est vrai que j’ai fait une grosse tuberculose en 2000. Ma fille est née en 1990 et elle m’a dit récemment que c’est là qu’elle a pris conscience que la maladie pouvait soit me faire disparaître, en tout les cas, elle a pris vraiment conscience de voir son père alité et surtout très amaigri qu’elle pouvait le perdre. Mais avant le travail avait été fait très simplement en dédramatisant l’annonce.

Sandra : Merci Yann. À ton tour Jennyfer. Deux expériences peut-être à nous raconter, celle où toi tu as appris ta séropositivité, où tes parents ont dû t’annoncer et puis maintenant tu es maman donc, qu’est-ce que tu en penses ?

Jennyfer : Pour ma part, effectivement mes parents, ma mère étant séropositive, mon père séronégatif, m’ont annoncé vers 5 ans que je l’étais moi-même. Donc je pense que pour ma part, c’était un bon âge pour que je comprenne les choses sachant que ma mère est décédée quelques années après. Moi j’ai pu aussi mettre un mot sur la maladie de maman et de moi. Et moins me poser des questions, même s’il y en aussi beaucoup parce que c’est quand même assez perturbant quand on l’a soi-même. Mais moi je ne regrette pas de l’avoir su si jeune. Je pense que je préfère largement l’avoir su à l’âge que je l’ai su que de l’avoir su vers 10-12 ans où à l’adolescence. Pour le deuxième cas, donc moi je suis maman. Bien sûr il y aura l’annonce à ma fille. Bon maintenant elle est un peu petite, elle n’a que 2 ans. Effectivement là, je ferai plutôt du simple comme Yann le jour où elle va me poser des questions sur ma prise de traitement, je lui expliquerai que j’ai un virus, une maladie dans le sang simplement. Et après par la suite, d’autres questions suivront. Je vois bien avec mes neveux, ils ont 9 et 7 ans, il y a déjà un ou deux ans qui m’ont déjà posé la question par rapport à mes traitements. Je leur ai répondu simplement que j’étais malade, que j’avais une maladie, mais que tata allait très bien, qu’elle était en bonne santé et qu’elle prenait des traitements pour permettre d’être en bonne santé comme quand eux ils ont la grippe ou une autre maladie.

Yann : Toi tu prenais déjà des médicaments depuis la petite enfance.

Jennyfer : C’est en 1994 je crois que j’ai commencé les traitements, même 1996, je ne suis même plus sûre (rires). En revanche, avec ma fille j’en parlerai librement. Pour moi, c’était le secret à garder en fait.

Yann : D’accord. Tes parents t’avaient conseillé de ne pas en parler.

Jennyfer : À la maison je pouvais en parler, mais à l’extérieur je ne devais pas en parler, je devais garder le silence. On ne l’avait pas dit à l’école et quand je mangeais à la cantine le midi, je prenais mes cachets en cachette dans les toilettes.

Sandra : Nadine Trocmé, votre réaction face à ces deux expériences ?

Nadine Trocmé : Oui, ce sont deux expériences très différentes parce que dans un cas, l’enfant n’est pas contaminé, dans l’autre, votre expérience de quand vous étiez petite, l’enfant était contaminé. Et évidemment, pour les parents ce n’est pas tout à fait la même chose que d’annoncer à un enfant qui n’est pas porteur du virus ou qui est porteur du virus. Dans un cas, ça le concerne lui et ce qu’il veut transmettre dès lors où son enfant lui pose des questions par rapport à son traitement, mais on en parlera un peu plus tard. Mais en ce qui vous concerne vous êtes séropositive et votre mère a eu le courage de vous en parler, d’accepter que probablement… je ne sais si c’est elle qui vous en a parlé ou avec l’aide du médecin ?

Jennyfer : C’est elle.

Nadine Trocmé : C’est elle. Et effectivement, c’est assez courageux puisque la plupart du temps quand même ont extrêmement peur d’être d’abord jugé par leur enfant, d’autre part ils ont beaucoup de peine à accepter qu’on en parle à leur enfant parce qu’eux-mêmes, souvent, ont beaucoup souffert lors de l’annonce de leur propre séropositivité. L’annonce de séropositivité c’est une effraction dans le psychisme qui fait traumatisme. Ca n’a pas de sens, on ne comprend pas, on en reste tout pétrifié et du coup on souffre beaucoup et la plupart des parents disent je ne veux pas que mon enfant vive ce que j’ai vécu quand on m’a annoncé pour moi-même. C’est une des premières raisons qu’ils donnent pour attendre encore un peu. Donc vous annoncez si tôt, la séropositivité, votre séropositivité puis la sienne. C’était vraiment quelque chose de courageux et c’est un acte d’amour important qu’elle a fait. Mais c’est quelque chose de très difficile au quotidien et dans les consultations de pédiatrie, où nous suivons des enfants porteurs du VIH, c’est souvent le moment le plus difficile pour les parents que d’accepter qu’on commence à procéder à l’annonce. L’annonce qui est un processus, ce n’est pas une annonce du jour au lendemain, on n’annonce pas tel virus du sida, etc. Ca ne se passe pas tout à fait comme ça puisqu’on prend en compte, en permanence l’évolution psychique et intellectuelle de l’enfant pour être sûr que, d’abord, les mots qu’on emploie, ce seront des mots qui seront compris par l’enfant. Et d’autre part, qu’on lui parle de chose qu’il est capable de comprendre. Quand vous dites, ma fille a 2 ans, elle est encore petite, il est vrai qu’avant l’âge de l’entrée à la grande école, on n’est pas encore dans un processus de conceptualisation suffisant pour comprendre que, si les parents nous demandent de prendre un médicament, c’est parce qu’on est malade. C’est quand on a 5-6 ans qu’on rentre à la grande école, qu’on va commencer à comprendre que si on prend un médicament, c’est qu’on est peut-être malade.

Et d’ailleurs, je me tourne vers vous Yann, quand vous parlez de votre expérience avec votre fille, il est évident qu’à partir du moment où elle vous a vu prendre des médicaments que vous ne cachiez pas, elle a dû se poser la question à un moment donné, mais si papa prend des médicaments, c’est qu’il est malade. Et qui sait si elle ne s’est pas d’ailleurs posé la question : et s’il ne les prend pas bien, il risque peut-être d’en mourir ?

Transcription : Sandra Jean-Pierre

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