Sandra : Pour aider à libérer la parole, quels sont les profils que vous rencontrez. On va commencer par les femmes. De quoi vous parlent le plus souvent les femmes quand il s’agit de problèmes dans leur santé sexuelle ?
Patrick Papazian : Comme on évoquait, l’absence de désir. On a des données maintenant qui remontent à 5 ans, qui montrent qu’on a 1 femme séropositive sur 2 qui présente une absence de désir. C’est énorme. Il n’y a pas d’étude récente sur le sujet, c’est bien dommage et on essaye de pousser, notamment au sein de notre COREVIH Ile-de-France Nord comme on peut, avec Bruno, des projets sur ce terrain-là. Ce serait bien qu’on ait des données récentes. Et en consultation ça se confirme. C’est vraiment ça, c’est l’absence de désir, très vite corrélé à l’annonce. « Je ne veux pas rencontrer quelqu’un parce qu’à un moment je vais devoir passer par l’épreuve d’annoncer ma séropositivité ». Donc on essaye de travailler là-dessus et j’essaye de leur donner quelques pistes là-dessus en consultation.
Yann : Malgré le fait qu’on sait qu’actuellement une personne bien traitée n’est plus contaminante ?
Sandra : Alors on va repréciser les conditions. Une personne séropositive, qui prendre correctement son traitement, qui n’a pas d’autre MST, qui sa charge virale indétectable depuis plus de 6 mois, ne transmet pas le VIH.
Patrick Papazian : Exactement. Et ça, beaucoup de patients et patientes ne le savent pas. Oserais-je dire beaucoup de médecins !? Ne le savent pas ou ne le disent pas ! Et j’irai encore plus loin, au sein des infectiologues, tout le monde n’est pas d’accord là-dessus parce qu’il y a ce qu’on dit officiellement et ce qu’on dit en consultation. Et j’ai quand même des patients qui me disent : « Oui, mon infectiologue m’a dit ça mais m’a dit, mais quand même, vous devriez faire attention, moi je serai à votre place… » Bah non, tu n’es pas à ma place ! Donc il y a un moment où je pense qu’il faut oser un peu se lancer et du coup c’est exactement les règles que tu as rappelées Sandra, il faut les redire aux patients et patientes et leur dire, si ces règles sont respectées, il n’y a aucun problème, vous pouvez y aller. Après sur l’annonce de la séropositivité, ça aussi j’ai assisté à des réunions surréalistes, dans des commissions où il faudrait que les personnes qui vivent avec le VIH le disent dès le premier rendez-vous, l’annonce à leur coiffeur, à leur esthéticienne, il y a eu des débats là-dessus au sein de gens spécialistes du VIH, j’étais halluciné personnellement. Donc c’est vrai que c’est agréable de pouvoir avoir ces conversations avec ces femmes en leur disant qu’il est tout à fait légitime de ne pas le dire au début d’une histoire, c’est tout à fait normal, qu’après il faille trouver le bon moment pour le dire, la bonne manière et que ça, ça va être important. Il ne faut pas forcément l’annoncer comme si on venait de perdre toute sa famille dans un accident de voiture parce que c’est sûr qu’on va induire forcément une réaction de crainte en face. Il faut donner cette information de manière la plus factuelle possible et sans en rajouter parce qu’aujourd’hui, il n’y a pas vraiment de raison d’en rajouter non plus. Il faut pouvoir très vite réorienter vers quelqu’un du corps médical, si le partenaire ou la partenaire veut avoir des compléments d’informations ou des informations, entre gros guillemets, objectives, elle peut tout à fait venir voir le médecin infectiologue ou venir voir le médecin sexologue. Je reçois souvent des couples et j’ai comme ça des patients qui m’ont amené, là j’en suis, pour un d’entre eux, à son 3ème partenaire fixe et à chaque fois je répète du coup les règles, le partenaire est rassuré. Bon, ça se fini pour d’autres raisons, enfin j’espère que ce n’est pas le fait de m’avoir rencontré ! J’espère ! Et puis c’est ce que je leur dis aussi, c’est que finalement c’est aussi une formidable méthode de tri, c’est-à-dire que si la personne à une réaction complètement inadaptée, c’est que c’est un gros connard et que c’est comme ça, et que de toute façon, ce n’est pas plus mal que vous le sachiez. Donc de toute façon, ce n’était pas quelqu’un pour vous, c’est que c’est un con, il se casse et bah tant mieux ! Et finalement, vous avez cette chance-là d’avoir ce filtre-là…
Sandra : C’est exactement ce qu’un membre du Comité des familles nous disait souvent, que moi ça me permet, c’est mon filtre à con et comme ça voilà au moins, je sais où je vais. Et dernière question, on a parlé pour les femmes et maintenant pour les hommes, de quoi vous parlent le plus souvent les hommes dans votre consultation ?
Patrick Papazian : Spontanément, d’érection. Je le vois mimé devant moi ! Je ne dirai rien d’autre (rires). C’est vraiment l’érection qui m’est amenée sur un plateau si je puis dire. C’est souvent la porte d’entrée de la consultation et en gros, la personne vient me voir parce qu’elle veut sortir avec un médicament pour l’érection, ce qui arrive parfois bien évidemment…
Céline : La pilule bleue, donc.
Patrick Papazian : La bleue ou jaune ou blanche ou… ah mais non, il y en a plein d’autres maintenant ! Et puis des choses qu’on peut se mettre localement, ça vient de sortir. Il y a tout un tas de choses intéressantes. Mais surtout, ça n’a aucun sens de prendre en charge un problème d’érection si on ne fait pas un peu le tour des choses. Déjà d’un point de vue purement sexologique parce que parfois ce n’est pas un problème d’érection, et on se rend compte que c’est plutôt un problème d’éjaculation rapide par exemple. Ça, c’est un autre sujet, chez les hommes qui vivent avec le VIH, on a plus souvent des éjaculations précoces et à ma connaissance, il n’y a aucun travail sérieux sur le sujet, c’est incroyable ! Et puis, bien évidemment, très vite, on se rend compte que ce problème d’érection, il est dans un contexte plus global, relationnel, de questionnement sur la sexualité, c’est des sujets qu’on en profite pour aborder bien sûr.
Sandra : Une dernière réaction peut-être avant de passer à la rubrique culturelle ?
Bruno : Juste pour dire, c’est vrai que nous, en parallèle, on n’est pas les techniciens de la santé, mais c’est vrai qu’on est professionnel. Donc c’est vrai que nous le partage avec les pairs, quand on partage nos expériences, c’est vrai que je regarde sur le temps que je suis arrivé au Comité des familles, le nombre de naissances, le nombre de couples qui se forment, c’est un travail parallèle avec vous. Je pense qu’on va vers le même résultat quoi, que libérez cette santé sexuelle.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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