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02.07.2014

Pourquoi des enfants naissent encore avec le VIH en France

Sandra : Prise en charge des enfants et des adolescents infectés par le VIH. Discussion avec Catherine Dollfus. Aujourd’hui en France le taux de transmission du VIH de la mère à l’enfant est de moins d’un 1%, et du coup on a tendance à oublier ceux qui naissent avec le VIH. Dans votre service Catherine Dollfus, avez-vous encore des enfants qui naissent avec le VIH ?

Catherine Dollfus : Oui. On a tout à fait des enfants qui naissent avec le VIH, parce qu’on reçoit à peu près une centaine de mères séropositives chaque année avec leur bébé. Donc quand on est de l’ordre d’à peu près 1%, ça veut dire qu’une année sur 2, il peut avoir un bébé infecté. Alors clairement les bébés qui naissent et qui sont infectés en France aujourd’hui dans le cadre de ce suivi où on sait que la mère est séropositive, ce n’est absolument pas n’importe qui. Comme on a dit, 99% des cas ça se passe parfaitement bien et on sait qu’actuellement il y a plus de 90% des femmes qui accouchent avec une charge virale très faible et donc qui ont très bien pris leurs traitements et du coup très bien protégé leur bébé et tout se passe au mieux. Sauf que la réalité, tout le monde n’est pas parfait, tout le monde ne fait pas aussi bien qu’il devrait faire même en sachant ce qu’il doit faire, ce n’est pas forcément facile d’être séropositif, mais en plus chaque individu, qu’il soit ou pas séropositif, il y a des gens qui ont des problèmes psychologiques ou psychiatriques plus ou moins importants. Pendant la grossesse avec tous les remaniements affectifs qu’on vit, on ne fait pas forcément les choses qu’on sait par ailleurs qu’on devrait faire. Tous les enfants des dernières années qui ont été contaminés ce n’était absolument pas un hasard. Les mères avaient arrêté de prendre leurs traitements à un moment donné de la grossesse avec des argumentations a posteriori qui ne tiennent pas la route. Dire j’avais déménagé, je ne savais plus où était mon ordonnance, où je les avais rangés, j’étais trop fatiguée, mon mari était parti ou au contraire mon mari était revenu. Toutes sortes d’explications, mais qui reflètent le fait qu’en fin de grossesse, au moment où c’est le plus dangereux, des femmes ont relâché la pression de la prise de traitement. Au dernier congrès international où j’étais, il y avait un poster d’une équipe de Montréal qui montrait quelle était la charge virale à l’accouchement des femmes et puis l’évolution en cours de grossesse. Et en fait à peu près, une femme sur 10 qui avait la charge virale indétectable pendant tout le reste du temps, avait sa dernière charge virale avant l’accouchement qui avait remonté. Donc ça montre bien que prendre les traitements c’est tous les jours et puis qu’il y a des jours où le fait et puis des jours où on ne le fait pas. Quand on ne le fait pas, on expose quand même son bébé. Ca arrive encore et ça arrive chez des gens qui ont l’information, qui ont le traitement, mais qui pour des raisons qui leur son propre…

Yann : Et si par exemple une maman qui découvre très tardivement, au bout de 5 ou 6 mois de grossesse sa séropositivité, il y a vraiment des solutions ou pour soigner la maman et éviter la contamination de l’enfant ?

Catherine Dollfus : Oui, effectivement. Découverte tardive, il y a deux situations. Il y a la femme qui n’était pas du tout dans un suivi et qui découvre sa séropositivité effectivement parce qu’elle fait le test tard, elle ne l’a pas fait avant. Effectivement, là il faut absolument déjà qu’elle soit prise en charge tout de suite. C’est-à-dire qu’il n’y ait pas de délais. Moi j’ai une histoire d’une petite fille qui a maintenant 7-8 ans, mais où la mère avait appris qu’elle était séropositive, on lui avait dit prenez un rendez-vous à tel hôpital parisien. Elle a appelé le secrétariat sans dire particulièrement qu’elle était enceinte, ni que c’était une urgence, ni rien. Elle a eu un rendez-vous 3 mois plus tard, clairement 3 mois plus tard à l’échelle d’une grossesse…

Yann : C’est une catastrophe.

Catherine Dollfus : Voilà donc effectivement on ne lui a peut-être pas posé la question êtes-vous enceinte, mais ce n’est peut-être pas la première question qu’on pose à quelqu’un qui prend un rendez-vous dans un service d’infectieux et donc il faut savoir dire que c’est une urgence, que ou que ça soit, si on vient d’apprendre qu’on est séropositif et qu’on est enceinte, c’est une urgence, il faut se faire voir dans la semaine, faut pas trainer et puis après le médecin vous dira voilà, on va prendre le temps, on ne va pas prendre le temps. Donc il ne faut pas laisser perdre du temps pour des raisons qui n’en valent pas la peine. On a toujours moyen d’être pris en charge très rapidement s’il y a une vraie urgence de mise sous traitement. Et on a effectivement à notre disposition une grande variété de médicaments et dont certains ont la capacité de faire baisser extrêmement rapidement la charge virale. Et donc on peut faire un choix si on voit qu’il est tard, que les jours sont comptés etc, on peut réfléchir à une proposition de choix de médicaments qui justement vise le fait d’atteindre la cible très vite. Donc on peut s’adapter avec les médicaments qu’on propose à l’échéance. Bien sûr que si on vient de voir un médecin et qu’il commence le traitement, qu’on accouche prématurément une semaine après avoir vu le médecin…

Yann : Parce qu’en règle générale je crois qu’une femme qui tombe enceinte on ne lui propose pas de faire le test VIH.

Catherine Dollfus : Si, absolument. La règle depuis, la France est l’un des premiers pays, depuis 1987 et même c’était déjà en 1985 que le test a été disponible. Donc on a quasiment 30 ans d’historique d’une réglementation qui est de systématiquement proposer. Ca ne s’appelle pas un test obligatoire comme pour la syphilis et la rubéole parce que, ce qu’on veut c’est un minimum de discussion autour de cette prescription donc c’est ça qui fait que le libellé est systématiquement proposé et pas un examen obligatoire, mais oui, tout premier contact dans une maternité, on doit, et puis ce n’est pas parce qu’on a dans le dossier un test précédent qu’on ne doit pas le refaire.

Yann : Nous, en 1989, on avait fait la demande, mais ça n’a pas été proposé par le médecin généraliste.

Catherine Dollfus : Mais quand on arrive en maternité, là, ça fait vraiment partie. L’autre chose et je pense que c’est un bon endroit pour en parler aussi c’est que la deuxième rubrique c’est les femmes qui étaient séronégatives en début de grossesse et qui se contaminent pendant la grossesse. Et ça c’est une situation grave et importante parce que finalement elle est méconnue, la femme elle est basée sur l’idée qu’elle a fait son test et qu’elle est négative donc elle n’imagine plus qui se passe autre chose et en primo-infection, là c’est 50% des bébés qui vont être infectés. Donc c’est quelque chose de considérable et il faut savoir que du coup, comme on associe beaucoup le préservatif avec aussi le côté contraception, l’idée d’utiliser un préservatif pendant une grossesse alors qu’on est déjà enceinte n’est pas une pratique naturelle. Or la femme enceinte c’est la plus réceptive au risque de contamination. Avec un même homme avec qui on aurait eu des rapports sexuels hors grossesse et pendant la grossesse, le risque de s’infecter est plus important à cause de diverses choses hormonales pendant la grossesse. Donc c’est à la faveur de ça que maintenant depuis plusieurs années et dans les deux derniers rapports de recommandations nationales, il est bien dit que toutes femmes enceintes séronégatives dont le partenaire ne connait pas son statut, il faut lui reproposer en fin de grossesse d’être retesté, mais que par ailleurs il est proposé et pris en charge par la sécurité sociale en France, un test du partenaire. Tout partenaire qui ne connait pas son statut peut bénéficier d’un dépistage à l’occasion de la grossesse de sa partenaire. Et ça, c’est peu proposé, peu utilisé alors qu’il y a tout à fait le financement pour ça. C’est important et ça fait peut-être un certain nombre de femmes peut-être qui ne se contamineraient pas. Après il y a les autres relations qu’on peut avoir, ça c’est une autre histoire.

Sandra : Bruno, tu voulais intervenir avant que je continue l’entretien ?

Bruno : Oui, c’est vrai que j’ai du mal à comprendre parce que pour moi ce n’est pas anodin de désirer un enfant, d’avoir un enfant donc c’est vrai que ma première consultation au médecin c’est si on nous impose l’observance, je ne comprends pas comment on ne peut pas, comment la maman ne peut pas suivre l’observance pour le bien de son enfant parce qu’on sait aussi que les contaminations c’est au moment de l’accouchement. Après, avec mon expérience, je me suis bien rendu compte qu’il y a des dents de scie pendant la grossesse, on a moins eu de rapport c’est vrai. Elle était quand même suivie, on était averti quand là c’était, même si on ne peut pas le savoir…

Sandra : Averti ? Tu veux dire quoi ?

Bruno : Que sa charge virale était… c’est vraiment parce qu’elle avait eu des baisses de forme. Moi je le ressentais dans sa forme.

Yann : En ayant une bonne observance.

Bruno : Oui, elle était suivie donc elle avait l’observance aussi.

Yann : Non, mais chaque personne est tellement différente.

Sandra : C’est ça. Parce que toi, ta femme a eu la chance d’être soutenue par toi par exemple.

Bruno : Non, mais moi je ne connaissais pas non plus donc on a plutôt été encadré par le corps médical.

Sandra : Je veux dire tu étais présent pour elle par exemple. Catherine Dollfus elle parlait si jamais le compagnon part et puis il revient…

Catherine Dollfus : Il peut avoir beaucoup de choses, la nature humaine est suffisamment complexe. Le virus lui, il se fiche du mental. On ne prend pas le traitement, il repousse. Et moi, une autre histoire comme ça aussi, une femme, on m’appelle de la maternité en disant est-ce que tu peux voir une maman. Elle est séronégative, mais le père est séropositif. Je dis que je n’ai pas besoin de la voir, pourquoi j’aurais besoin de la voir si elle est séronégative ? En fait il était heureusement tout à fait opportun que je la voie parce que oui, elle était séronégative, oui son partenaire était séropositif et oui d’habitude il prenait le traitement et il avait une charge virale indétectable. Mais il était parti pendant la grossesse dans sa famille en Algérie et depuis qu’il était parti, ça faisait 6 mois qu’il ne prenait plus le traitement. Il est rentré, la femme venait d’accoucher. Ils se sont souhaités bienvenus sans préservatif. Ça faisait 6 mois qu’elle ne prenait pas le traitement et la femme allaitait le bébé. Elle était séronégative, il n’y avait pas de soucis. Donc il faut quand même être vraiment responsable et il y a des gens qui oublient que la responsabilité, il y a plein de composantes de ça. Lui, il se décrivait comme observant. Elle, elle le décrivait comme observant puisqu’avant il le faisait toujours. Sauf que là, bah non. Donc le côté de «en général oui, mais là non »…

Yann : C’était dû aussi peut-être à la problématique, je ne sais pas en quelle année vous donnez cet exemple…

Catherine Dollfus : C’était il y a trois ans.

Yann : Parce qu’il y a des pays où on a parfois du mal à bouger avec les médicaments…

Catherine Dollfus : Voilà, mais il y a plein de choses. Et les raisons peuvent être explicatives et elles peuvent être légitimes ou moins légitimes, mais on s’en fout…

Yann : Oui, on n’est pas dans le jugement.

Catherine Dollfus : Ce n’est pas tellement ça la question. La question est qu’il y a un certain nombre de faits et de situations qui font que, contrairement à ce qu’on croit, on ne fait pas toujours 10/10.

Bruno : Oui après c’est vrai que c’est chaque expérience. Moi c’est vrai que, quand j’ai connu ça dans les années 90, c’est vrai qu’il n’y avait pas d’espérance de vie pour les personnes qui apprenaient leur séropositivité, autant qu’imaginer avoir un enfant. Je sais que dans les années 90, quand elle est tombée enceinte, on est allé à l’hôpital, ils ne nous ont demandé rien du tout, ils ont fait partir l’enfant. C’est quand j’ai rencontré le Comité des années après que je me suis dit, mais finalement… C’est vrai que c’est partant de cette expérience. Aujourd’hui c’est vrai qu’on se doit d’être responsable. On a la chance de pouvoir avoir des enfants.

Sandra : Je comprends ce que tu veux dire. Admettons tu as à nouveau un projet d’enfant avec ta partenaire. Elle n’est pas observante. Comment ça va se passer ? Tu vas l’engueuler ? Tu ne vas pas comprendre ? Toi qui es séronégatif, qui ne sait pas ce que c’est de prendre un traitement tous les jours, tu vas pouvoir lui dire…

Bruno : Moi c’est vrai que si on a le désir d’avoir un enfant je vais quand même essayer de me recadrer sur l’avis suisse ou les recommandations, qu’elle soit indétectable et qu’elle soit observante. Je pense qu’un enfant, on ne part pas pour…

Yann : Oui, on n’est plus dans sa propre et unique vie là.

Sandra : C’est ça.

Catherine Dollfus : Mais justement et le problème c’est quand on décrit ces situations qu’on a dit tout à l’heure, des enfants infectés, des femmes séropositives, c’est que ces femmes-là qui ont contaminé leurs enfants sont souvent des femmes qui avaient un rapport difficile à leur propre traitement. Et ayant elles-mêmes un rapport difficile à leur propre traitement, gardent souvent un rapport difficile au traitement qu’elles doivent maintenant donner à leur enfant. Et donc dans ces situations-là, quand on a un père, et souvent un père négatif qui investit la cause du traitement de l’enfant et qui est là, et qui est présent et qui donne le traitement à l’enfant et bah ça se passe bien, l’enfant se porte bien. La charge virale est indétectable, le gosse pousse normal. Si on est dans une situation où la mère est seule où il y a un père qui est soit pas là, soit pas présent, soit pas informé même. Là, on va avoir des galères terribles par rapport à la prise en charge de l’enfant.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

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