Sandra : Qui sont les transgenres ? C’est qui ces personnes-là ? Aujourd’hui Anaenza Maresca est avec nous pour en parler à l’émission de radio Vivre avec le VIH. Vous en avez parlé un tout petit peu la dernière fois, genre 5 minutes, à la dernière émission parce que vous n’étiez pas venu tout à fait pour ça mais comme c’est votre spécialité, il y avait Tina qui avait quand même posé des questions là-dessus. C’était très intéressant et je me suis dit il faut qu’on en reparle parce que je crois que, en tout cas, depuis que je présente l’émission de radio, on n’en a jamais parlé. Pourquoi ? Peut-être parce qu’en fait dans l’association on n’en reçoit pas du tout. Yann, as-tu déjà une personne transgenre venir au Comité des familles ?
Yann : À l’association non. J’ai déjà connu des personnes, alors je ne sais pas si on peut appeler ça transgenre. Je n’ai pas été voir dans leur culotte mais des travestis en tout cas. J’ai rencontré des travestis.
Sandra : Alors c’est qui les transgenres ? Est-ce que ce sont des transsexuels ? Des travestis ? Des hommes qui se déguisent en femme ? Dites-nous Anaenza.
Anaenza Maresca : Le terme transgenre est un néologisme français par rapport aux transgender anglo-saxon, qui en fait est un terme qui essaye d’être le plus… de prendre toute cette diversité. Il y en a qui préfère le terme transidentitaire, qui serait peut-être plus consensuel. Mais c’est toute personne qui se sent en désaccord par rapport à son sexe de naissance. Cela sera manifesté par un changement d’attitude comportement social ou par le travesti qui pour nous dans la langue française ce serait plutôt se déguiser dans l’autre genre et pourquoi on insiste par le genre, ce n’est pas l’attirance sexuelle comme le mot hétérosexuel c’est comment on se ressent, c’est là-haut qu’on ressent. Donc c’est comment nous on s’identifie.
Yann : Ça doit être des douleurs très dures psychologiques parce que, si on se sent femme et qu’on a la représentation d’un homme, c’est quand même très difficile à vivre, depuis le plus bas âge.
Anaenza Maresca : C’est très troublant oui. Il y en a qui veulent s’approprier donc de la, appeler dysphorie de genre, et de la faire de la psychiatrisation comme je vous rappelle, ça peut l’être dans un cadre préférence sexuelle. Jusqu’aux années 80, le mot sexualité était ainsi considéré.
Yann : Oui, comme une tare quoi.
Anaenza Maresca : Oui tout à fait. Ces personnes-là ressentent ce besoin d’avoir des caractères du genre opposé, ils vont pouvoir aller dans des transformations mineures jusqu’au changement de sexe.
Yann : Jusqu’à l’opération.
Anaenza Maresca : Jusqu’à l’opération pour changer de sexe ou alors ce qu’on va appeler les stérilisations pour pouvoir selon les exigences de la loi française changer d’état civil.
Sandra : Donc c’est aussi des personnes transsexuelles alors ?
Anaenza Maresca : En France on a fini par appeler les transsexuels, les personnes qui ont fini leur transformation. Mais tout cela c’est des petites différences sémantiques qui restent des détails mais des grandes batailles et c’est pour ça qu’actuellement le monde revendique le préfixe trans parce qu’on essaye de mettre de côté toute cette polémique qui continue à exister. Ça reste plus consensuel.
Sandra : Donc un homme peut être transgenre et une femme peut être transgenre.
Anaenza Maresca : On va appeler femme transgenre une personne qui est née sous le sexe masculin et qui se reconnaît comme femme. On va appeler homme transgenre une personne née sous le sexe féminin et qui se reconnaît un homme. Actuellement c’est le plus consensuel. C’est surtout pour faciliter. Sinon on va dire masculin vers féminin ou féminin vers masculin.
Sandra : D’accord. Et donc une personne transgenre n’est pas forcément homosexuelle ?
Anaenza Maresca : Non, et en plus c’est elle-même qui va nous expliquer qu’elle est son attirance sexuelle.
Sandra : Donc un homme peut se sentir femme mais être attiré par les femmes.
Anaenza Maresca : Voilà. C’est lui-même qui va estimer dans son sexe de reconnaissance ce qu’il est. Par exemple, une transgenre femme phallique peut avoir des rapports avec d’autres hommes et estimer, parce qu’étant encore un homme biologique, estimer qu’elle est hétérosexuelle. Donc la préférence sexuelle c’est ce que la personne déclare. Pour être le plus consensuel possible. Après pour les risques de transmission à VIH on essaye nous de demander le type de rapport pour qu’on puisse cerner et on continue à vérifier que les risques les plus importants sont les rapports annaux sans préservatif. Mais c’est juste pour qu’on se fasse entendre par la personne et qu’on respecte ce qu’on divulgue elle-même.
Sandra : Vous avez dit que ça se passe là-haut en montrant la tête mais ça veut dire que les personnes transgenres sont des malades mentaux ?
Anaenza Maresca : Ah non. Ça veut dire ce qu’elles ressentent comme nous tous. Notre identité est bien plus complexe que le simple binarisme qui existe sur Terre. D’ailleurs les petites guerres de ce qu’on va faire dans les livres d’école nous montrent comme ça peut être réducteur tout cela. Ce n’est pas comme ça et j’espère qu’avec le temps qu’on puisse être de plus en plus consensuel à ce niveau. Là-haut c’est comment on se ressent, ce n’est pas dire l’attirance sexuelle. C’est tout simplement ça. C’est montrer qu’il y a la différence de la représentation qui se passe là-haut et l’attirance sexuelle qui se passe aussi par les mécanismes de là-haut mais avec les organes génitaux.
Sandra : En fouillant un peu sur internet, en recherchant des informations sur les personnes transgenres, j’ai lu quelques réactions dans les forums. Il y a des personnes qui pensent que ce sont des malades mentaux et il y a quelque chose qui revient fréquemment, c’est de toute façon les personnes transgenres ce sont des prostituées, des travailleurs du sexe. Pourquoi les personnes transgenres ont cette réputation et est-ce que c’est vrai ?
Anaenza Maresca : Disons c’est incroyablement réducteur de mettre cela sous ce point. Il y a plusieurs trajectoires qui pour pouvoir éventuellement financé la transformation, sont passés par l’exercice de sexe tarifé, le travail sexuel ou pour la prostitution comme on va l’appeler pour être plus ou moins politiquement correct, faire plaisir aux uns et aux autres. Tout cela on ne peut pas s’arrêter là ni mettre cette connotation forte négative sur le travail sexuel qui du reste est reconnu dans plein d’autres pays. Mais parfois la stigmatisation du choix fait, d’ailleurs il y a un rapport qui vient d’être remis sous la direction de Françoise Gilles et notre chercheuse qui va m’excuser pour ne pas… parce que j’ai oublié complètement son nom, il y a l’association Acceptess-t qui est une association communautaire transgenre qui recrute beaucoup de personnes latines américaines du fait qu’elle-même, les personnes de l’association viennent de ce continent qui est aussi le mien. Ce rapport montre, on le sait déjà et qu’on voit beaucoup dans notre file active hospitalière c’est que ces personnes parfois n’ont pas le choix du fait que quand elles vont chercher à travailler, elles ne sont pas acceptées du fait de leur transgendérisme.
Yann : Parfois c’est le rejet de toute la société, de même leur propre famille qui peut les amener aussi. Et pour vivre aussi une sexualité aussi peut-être.
Anaenza Maresca : Aussi pour vivre une sexualité. Le rejet familial ou le rejet de l’entourage, le rejet administratif et parfois le fait même d’arriver à l’hôpital, il y a l’accueil, être appelé Monsieur parce que c’est écrit sur le papier et qu’on voit une femme, je pars en arrière et me lancer en automédication, mettre encore plus de temps en recours de prise en charge qui aurait été nécessaire. C’est vraiment une fragilité, une vulnérabilité fort importante. Donc faire cet amalgame de dire… c’est parfois par manque de choix ou par besoin d’avoir l’argent pour pouvoir payer sa transition.
Yann : Pour pouvoir avoir sa propre identité.
Anaenza Maresca : Se sentir bien dans sa peau. Le fait d’être très stigmatisé ça vulnérabilise, le multipartenariat pour pouvoir vivre ou pour pouvoir s’épanouir est à mettre en compte.
Sandra : Est-ce que les personnes transgenres arrivent à prendre leur traitement correctement ? Ces personnes-là sont assez observantes ?
Anaenza Maresca : Celles qui vivent avec le VIH oui. Les publications du groupe de Bichat et les nôtres montrent que le taux de charge virale indétectable est bien semblables à ce qu’on arrive à obtenir avec les personnes qui prennent les trithérapies. Pour toutes les difficultés et les particularités de leur mode de vie, surtout pour celles qu’on voit concernées par l’exercice de travail sexuel. Elles sont observantes et on arrive à avoir 87% d’indétectabilité pour celles qui sont sous traitement antirétroviral à 6 mois. Et ça, ça nous motive à continuer à faire toutes les actions de prévention des IST et de suivi de plus en plus adaptés pour cette population.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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