Sandra : De retour à l’émission Vivre avec le VIH, nous sommes avec Christian, Mamadou et moi-même. Nous allons maintenant partir en Côte d’Ivoire, puisque nous allons découvrir l’association créée par Mamadou, enfin, il ne l’a pas créé tout seul, il est soutenu, il va nous expliquer tout ça.
Mamadou : L’association s’appelle SOlidarité Famille Internationale. Le but de l’association c’est de lutter contre la stigmatisation et aussi pour donner un accès aux personnes concernées, de se soigner librement. Un soin adapté, parce que les personnes qui sont concernées par le VIH sont surtout abandonnées. Et aussi, il y a d’autres maladies dont on ne parle même pas de ça, les hépatites comme ça, l’insuffisance rénale par exemple. Aujourd’hui, si tu as l’insuffisance rénale, tu es considéré… c’est la mort quoi. Parce que tu ne peux pas te faire soigner, ce n’est pas pris en charge. Si tu as aussi l’hépatite C ou B, c’est la mort, c’est sûr. Les médecins ne vont même pas te dire que tu as l’hépatite. Ca se cache. Ils vont tourner avec toi, ils vont dire qu’ils ont trouvé un problème au foie, c’est tout.
Donc il faut que quelqu’un réagisse pour faire connaitre ce que c’est l’hépatite et qu’est-ce qu’on nous cache. Là maintenant, quand tu regardes les personnes qui sont concernées en Afrique de l’ouest, ce n’est pas seulement la Côte d’Ivoire, c’est l’Afrique de l’ouest complet, ceux qui sont concernés par les hépatites, le VIH, c’est beaucoup. Pourquoi c’est beaucoup ? Parce que les gens ne savent pas ce que c’est au fait. On ne parle pas de ça et on ne sait pas pourquoi. Moi-même avant de venir, je ne savais pas ce que c’était l’hépatite C. Mais le VIH, oui d’accord, parce qu’il y a eu des sensibilisations, ils en ont parlé partout. Oui là, tout le monde sait ce que c’est le VIH. Mais ceux qui sont touchés, vraiment ils ne peuvent pas s’afficher quoi. Ils sont rejetés. Même par leur propre famille, parce que quand ils viennent à l’hôpital, souvent c’est un peu trop tard quoi. Ils sont beaucoup touchés et les examens et tout ça, c’est à leur charge. Ce n’est pas gratuit, ce n’est pas comme ici, tu vas l’hôpital, tu fais les prises de sang et tout ça, ce n’est pas comme ça. Les hépatites aussi c’est payant. Les examens, c’est payant. Tous les examens, ça va jusqu’à 1000 euros. Quelqu’un qui touche moins d’1 euro, qui a moins d’1 euro par jour, il a moins de 50 euros par mois, vous lui demandez de faire des examens de 1000 euros, comment est-ce qu’il peut avoir ? Il ne peut pas. Donc les gens se retrouvent seuls avec les maladies, ils sont là, ils attendent le jour quoi. Et peut-être qu’ils vont aller voir un guérisseur traditionnel pour dire “je ne me sens pas bien, et tout ça”. Lui il va essayer de prendre les plantes et tout ça. Bon ça, ça va aggraver la situation. Donc il faut quelqu’un pour venir révolutionner la situation, parce qu’il faut quelqu’un pour changer les choses. Il y a les ONG sur place, ils parlent. Nous on va lutter contre la stigmatisation, on va faire valoir les droits tout ça, ils font des bilans, des demandes de financements. Ils vont déposer au ministère et quand ils ont le financement, ça part là où ça doit partir. Chacun s’enrichit et puis bon, ils s’en foutent quoi. Si tu es malade, tu vas te plaindre où ? Tu caches ta maladie, tu ne veux même pas que quelqu’un le sache, tu vas aller devant qui pour parler ? C’est ça le problème. En Afrique, quand tu as le VIH, vraiment tu ne peux pas t’afficher quoi. Même les stars de la musique ou du football. Même s’il y a quelqu’un qui est concerné, il ne peut pas s’afficher. Tout le monde se cache. Donc là je me suis dit, il va falloir que quelqu’un vienne un jour pour changer les choses. Moi, je suis arrivé ici…
Sandra : Tu es arrivé en quelle année en France ?
Mamadou : En 2016.
Sandra : Pourquoi as-tu décidé de faire le voyage pour venir en France ?
Mamadou : C’est exactement ça au fait. Pourquoi j’ai décidé de venir parce que je suis malade. Je ne me sentais pas bien, ça n’allait pas. Finalement, je n’avais pas le choix. Franchement, j’étais obligé de venir sur l’Europe et voir si je peux me faire soigner parce que je me suis dit c’est l’Europe, de toutes les façons, ici il y a toutes les solutions. Donc je vais venir et on verra. Et quand je suis venu, je ne me suis pas trompé. Il y a les bons médicaments ici, les prises en charge sont bien. Les associations sont là qui s’occupent de nous parce que quelqu’un qui vient ici, qui est malade, qui a besoin de traitement, qui n’a pas de famille, c’est difficile. Et c’est comme ça que je suis allé au Comité des familles, j’ai vu beaucoup de choses là-bas qui m’ont plu que j’ai beaucoup aimé. Et là j’ai dit mais pourquoi ne pas envoyer ça en Afrique ? Il y a des personnes là-bas qui sont beaucoup touchées, qui ne peuvent pas payer les médicaments. Ce n’est pas seulement même les médicaments, il y a suivi social aussi. Donc il faut mettre tout ça en place. Ils sont là-bas, ils ne connaissent pas tout ça. Il faut quelqu’un pour amener. Si nous tous on vient rester ici, ouais je prends mes médicaments, ça va, on oublie les autres, ça ne va jamais changer quoi. Il faut quelqu’un jour pour venir là-bas. Tu ne peux pas seul, c’est vrai. Ici, avec des amis qui sont ici, les gens qui se battent pour la maladie, qui luttent, ils vont t’aider. Là ici, j’ai commencé à créer l’association, je ne suis pas seul. D’abord, je n’ai même pas l’expérience. Ce sont les personnes qui ont l’expérience qui m’aident. Ils m’ont aidé à mettre le truc en place, à tout mettre en place, et j’appelais en Côte d’Ivoire. J’ai aussi les spécialistes là-bas qui me suivaient moi, quand j’étais en Côte d’Ivoire. Je les ai appelé, je leur ai parlé de mon projet, ils étaient contents. Ils ont dit vraiment, si tu viens avec ce projet ici, ce serait bien, parce que les gens souffrent. Les gens souffrent beaucoup. Il y a des cas qu’on ne peut même pas dire. Les responsables des ONG quand ils sont les financements, ils s’en foutent quoi. Le reste, ce n’est pas leur problème.
Aujourd’hui, le monde parle de l’immigration. Ce côté-là, on ne touche pas, je ne sais pas pourquoi, mais on ne touche pas. Vous pensez que quelqu’un, je prends mon exemple, je suis venu parce que je ne me sens pas bien, mais je ne suis pas le seul. Il y a beaucoup. Vous pensez quelqu’un qui est en Afrique, en Guinée, Burkina, Côte d’Ivoire, il est malade, il n’arrive pas à se faire soigner, il fait tout, ça ne va pas, il sait que la mort arrive, qu’est-ce qu’il va faire ? Il n’a pas le choix. S’il n’a pas le visa, il va prendre la mer. Parce qu’il est déjà mort. Il suffit de traverser la mer et tu as la vie sauve. Qu’est-ce qui peut l’arrêter ? Rien du tout. Donc là, c’est un combat, je ne sais pas où ça va m’amener. Mais en tout cas j’ai commencé.
Sandra : L’association existe, est-ce que tu as déjà un local en Côte d’Ivoire pour cette association ?
Mamadou : Oui, j’ai un local dans la ville de Duékoué. Je vise deux villes à la fois. Duékoué c’est ma ville natale, ça se trouve à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Je compte installer un local aussi à Abidjan. Comme là-bas c’est la capitale, le truc coûte cher. Donc j’attends un peu le financement pour avoir un petit truc pour pouvoir installer le local à Abidjan.
Sandra : Et pour le financement, comment tu vas faire ? Tu as déjà des pistes ?
Mamadou : Je suis encore à la recherche. J’ai des amis qui m’ont donné des pistes. Je suis en train de regarder pour voir.
Sandra : Pour l’instant il y a une page Facebook qui est en train d’être construite, un site Internet qui est en cours d’élaboration aussi. C’est vraiment tout neuf pour l’instant.
Mamadou : Oui, ça vient de commencer.
Sandra : Avant de laisser la parole à Christian, peut-être qu’il y a déjà des auditeurs qui sont intéressés qui veulent t’aider ou en savoir plus sur cette association, comment on fait ? On contacte qui et comment ?
Mamadou : C’est moi. S’il y a quelqu’un qui est intéressé, pour l’instant c’est moi qu’il faut contacter.
Sandra : On donne le numéro du Comité des familles du coup ?
Mamadou : Oui, c’est plus simple.
Sandra : Chers auditeurs, si vous êtes intéressés, vous connaissez sans doute le numéro, 01 40 40 90 25 pour donner des idées à Mamadou. Si vous avez envie de faire partie de cette aventure, d’aider, que vous soyez de Côte d’Ivoire ou pas, vous êtes les bienvenus. Christian, je suis sûre que tu as envie de réagir !
Christian : Voilà une idée salutaire et louable, vraiment, avant de poser une question à notre ami Mamadou, je vais parler du Cameroun. Il faut qu’on accompagne bien le frère Mamadou dans son association SOlidarité Famille Internationale, c’est très bien. Mais la petite expérience que j’ai faite des associations au Cameroun, vraiment, j’espère que Mamadou, son association ne va pas sombrer dans cette chose-là. Les associations au Cameroun, d’ailleurs l’idée est très bonne, c’est-à-dire de penser de créer une association au vu des multiples expériences que les uns et les autres traversent et tout. Comme tu parlais tout à l’heure, effectivement, pour se soigner en Afrique, parce que nous, il ne faut pas qu’on oublie, surtout nous autres en Europe, on ne doit pas oublier que nous vivons dans la boue, dans la poussière, dans les moustiques, dans les senteurs, dans la pauvreté extrême. Lorsqu’on prend vraiment les gros risques de venir se soigner ici, ce n’est pas la blague. Déjà, les bilans au Cameroun coûtent extrêmement cher. Il faut les faire dans un seul centre, le centre pasteur. C’est un centre français. Ca coute cher. Ce ne sont même pas des bilans approfondis.
Si jamais on commence à te suivre dans un hôpital sur le plan médical et à te donner tes ARV lorsqu’on a découvert que tu es malade, on ne va pas te donner ces médicaments constamment. Je le répète toujours, on ne te les donnera jamais constamment. On te les donne au compte-goutte. Un jour, tu arrives, ça existe et un autre jour, on te donne une demi boite et c’est comme ça que les uns et les autres ne suivent pas bien leurs traitements.
Autre chose, les associations. La prolifération des associations qui existent, ce sont des associations fantaisistes. Fantaisistes ! Ces associations sont là pour se faire du beurre ! Elles reçoivent des financements. Ce sont des champions, ce sont des gens qui réfléchissent beaucoup, ils ont tout un staff autour d’eux, ils écrivent des trucs, ils reçoivent des gros financements. Et un beau matin, le bonhomme roule en carrosse, il nargue ses voisins, il construit une grosse maison et l’argent qu’il reçoit n’est véritablement pas pour la cause dont il a demandé. Mamadou, tu es président de l’association SOlidarité Famille Internationale, c’est très beau, mais je ne sais pas comment ça se passe en Côte d’Ivoire mais, j’espère que toi, tu vois comment ça se passe. Déjà, le bénévolat en Afrique ça n’existe pas, on ne connait pas qu’on va travailler un an, 3 mois, sans argent. Nous, il n’y a pas de bénévolat. C’est ici qu’on a découvert ça. La question que je vais te poser, d’où est venue véritablement cette majestueuse idée de mettre cette association en place et est-ce que les fonds, parce que tu vas recevoir beaucoup de fonds, est-ce que tu vas vraiment mettre ça pour les nécessiteux ?
Mamadou : Oui bien sûr, c’est ça le combat. L’idée est venue d’ici. Je n’avais pas l’idée avant de venir ici. Quand je suis venu ici, j’ai vu que vraiment les associations font beaucoup pour nous. Le bien que ça fait, je me suis dit, mais pourquoi ne pas envoyer ça en Afrique ? Ce serait vraiment bien quoi. Il y a des associations qui existent. C’est vrai, ils s’enrichissent, les malades ne bénéficient pas. Ca c’est clair. Même ceux qui sont en Afrique, ceux que j’ai sollicité sont plus motivés que moi parce qu’ils sont dedans depuis des années. Ils savent que les malades ne bénéficient pas. Les gens s’enrichissent sur leur dos. Il faut dénoncer ! Là, on parle même des malades de la ville. Ceux qui sont dans les villages reculées, dans les petites villes, là, laisse tomber. On ne parle pas d’eux quoi. Ils sont totalement oubliés parce qu’il n’y a pas d’hôpital là-bas pour faire des examens approfondis. D’abord dans les capitales, ça n’existe même pas. On te détecte VIH, on te met sous traitement, ça marche tant mieux. Ca ne marche pas, bon, ça c’est ton affaire. Le médecin va…
Christian : Sans te couper, tu parlais même tout à l’heure de l’hépatite. Toutes formes d’hépatites, vous êtes voués à la mort assurée. Pour le sida, on trouve encore quelques boites de médicaments mais l’hépatite, si tu as une hépatite, quelque soit la forme de l’hépatite, c’est la mort ! Donc vous, en Côte d’Ivoire, ils ne vous disent pas ? Ils cachent ?
Mamadou : Ils cachent.
Christian : Chez nous, comme je l’avais dit ici, je faisais une émission au Cameroun et on avait une auditrice qui nous écoutait très bien. Elle a été victime d’une hépatite. Moi, j’ai conduis cette bonne dame voir le ministre de la santé de notre pays parce qu’elle avait une hépatite, elle était en train de mourir et le bon monsieur m’a dit non, vraiment, le ministère n’a pas d’argent, il fallait débloquer 10 000 euros pour la faire venir en Europe pour qu’elle puisse être traitée. Si on ne peut pas t’évacuer, il faut payer, commander le médicament, en Europe, pour ça vienne. La bonne dame n’avait rien et donc, on a utilisé d’autres moyens pour que la bonne dame voyage et vienne en France. AIDES, je ne connaissais pas, je ne connaissais rien de tout ça, rien de la France. Elle est venue ici en France et AIDES a pris cette femme en charge. Aujourd’hui, cette femme est un témoin vivant et en moins de 3 mois, elle a été guérie de son hépatite. Elle est bien aujourd’hui, elle est très contente et tu vois, des milliers comme ça au pays meurent…
Mamadou : Des millions même !
Christian : Donc je voudrai dire à ceux qui nous écoutent, parce que nous sommes ici en Europe, nous sommes chez des blancs, nous ne venons pas ici par fantaisie pour se pavaner. Nous venons pour se traiter parce que le traitement est bien. Ici les suivis sont bons, voir comment le médecin prend soin de nous chaque 3 mois. Quand il a déjà constaté que tu prends bien tes médicaments, il te fait des prises de sang chaque 3 ou 6 mois. On vérifie tous, les reins, le sang, tout ! Nous sommes là pour survivre !
Sandra : C’est vrai en France, la prise en charge sociale est top, c’est un des meilleurs pays pour ça. Mais j’attire juste l’attention des auditeurs pour ceux qui nous écouteraient en Afrique ou ailleurs, que quand on vient en France, quand on est étranger, quand on n’a pas de papier, pas de famille en France, personne pour nous héberger, il faut s’attendre à vivre des mois, des années de galère. C’est juste pour… je ne veux pas dresser un tableau paradisiaque de la France. Certes, pour votre santé, ça va aller 10 fois mieux. Mais il n’est pas rare de voir des personnes qui ont fait tout ce chemin et qui dorment dans la rue, qui n’ont pas de quoi manger tous les jours. C’est difficile. Il faut vraiment s’armer de courage et se dire qu’on va vivre minimum deux ans de galère et après si on a de la chance, on peut avoir un titre de séjour et puis peut-être travailler, commencer à gagner de l’argent. Mais au départ, c’est dur. Je voulais juste dire ça.
Mamadou : Oui, c’est ça. C’est pour cela qu’on veut envoyer le projet en Afrique. Eviter que les gens viennent. Parce qu’ici, ce n’est pas facile. C’est dur. Très dur. Donc pour éviter tout ça, si tu as un bon traitement en Afrique, franchement, moi si j’avais un bon traitement, je ne suis pas malade, je ne viendrais pas ici.
Sandra : Bien sûr, parce que tu avais une situation là-bas.
Mamadou : Voilà, c’était bon, ça allait. J’ai ma famille, tout va bien. Mais ici tu es là, tu es traité, ouais. Mais c’est dur. Ce n’est pas facile. Donc si on amène le projet là-bas, ceux qui sont malades, ils savent qu’ils sont soignés, le gouvernement, même s’ils ne font pas tout, ils ne sont pas riches comme la France, ils ne font pas tout. Mais le peu qu’ils font, si les personnes concernées bénéficient de l’aide que le gouvernement apporte, ce serait bien. Si tu ne sens pas que ta vie est en danger, ça va. Tu vas faire ton petit boulot, en Afrique, on ne demande pas trop. Tout ce qu’on veut c’est la santé, manger et dormir, c’est tout. C’est ce que nous on demande en Afrique. Mais ce qui nous fatigue là-bas, c’est la maladie. Il y a beaucoup de maladies. Les gens ne communiquent pas. Ils cachent. Combien de personnes ne sont pas allés à l’école en Afrique ? C’est beaucoup ! 80% qui sont illettrés, en Côte d’Ivoire. Vous voyez un peu ? C’est la capitale, les grandes villes où les gens vont à l’école. Ils savent un peu, ils écoutent la radio, regardent le JT. Les villageois, ce n’est pas leur problème. Eux ils vont au champ ou lui qui fait son petit métier, il s’en fout ! Il faut faire des sensibilisations. Il faut parler beaucoup de la maladie pour que les gens l’évitent. Mais les ONG, vous prenez l’argent, vous ne faites rien du tout. La Côte d’Ivoire finance. Si le projet est bon, ils financent, même si c’est un peu. Le problème c’est quoi ? Les gens ne bénéficient pas. Tu vas arrêter aujourd’hui 10 personnes en Côte d’Ivoire, tu leur poses la question sur l’hépatite, peut-être, personne ne connait. Les 10, ils vont te dire, je ne sais pas ce que c’est. Comment on peut éviter ? On ne peut pas éviter, si tu ne sais pas ce que c’est. Tu ne sais pas comment on peut prendre l’hépatite, comment on peut être contaminé, tu ne peux pas l’éviter. Les élèves de l’université ne savent pas. Ils ne savent pas ce que c’est. Mais il faut que quelqu’un vienne pour changer les choses. Mon but, c’est ça, c’est de venir en Côte d’Ivoire, faire un gros bruit. Tout le monde saura qu’il y a quelqu’un qui était à Paris pour venir. Là, il n’est pas venu pour jouer quoi. Voilà, c’est ça mon but.
Christian : Vraiment Sandra, je voulais un peu appuyer sur ce que tu étais en train de dire pour dire que quand tu parles comme ça, certains de nos compatriotes qui ne sont pas encore au pays et qui veulent venir à tout prix en Europe, vont penser que nous sommes jaloux. Moi je parle parce que je suis un témoin. Sandra, tu n’as peut-être pas vécu ça, tu as entendu et tu vois certains vivre ça. Maintenant moi je parle en tant que quelqu’un qui a vécu tout ça. Moi j’ai vécu tout ça. Quittant le Cameroun, Yaoundé. Moi, je n’ai pas beaucoup fréquenter comme tous les autres, j’ai eu mon petit BTS, je faisais beaucoup de journalisme au pays et puis j’avais une structure de communication audiovisuel que le délégué du gouvernement a cassé. Il a cassé ma structure, il a tout détruit. Je me suis battu pour avoir un travail. En Afrique, c’est la corruption, tu connais Mamadou. Pour travailler il faut être le fils de, il faut acheter les postes et tout. Si j’avais eu la possibilité d’avoir un petit boulot qui me donnait même 500 euros tous les mois, je ne devrai même pas penser un jour venir en Europe. Jamais.
Maintenant mes frères, vous qui êtes là-bas, nous parlons mais pas parce que nous ne voulons pas que vous franchissiez le sentier de la route pour venir en Europe, non. Vous êtes libre, que chacun prenne sa décision. Moi, j’ai pris Yaoundé. Je suis allé au Niger, j’ai fait le désert avec 30 personnes, une seule bouteille d’eau pour nous ravitailler. Une seule bouteille d’eau, si quelqu’un a l’hépatite, quelque chose peut arriver. On a vu les gens violer des femmes, faire des trucs en Algérie, au Maroc, dans les forêts du Maroc, les étapes que vous allez d’abord traverser sur la route mes frères avant de prendre l’eau comme moi j’ai pris, quittant le Maroc pour l’Espagne, j’ai pris l’eau. Il n’y a pas d’arbre, pas de feuille, pas de corde, vous ne pouvez pas vous accrochez. Et on a été sauvé, parce que les passeurs vous donnent l’illusion, ils disent que quand vous êtes dans la mer, vous allez appeler la Croix-Rouge. Vous appelez, il n’y a pas de connexion sur la mer, rien ne passe. La seule chose qui nous a sauvé, un bateau touriste français passait par là, lorsque nous étions en train d’aller dans le détroit de Gibraltar. Ils nous ont stoppé et nous leur avons supplié d’appeler la Croix-Rouge. C’est comme ça qu’au bout, le 26 novembre 2015, on nous sort de l’eau. L’hélicoptère est venu tourner sur nos têtes et après quelques temps, le bateau est venu nous sortir de l’eau. C’est comme ça que nous avons été sauvé. Et quand j’arrive en France, c’était l’hiver, c’était très grave. Galère sur galère, mangeant dans la rue, dans la poubelle, souffrance, je peux pas compter combien de fois j’ai dormi, marcher avec des clochards, c’est terrible ! Comme Sandra disait, il faut faire au moins 2 ans. Mais pour moi il faudra faire 3 ans de bonne souffrance. Vous allez goûter au 115, et vous allez goûter à d’autres choses si vous résistez, vous verrez le bout du tunnel. Moi, je ne vous dis pas de venir ou de pas venir, mais prenez la bonne décision.
Sandra : Merci Christian pour ce témoignage. Revenons à SOlidarité Famille Internationale. J’entends beaucoup de personnes en Afrique qui disent même si tu as les moyens pour aller chercher ton traitement, même si tu peux, le fait d’aller à l’hôpital pour se soigner du VIH, surtout le VIH, parce que les autres maladies sont un petit peu moins stigmatisante que le VIH, mais les gens finalement n’osent pas y aller parce qu’ils ont peur que les gens disent t’as le VIH, t’as le sida, tu vas mourir, me touche pas. Ils ont peur d’être rejeté et du coup ne prennent même pas la peine d’aller à l’hôpital pour aller se soigner. Donc avec l’association que tu veux créer, tu veux permettre que les gens aient accès aux traitements. Mais ok, les gens auront peut-être, je l’espère, accès aux traitements grâce à la structure que tu as créé en Côte d’Ivoire mais comment faire, as-tu déjà réfléchi ça, pour que les personnes osent venir aller se soigner ?
Mamadou : Oui, j’ai déjà pensé à ça. C’est pour cela que c’est pour toutes les maladies chroniques en fait. Si tu viens, si on dit que c’est une association pour les personnes malades, mais tu ne sais pas ce que la personne a. Il peut avoir le diabète, ça peut être l’insuffisance rénale, ça peut être l’hépatite, tu ne sais pas. Au final, tu ne sais pas. C’est pour ça qu’il y a un peu de tout. On reçoit tout le monde. Même les membres qui vont venir, c’est peut-être même à la personne de dire ce qu’il a. Personne ne saura en fait.
Sandra : Tu penses que le fait de mélanger du coup, ça va permettre que…
Mamadou : Ca va faciliter les choses, les gens pourront avoir confiance pour venir, parce que moi-même, si un endroit est identifié, pour dire ici c’est seulement que pour le VIH, en Afrique, moi, je ne vais pas partir. Ca c’est sûr.
Sandra : C’est trop l’affiche quoi.
Mamadou : Voilà, quand tu es affiché là-bas, ce n’est plus toi seul, c’est toute la famille. Les gens vont dire c’est la famille, ceux qui ont le sida, c’est eux. C’est comme ça. Ils se disent que comme tu viens de telle famille, tout le monde a ça là-bas dans la famille, si tu as des petites soeurs mais peut-être elles ne vont pas avoir un mari. C’est grave. Même là actuellement, il y a un bruit sur Internet, un joueur de football ivoirien, il y a des rumeurs qui disent qu’il a le sida. C’est partout sur Internet, il a le sida. Et alors ?! C’est votre problème ? Ca ne vous regarde pas ! C’est ce que j’ai laissé comme commentaire. Tu n’imagines pas les réponses qui sont venues ! (rires). Ce n’est pas facile quoi. Donc quand c’est mélangé comme ça, les gens ne sauront pas. Ils sauront que c’est une association. D’autres vont appeler. Quand tu vas appeler, il y a des personnes qui seront là pour identifier si tu es dans le le cas ou pas, c’est ça.
Sandra : As-tu d’autres remarques à faire Christian ?
Christian : Oui, non seulement vous êtes pointés du doigt et lorsque vous allez à l’hôpital, ces gens-là sont tellement bien organisés qu’ils mettent des tentes sur le pavillon central de l’hôpital, on étale les gens. Tous ceux qui sont en train d’aller, en train d’attendre là, c’est les séropositifs. Ils font ça partout. Ce n’est pas caché. On vous voit là…
Mamadou : Ils ne disent pas séropositifs. Ils disent sidéens.
Christian : Oui ! Beaucoup meurent avec la maladie par peur d’être montrés doigt. Et puis la grosse chose qui a pris l’ampleur chez nous en Afrique, au Cameroun, c’est les églises ! Et quand ça se passe comme ça, les gens ne veulent pas aller à l’hôpital, ne veulent pas suivre leurs traitements, ils ne veulent même pas en parler à la famille, à personne. Quand ils vont se confier aux prêtres, ces gens-là disent qu’on va prier pour vous, et vous allez retrouver la prompt guérison, laissez-nous cette histoire de sida, au nom de Jésus ou je ne sais quoi, tu seras guéri, si on t’a proposé des médicaments, ne boit pas, et beaucoup de personnes meurent. Résultat, beaucoup de personnes meurent ! Les gens meurent lors des prières et tout. C’est l’illusion ! Moi, on m’a fait boire des breuvages. On est allé prendre des litres de médicaments traditionnels, on m’a dit arrête tes trucs, ne boit plus ça, boit ces breuvages. C’était là, la mort. Ce n’est pas comme ici. Ici par exemple, à l’hôpital de la Salpêtrière où moi je suis normalement suivi, on ne sait même pas, vous prenez un ticket, tac tac, vous allez à la caisse et on vous appelle. Ton médecin arrive, c’est vraiment dans le respect de l’individu, des uns et des autres. Ce n’est pas comme… vraiment, en Afrique c’est dur Sandra.
Sandra : Il y a tout un chantier Mamadou.
Mamadou : Oui, en fait, ce qu’il vient de dire là, sur la page Facebook de l’association, on a fait une publication pour parler du VIH sur la page, il y a quelqu’un qui a répondu pour dire que ce n’est pas vrai, c’est des imaginations, c’est des trucs qui ont été inventés par des blancs. Il a dit un truc pour justifier quoi. Si quelqu’un a ce problème, il a un remède pour ça. Bon, on a bloqué la publication.
Sandra : Oui, il vaut mieux éviter ce genre de discours.
Mamadou : Il y a des gens qui profitent des personnes qui sont malheureusement touchées. Tu ne peux pas dire à quelqu’un, tu ne peux pas demander conseils, à qui tu vas demander ? Tu ne peux pas te confier à un ami, personne quoi ! Vraiment c’est difficile !
Christian : Il faudra vraiment mettre les uns et les autres en garde. Je vous assure, je ne sais pas comment ça se passe en Côte d’Ivoire mais je suis sûr que tu auras du boulot vraiment.
Sandra : On aura l’occasion je l’espère de reparler à nouveau de cette association. J’espère que quand on en reparlera, il y aura du nouveau, des choses concrètes. En tout cas, si vous voulez participer à cette aventure, si vous voulez plus de renseignements, vraiment j’insiste, des gens sincères, on est là pour faire du sérieux, il y a des gens qui comptent sur Mamadou maintenant, vous nous appelez au 01 40 40 90 25 et si vous avez envie d’aider mais que vous ne savez pas comment, contactez quand même Mamadou, on a tous des compétences donc ensemble, on pourra arriver à quelque chose. Donc prochainement, il y aura du bruit en Côte d’Ivoire du coup ?
Mamadou : Oui, ça va faire du bruit.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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