Sandra : Pourquoi on parle de Solidays ? Parce qu’autour de la table, il y a des personnes qui ont eu la chance d’aller à Solidays. Christian, Martin et Alexandre. Quelques questions pour vous, on va faire un petit compte-rendu pour les auditeurs qui n’ont pas eu la chance d’y aller. Qu’est-ce que vous avez retenu à Solidays, qu’est-ce qui vous a marqué ? Je vais commencer par Christian vu que c’était ta première fois, raconte-nous.
Christian : En toute honnêteté, je ne saurai le dire sans remercier cette autre association qui m’a tendu la main lorsque je suis arrivé en France. Je veux parler d’Aurore Mijaos. Ils m’ont invité et puis c’était la toute première fois de ma vie, je n’avais jamais vécu un événement aussi grandiose, aussi ravissant comme celui des Solidays. Je n’avais jamais vu ça nulle part. Ils m’ont invité à être dans le stand avec eux et du coup sur le tas comme ça j’ai appris plein de choses. Ce qui m’a beaucoup frappé, c’est la convivialité, l’ambiance. Il faut dire que j’étais dans le village des associations. C’était très bien structuré, bien réparti. Il y avait le village des associations mais aussi dans tout un autre volet, tout un autre endroit, un domaine où on s’occupait uniquement des spectacles et ça, je n’avais jamais vu ça. Un gros investissement. Je suis sûr qu’il y a eu beaucoup d’argent qui a été mis par rapport à ça. Il y avait de la joie, des concerts, des animations. C’était très grand, je voyais des millions, des milliers de personnes, je vous assure. Je n’avais jamais vu ça. Les gens étaient super sympathiques. J’ai vu l’association Sol en Si, et je suis surpris de voir un des responsables de Sol en Si ici. J’ai vu une association qui s’occupait des droits de l’Homme. J’ai vu plein d’associations mais je vous assure, il fallait y être pour vivre cet événement. Malheureusement, il y a une chaine qui m’a interviewé et puis ils ont promis de m’envoyer des images mais je n’ai pas reçu. J’espère…
Sandra : C’est quelle chaine ? Aller on balance ! C’est qui ? (rires).
Christian : On garde un tout petit peu l’anonymat (rires). J’attends. Mais je t’assure Sandra, c’était super. Moi, je n’avais jamais vu cette ambiance. Il y avait une grande liberté, les gens pouvaient s’exprimer, faire ce qu’ils voulaient. Pas n’importe quoi, c’était bien structuré, il y avait la sécurité aussi. J’ai apprécié.
Sandra : Mais quels messages t’ont marqué à Solidays ? Tu as dit que tu étais dans le village associatif, donc tu as rencontré des gens qui eux ne faisaient pas partie d’association forcément, quels messages vous leur faisiez passer ? Est-ce qu’ils posaient des questions particulières ?
Christian : En fait, des gens arrivaient, pouvaient se rendre dans différents stands par curiosité, savoir ce qui se passe là-bas. Moi, j’étais par exemple dans un stand où lorsqu’on recevait une ou deux personnes, on te posait une question par exemple au pif comme ça, en quelle année fut créer le premier préservatif ? Et tu pouvais donner une réponse exacte ou pas, et je t’ammenais dans un coin où tu devais commencer la pêche aux canards et par la suite tu pouvais visiter le stand, et tu ne sortais pas de là les mains vides, tu sortais de là avec un cadeau. Ca pouvait être un flyer, un livre qui parlait de l’association. Mais moi, ce qui m’a véritablement marqué c’est qu’après il m’a été dit que toutes ces associations, toutes ces personnes, ces concerts, les revenus de ces grands mouvements devraient en principe être reversés dans un bon endroit qui devrait servir. Je vais prendre l’exemple où moi je suis logé actuellement. Cet argent qui devrait être reversé, je ne sais pas si c’est Sidaction, qui gère ces revenus là et répartir ça à différentes associations qui permettent à ce que nous autre qui sommes logés gratuitement. Si je peux dormir quelque part aujourd’hui, c’est parce que des gens se sont réunis, ont collecté de l’argent pour payer nos logements pour payer si, pour payer ça. Et moi, ça m’a franchement fait chaud au coeur parce que je n’avais jamais vu ça. Je vais parler un petit peu d’Aurore qui m’a invité. Une association comme celle-là, ou encore Sol en Si ou une autre, qui prend la responsabilité de prendre des personnes comme nous vivant avec le VIH/SIDA, qui sont dans la misère, la galère, parviennent à vous loger. Ces personnes qui le font ont du coeur. Je vous assure, ils ont du coeur, honnêtes dans leur esprit et ils font sans discrimination. C’est bien parce que chez nous au pays on ne voit pas ça. Je vous assure, quelqu’un monte son association, il attend qu’on lui donne l’argent et le bonhomme se partage ça avec ses nièces, ses copines, sa famille et les nécessiteux ne verront jamais rien de tout ça. Or, vous n’avez pas seulement Aurore, il y a Sol en Si, notre association…
Sandra : T’as oublié le nom ? (rires)
Christian : Non, je ne peux pas oublier le nom, j’ai dit notre association, le Comité des familles (rires). Je ne peux pas oublier le nom, impossible. Donc qui font ça, avec coeur, joie, un esprit disposé, toute une honnêteté, franchement c’est des choses rares. Moi, j’ai retenu plein de choses là-bas et franchement je ne peux pas dire ça en une seule émission.
Sandra : Merci Christian pour ton témoignage sincère. Mohamed, tu voulais réagir.
Mohamed : Moi, je n’ai pas pu y aller cette année. Mais d’après les retours que j’ai eus, ce que j’ai entendu, dans l’ensemble, ça s’est bien passé et je suis content que ça se perpétue parce qu’il faut savoir que Sidaction ça dure 3 jours…
Sandra : Alors, c’est Solidays et l’association qui gère tout ça s’appelle Solidarité Sida. C’est différent. Je sais que les noms se ressemblent mais du coup ça n’a rien à voir Sidaction.
Mohamed : Ca regroupe pas mal d’associations concernant les gens malades et je suis content que ça dure, qu’il y ait plus d’artistes et que ça s’élargisse quoi. Moi j’étais très satisfait du bilan positif de Solidays.
Sandra : Martin, tu as pu participer une nouvelle fois à Solidays. Tu tenais un stand, celui de Sol En Si. Comment ça se passait ? Qu’est-ce que vous proposiez comme activités pour ceux qui visitaient votre stand ?
Martin Pautard : On allait à la rencontre des festivaliers. Les festivaliers venaient à notre rencontre. L’idée, c’est de les sensibiliser, de les ouvrir aux actions de notre association et de toutes les associations qui soutiennent les personnes vivant avec le VIH. On leur parlait brièvement de l’association parce que les gens viennent pour faire la fête. On ne va pas non plus rentrer dans tous les détails mais par des petites activités, un tag, on leur proposait de laisser un message de soutien aux familles qui venaient taguer directement sur les murs de notre stand. On a fait des petites interviews…
Sandra : Taguer, tu veux dire avec des bombes…
Martin Pautard : Non, avec des marqueurs. On avait mis des bâches et les gens venaient… on a eu beaucoup de messages de soutien et on va les afficher à Sol En Si à Bobigny. On a eu des interviews, on proposait aux gens de parler, leur point de vue sur le préservatif, sur le dépistage, sur l’amour, de laisser un message de soutien à l’association. On avait aussi un atelier de logo pour les faire réfléchir à l’association. On leur proposait de dessiner un logo de l’association et puis on les faisait voter ensuite pour le logo le plus apprécié. Ce logo qui a été tiré on va l’imprimer sur des tee-shirt qui seront vendus au profit de l’association. Et puis on avait la chance d’avoir notre ostéopathe qui d’habitude s’occupe des familles à l’association, qui est venu aux Solidays pour leur montrer comment on faisait pour s’occuper un petit peu des gens.
Sandra : Super ! Et quelles questions avaient les personnes ? Est-ce qu’il y avait des questions où on se dit mince, on est quand même en 2016… des questions on va dire choquantes. Comme nous, on est dans le domaine du VIH à peu près… tout le temps. Est-ce qu’il y a des questions où on se dirait c’est dommage qu’on pose encore ce genre de questions en 2016 ?
Martin Pautard : Oui bah ça malheureusement, évidemment. C’est pour ça qu’on est là. Les deux extrêmes qui reviennent le plus c’est soit le sida ça n’existe plus. C’est-à-dire on a trouvé un vaccin. Donc faut quand même qu’on leur explique qu’il y a eu de grandes avancées effectivement mais que ça reste un virus actif dont il faut connaitre le fonctionnement, le mécanisme, pour pouvoir s’en protéger. Et aussi la majorité du grand public ne connait pas la différence entre le VIH et le Sida. Donc c’est très important pour nous d’être pédagogique par rapport à ça, pouvoir leur expliquer pour aussi déstigmatiser les personnes qui vivent avec le virus.
Sandra : Merci Martin pour ton témoignage et je vais terminer par Alexandre, qui lui était là en tant que journaliste, qui a interpellé des politiques. Malheureusement je crois que tu n’as pas eu la chance de pouvoir interviewer des artistes ?
Alexandre : Si.
Sandra : Ah mais tu m’as pas dit ! C’est la surprise ça !
Alexandre : J’ai pas mal de réserve pour ma part à apporter à ce festival. Ca a été un plaisir, c’était vraiment un beau festival. J’ai malgré tout quelques réserves à apporter. Après en tant que journaliste, c’est vrai qu’en tant petit média, voilà… on a eu des petits problèmes au niveau des accréditations puisque systématiquement les interviews étaient accordées uniquement au gros médias. Donc on va dire que pour se rattraper, l’organisation a organisé des conférences de presse pour pouvoir laisser des bribes d’interviews à d’éventuels…
Sandra : Nous, on a ramassé les restes, c’est ce que tu es en train de dire.
Alexandre : Donc du coup ce que j’ai fait, c’est que j’ai participé à des conférences de presse. Mais derrière, quand je suis arrivé, on m’a expliqué, gentiment, que j’étais un petit média et que du coup ça ne va pas être possible.
Sandra : C’est scandaleux ça ! Perso, je trouve ça grave.
Alexandre : Du coup, ce que j’ai fait, je suis allé directement voir s’il y avait des conférences, d’autres conférences éventuellement. Une fois que je suis allé à ces conférences, j’ai demandé spontanément, comme c’était les conférences à l’intérieur du festival, j’ai demandé s’il est possible, parce que j’imagine que dans ces conférences il y a moyen de poser des questions, est-ce qu’il est possible d’enregistrer une partie de la conférence avec mon micro ? Comme j’avais une accréditation Solidays, je me suis dit, je suis journaliste, ça peut le faire. J’aurai dû le faire en caché parce qu’évidemment il y a une dame de l’organisation qui m’a dit que c’était strictement pas possible, que je n’avais pas les autorisations pour enregistrer les conférences. Donc bon, je me suis dit les conférences tant pis. Pour cette journée là, j’étais grillé.
Après, ça m’a fait réagir ce que tu as dit juste avant parce qu’en effet les gens arrivent aux Solidays sans connaitre la différence entre VIH et Sida mais plus particulièrement les artistes aussi. Et les artistes, j’en ai profité pour poser la question, les deux artistes que j’ai pu rencontrer, c’était le groupe de jeunes rappeurs, Bigflo & Oli. Bon alors ils sont jeunes, probablement plus jeunes que moi. Donc je n’ai pas lieu de leur en vouloir et dire ah mon dieu, ils arrivent à un festival Solidays et ils ne connaissent pas la différence ! Non. Après en revanche, à la conférence de presse d’Ibrahim Maalouf, il y avait que des personnes qui étaient là pour la musique, genre “est-ce que tu vas faire une collaboration avec machin”. Euh le VIH/Sida, le thème même du festival, tout le monde s’en foutait littéralement. On peut dire ça comme ça. Au niveau des journalistes, je ne parle pas au niveau organisation. Mais du coup j’en ai profité pour poser les questions “est-ce que vous connaissez vraiment les différences entre VIH et Sida, tout ça. Et les artistes ont été honnêtes en disant je sais que je viens ici pour une cause et c’est bien mais après la cause, je ne connais pas les fondements de cette cause. Après, vous en saurez plus dans le grand reportage que je vais faire dans lequel il y a les témoignages de Nathalie Kosciusko-Morizet, Christiane Taubira, Sébastien Folin, qui était présentateur météo sur TF1 alors ça me faisait bizarre de le voir…
Sandra : Non mais maintenant il est sur France O, arrête Alexandre (rires).
Alexandre : Je sais mais malheureusement c’est ce qui m’a le plus marqué quand j’étais enfant. Enfin voilà, ça faisait bizarre de l’avoir en face de moi. Et ensuite il y avait des gens qui étaient déguisés en Jésus qui sont venus et qui étaient adorables, qui ont commencé à parler de la prévention. Il y avait les soeurs de la perpétuelle indulgences qui étaient là aussi, qui sont assez adorables aussi. Donc il y a différents témoignages.
Après la dernière réserve que j’aurai à dire, c’est que comme le festival Solidays est un festival qui prend de plus en plus d’ampleur, on peut parler de plus de 200 000 participants et ça ne va qu’en grandissant chaque année, le problème c’est que ça devient un festival… il y a le risque ça devienne un festival commercial. Avec par exemple les stands de Coca-Cola en plein milieu et le village solidarité mis un petit peu à part. Et quand on arrive dans le village solidarité on se rend compte de quoi ? En premier lieu on voit les stands de la Licra, Green Peace qui sont mis directement devant. Et au fond, dans un coin on voit les stands des associations de lutte contre le sida. C’est une réserve que j’aurai, c’est que j’avais l’impression cette année que pour aller spontanément vers le village solidarité, il fallait déjà connaitre le sujet. Après en revanche, il y a eu la grande cérémonie durant laquelle tous les noms…
Sandra : La cérémonie des patchworks pour rendre hommage aux personnes décédées.
Alexandre : L’hommage aux personnes décédées avec tous les noms et là ça a été vraiment une communion avec la fin tout le monde qui a eu le point levée, même les gens qui étaient arrivés et qui ne savaient même pas pourquoi ce festival se tenait, qui ne connaissaient même pas le thème principal du festival. Je ne peux pas dire s’il y a vraiment tous les participants du festival qui étaient là, mais il y a eu un instant de communion réelle avec tout le monde qui a arrêté de parler. Tout le monde a fini par la fermer et a juste été pris par l’ambiance. C’était un moment très fort, très dur et très beau.
Sandra : Merci Alexandre pour ce partage. Martin, tu veux ajouter quelque chose ?
Martin Pautard : Oui, je me permettrai de rebondir sur ce que tu dis. En tant que responsable d’un stand associatif aux Solidays, on participe à des réunions à Solidarité Sida. Donc comme tu l’as rappelé tout à l’heure, c’est l’association Solidarité Sida qui organise Solidays pour que les bénéfices soient reversés à des associations qui luttent sur le terrain contre le VIH. Je ne crois pas du tout que cette thématique soit oubliée par Solidarité Sida, bien au contraire. Effectivement il y a une réussite au festival. Effectivement il y a une répercussion médiatique qui est très forte parce que le but c’est qu’il y ait le plus de monde possible, d’argent récolté. Donc c’est une fête. C’est sur que c’est avant tout une grande fête. Je ne pense pas du tout que la thématique soit mise de côté.
Pour les questions d’accès aux artistes, par rapport à votre radio, moi je t’inviterai vraiment à te mettre en contact en amont avec Solidarité Sida parce que c’est un événement qui est énorme, très compliqué à mettre en place. Qu’il y ait des petits couacs, des choses à améliorer, ça, je n’en doute pas. Mais je vous invite à vous rapprocher d’eux parce qu’ils sont très sensibles je pense à ce que vous faites. Je sais que nous à Sol En Si, on reçoit des fonds de Solidarité Sida grâce aux Solidays.
Pour les artistes, effectivement, ils n’ont peut-être pas reçu de formation spécifiques VIH avant de venir au festival mais ce qui est important c’est qu’ils s’impliquent, qu’ils viennent dans ce festival, que ça fasse venir du monde et que ces gens comme tu disais à la cérémonie du patchwork par exemple, même s’il y a des gens qui sont venus que pour les concerts alors que bon, bah, la cause elle est quand même sur toutes les affiches, sur toutes les annonces radios. C’est quand même lié au VIH de façon intrinsèque. Et depuis sa création. Comme tu l’as dit, au stand des associations on croise des associations comme la nôtre qui s’occupe des enfants, des familles, on croise des associations qui concernent plus les homosexuels, des transsexuels, il y a vraiment de tout. Et ça appelle à l’ouverture d’esprit. Quand il y a cette cérémonie de patchwork avec tous les noms des personnes qui sont disparues à cause de cette tragédie, du virus et bah tout d’un coup, un disparu c’est un disparu. On s’en fiche qu’il soit de telle pays, de telle couleur de peau, de telle orientation sexuelle. Tout le monde est rassemblé, tout le monde communie et je crois que ça, ça fait avancer les choses. Moi qui fais aussi de la prévention dans les collèges et lycées du 93, je crois que la pédagogie elle vient aussi par l’alliance. Donner des leçons aux gens, ça ne marche pas forcément, et que là, on invite les gens à une fête et pendant cette fête on leur dit “vous savez, ce que vous faites, en achetant votre billet, votre argent va servir à lutter contre le VIH”.
Sandra : Très bien, alors je vous propose de continuer le débat sur le site comitedesfamilles.net. L’heure avance, on a d’autres sujets à aborder. Je comprends que c’est un sujet intéressant, mais on va poursuivre.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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