Alexandre : Vous le savez, au sein de ma chronique, je suis particulièrement friand du travail réalisé par les rédacteurs du blog Seronet. Cette semaine ne dérogera pas à la règle, au contraire. Je vous invite donc dès maintenant, si vous n’avez pas encore eu ce réflexe, chers auditeurs intéressés par les questions qui touchent aux personnes séropositives, à aller consulter ce blog, www.seronet.info. Ma première info, justement, concerne la thanatopraxie. Vous le saviez déjà, on en avait parlé, l’accès à la préparation post-mortem pour les morts, l’accès aux soins de conservation, est barré, purement et simplement, pour les personnes séropositives. Si vous voulez réécoutez les liens de nos discussions avec différents thanatopracteurs, ils sont disponibles dès maintenant sur notre compte twitter@VIHRadio. La thanatopraxie pour les personnes avec le VIH, c’est une discrimination symbolique, même mortes, les personnes séropositives sont à part, et refusées. Recréons un peu de contexte autour de cette histoire. Les thanatopracteurs pratiquent souvent dans des lieux peu adaptés, avec des manipulations qui peuvent amener des risques de contracter des maladies contagieuses, notamment les infections cutanées, mais aussi certaines maladies comme le VIH, la tuberculose et les hépatites virales. En 2014, Marisol Touraine s’était prononcée pour une levée de l’interdiction des soins funéraires sur les personnes séropositives. La loi santé prévoyait différentes mesures par rapport à la thanatopraxie. Théo Brigand, chargé de mission plaidoyer à AIDES, a été interviewé par Seronet, je cite : « L’article 52 de la loi Santé concerne l’encadrement de la thanatopraxie, et répond au vide juridique actuel sur cette activité. Il vient donner une définition et un encadrement légal de cette pratique. Sur la santé et la prévention, il prévoyait une vaccination obligatoire des professionnels contre l’hépatite B et précisait que les soins de conservation ne pouvaient se faire que dans des lieux dédiés, équipés pour cela. Autrement dit : plus au domicile des personnes décédées. C’était un moyen d’assurer la santé et la sécurité des thanatopracteurs, tout en mettant fin à la discrimination par l’interdiction des soins funéraires pour les personnes séropositives pour le VIH et les hépatites virales. A aucun moment, l’article ne mentionnait directement cette interdiction, qui n’est pas d’ordre législatif, mais réglementaire ». Fin de la citation.
Un récent amendement du parti Les Républicains a néanmoins enterré cette idée. Dans cet amendement, il est question d’autoriser les soins funéraires au domicile du défunt, par exemple, autrement dit, dans un cadre d’hygiène et de sécurité loin d’être idéal pour le thanatopracteur. Toutes les conditions ne seraient donc pas réunies pour lever l’interdiction aux soins chez les personnes atteintes de certains types de maladies, et ce, pour des raisons économiques et confessionnelles. Economiques, parce que les soins funéraires dans un lieu spécialement prévu à cet effet couteraient plus cher à la famille du défunt, selon les députés. Le principal problème non-retenu par ces derniers étant la sécurité sanitaire des thanatopracteurs. Toute levée de l’interdiction aux soins funéraires chez les personnes séropositives ou atteintes d’hépatites virales n’est néanmoins pas définitivement abandonnée. L’article de Seronet intitulé “VIH : L’Assemblée enterre les soins funéraires” conclut ainsi : “Il reste possible de réfléchir à des solutions sur l’accès aux soins funéraires pour les personnes vivant avec le VIH ou une hépatite virale par voie réglementaire, peut-être en l’autorisant uniquement dans les centres funéraires. Si c’était possible, il y aurait effectivement une avancée que nous souhaitons. Mais de nouveau, un régime dérogatoire et spécifique serait créé, un de plus, pour les personnes séropositives”.
Sandra : Merci Alexandre pour cette première information. Mohamed, est-ce que tu étais au courant que la discrimination pour les personnes séropositives pouvait malheureusement aller jusque dans la mort ?
Mohamed : J’en avais entendu parler, mais plus dans les pays du tiers-monde ou dans les pays qui ne sont pas tellement informés par rapport à ça. Mais ici je n’en avais pas vraiment entendu parler, je pensais qu’ils enterraient les morts normalement, simplement. Je pense que ça a été avec l’affaire du sang contaminé où ils ont pris leurs précautions et où ils se sont dit que quand même, on allait pas les discriminer par rapport à d’autres et qu’ils les enterraient selon chacun avec des principes de précautions, mais qu’ils les enterraient comme le commun des mortels.
Sandra : En fait, cette loi-là, elle est venue à l’apparition du VIH, du SIDA, et on ne savait pas comment le SIDA se transmettait, donc cette loi a été créée. Et depuis, ça n’a pas été enlevé. Alexandre, tu voulais rajouter quelque chose ?
Alexandre : Je voulais juste rajouter qu’en fait, ça n’est pas seulement au niveau de l’enterrement, donc, c’est vraiment au niveau de la préparation du corps, juste avant tout ce qui est la mise en bière.
Sandra : Tout ce qu’on met dans le corps pour qu’il soit conservé, pour qu’on puisse avoir le temps de se recueillir, faire une veillée.
Mohamed : Oui, l’enterrer dignement, oui.
Sandra : On va dire que là, ils font la toilette et puis hop, directement, ils ferment le cercueil.
Alexandre : Et le thanatopracteur se retrouve en contact avec la plupart des fluides corporels qui peuvent être contaminants, et dans certains cas, notamment l’hépatite B…
Sandra : L’hépatite C ?
Alexandre : L’hépatite B.
Sandra : Ah, ok, mais l’hépatite C aussi ?
Alexandre : L’hépatite B est plus fréquente à ce niveau-là. Mais l’hépatite C aussi, et derrière, il y a aussi la tuberculose. J’avais lu ce fait, comme quoi 15 % des thanatopracteurs dans une région d’Amérique du Nord étaient infectés par la tuberculose à cause de leur métier. Le problème, c’est qu’ils le font dans un cadre, au domicile des personnes décédées, mais ça peut aussi se passer dans des conditions, pas forcément insalubres, mais en tout cas inadéquates à de telles pratiques.
Mohamed : Oui, c’est ça, parce qu’ils prennent leurs précautions en général, pour faire ça, ils mettent des gants, ils mettent des combinaisons, je pense, parce que c’est juste le problème du lavage et de la mise en bière. Parce qu’ils ne sont plus en contact une fois qu’il est vraiment décédé, on va dire. Dans d’autres pays, ils les incinèrent, carrément ! Vous voyez ce que je veux dire ? On ne laisse rien, on ne laisse plus de trace, on ne va même plus sur la tombe, on les incinère ! Ils ont peur que même dans la terre ça laisse des conséquences quoi.
Sandra : Et bien vos réactions sur le site comitedesfamilles.net ! Info suivante ?
Alexandre : La Journée Mondiale de Lutte contre le SIDA, il y a deux semaines, a été l’occasion de faire différents points, sur les chiffres du VIH, en France et en Europe, pour commencer, et sur les discriminations, dans un deuxième temps. Pour ce dernier point, Seronet en a consacré plusieurs articles, dont un intitulé “Sérophobie : La face cachée… À découvert. Sérophobie, qu’est ce que c’est ?” La définition chez Aides, c’est la peur et le rejet en raison de la séropositivité. Cet article se base sur un rapport d’Aides, VIH/hépatites, la face cachée des discriminations. Un rapport édifiant : outre l’accès aux soins dentaires, les demandes de prêts et les assurances impossibles à négocier, c’est également dans la formation que les personnes séropositives sont particulièrement discriminées. Pour une raison simple : ces formations se basent sur un critère de santé strict évalué à l’aide d’un référentiel d’aptitude physique appelé Sygicop. En gros c’est une note qui est donné par rapport à ses capacités physiques et à sa santé. Selon Seronet, je cite : “Il établit le profil médical d’une personne, tel qu’évalué par un médecin militaire. Ce référentiel recense sept critères (Y comme yeux, P comme psychisme, E comme état général…) auxquels sont appliqués des coefficients (de 1 à 6 ou de 0 à 5), plus le score est élevé moins on est apte. En matière de VIH, une instruction définit des notes applicables automatiquement à certains critères. Ainsi en cas « d’infection à VIH asymptomatique, sans traitement, avec une immunité cellulaire satisfaisante, selon avis spécialisé », le coefficient appliqué sur le critère « Etat général » est automatiquement de trois sur six, « l’infection à VIH asymptomatique, traitée » se voit appliquée un score de quatre sur six ! Cette pondération moins favorable lorsque la personne est sous traitement apparait parfaitement déconnectées des avancées médicales et scientifiques. Et c’est là que le piège se referme”.
Comment ça, le piège se referme ? Il se trouve que certaines écoles se basent sur Sygicop pour accepter les candidats, notamment les six écoles militaires affiliées à l’armée. C’était également le cas pour l’école polytechnique jusqu’au mois dernier. Et oui, le rapport d’AIDES a permis au moins une chose, la possibilité aux séropositifs d’intégrer polytechnique à partir de maintenant, l’école se prononçant sur ce sujet en affirmant ne pas vouloir évincer les candidats séropositifs. C’est une première avancée, mais il en reste d’autres à mener. Si vous voulez tout savoir, je vous invite à lire les deux articles sur le site de Seronet, Sérophobie : La face cachée… À découvert, et L’école polytechnique en finit avec la sérophobie.
Sandra : Bon, une petite bonne nouvelle quand même dans cette info que tu as annoncé, des réactions, sur cette information, dans l’équipe ? Oui, non, sinon on passe à la dernière info, il n’y a pas de problème !
Mohamed : On savait toujours qu’il y avait des discriminations par rapport à certains problèmes au niveau des assurances, des crédits. Je crois que le dernier bilan, il fait état des avancées par rapport à ceux qui sont concernés et qui veulent, pas spécialement des privilèges mais rien que des entrées dans une école, c’est déjà bien, c’est déjà une avancée.
Sandra : Ouais, ouais, c’est une avancée, mais tu vois moi, je ne savais même pas qu’une personne séropositive ne pouvait pas intégrer polytechnique. Voilà, donc pour moi, je ne vois pas où est le problème, quoi.
Mohamed : Moi non plus, moi je ne savais même pas qu’ils étaient dépistés avant de rentrer à l’école.
Alexandre : Donc maintenant pour Polytechnique, c’est bon, et il reste encore certaines discriminations, il y a l’école militaire de Saint Cyr, il y a l’école de la magistrature, il y a pas mal d’écoles dans lesquelles c’est totalement impossible encore.
Sandra : Allez, dernière info !
Alexandre : Attends, j’ai un truc à te dire avant qu’on baise. Cette phrase…
Sandra : (rires)
Alexandre : Oui, ça commence dur ! Je savais que ça allait te surprendre ! Cette phrase, donc, « Attends, j’ai un truc à te dire avant qu’on baise », cette phrase, c’est Lucie, 23 ans, qui la prononce avant chacune de ses nouvelles rencontres. Elle est séropositive depuis 3 ans. Sur cet article posté sur Konbini, que je vous mets sur Twitter de suite, je n’ai pas grand-chose à dire. Juste qu’il s’agit du témoignage assez touchant d’une jeune femme, qui a décidé de raconter ses plans d’un soir, après avoir été quittée par son mec. Elle dit presque systématiquement sa séropositivité à ses aventures, ce qui ne les empêchent aucunement d’aller jusqu’au bout, avec un préservatif. Au final, ce n’est pas tant dans la relation sexuelle que dans la relation sentimentale que la jeune femme a du mal. “Attends, j’ai un truc à te dire avant qu’on baise…”, c’est un récit simple et démonstratif de la méconnaissance de la plupart des jeunes, et des gens en général, par rapport à ce virus. Il est posté sur le site Konbini, et je vous invite fortement à aller y jeter un coup d’oeil.
Sandra : Merci, Alexandre. Farah, est-ce que dans ton cursus, tu es en troisième, c’est ça ?
Farah : Oui.
Sandra : Est-ce que vous avez déjà parlé du VIH ?
Farah : On n’a pas abordé le sujet profondément, mais parfois ça arrive que des personnes dans ma classe posent la question, et du coup le prof y répond.
Alexandre : Et tu n’as pas eu de formation par une personne qui est venue ?
Farah : Non.
Sandra : Et tu connais les modes de transmission du VIH ? Ou pas ?
Farah : Non.
Sandra : Zut alors ! Bon, on te les dit aujourd’hui. Donc, il y a les rapports sexuels, il y a de la mère à l’enfant, il y a les échanges de seringues, et puis par transfusion sanguine. Donc ça c’est, de la mère à l’enfant, par exemple, si elle ne prend pas de traitement, mais si elle prend un traitement elle ne contamine pas l’enfant. Aussi, il ne faut pas qu’elle allaite, parce que ça peut passer par le lait. Les rapports sexuels c’est s’il n’y a pas de protection, s’il n’y a pas de préservatif, et par exemple, si une personne séropositive prend correctement son traitement, sa charge virale devient indétectable, et si elle n’a pas d’autres maladies sexuellement transmissibles, type herpès, chlamydiae, etc. Là il n’y a pas de transmission non plus.
Farah : D’accord.
Sandra : Tout est clair ?
Farah : Oui, tout est clair.
Sandra : Bon, et bien en tout cas vous pouvez réagir sur le site comitedesfamilles.net, sur toutes les informations que vous venez d’entendre.
Transcription : Alexandre Bordes
Vous avez une question par rapport à cet article ?
Elle a peut-être déjà été traitée dans notre section FAQ
Vous ne trouvez pas votre réponse ou vous avez une remarque particulière ?
Posez-nous votre question ici :