Sandra : On va parler de télémédecine. Alexandre, tu as interviewé pendant l’été…
Alexandre : Oui, il y a quelques semaines.
Sandra : Le fondateur du site telemedecine360. Comment s’appelle-t-il déjà ce monsieur ?
Alexandre : Robin Ohanessian.
Sandra : Que nous allons écouter tout de suite. On n’en dit pas plus et on réagit ensuite.
Début de l’enregistrement.
Robin Ohanessian : Je suis médecin, interne en santé publique à Lyon. Notre action c’est principalement au niveau de la promotion de la santé, de la prévention et de l’organisation des soins et du système de santé, pour permettre une amélioration de la santé au niveau global dans une population.
Télémédecine 360 c’est le premier site d’information sur Internet dédié à l’actualité de la télémédecine.
La télémédecine, c’est une forme de pratique médicale à distance. Et puis ensuite il y a d’autres détails qui viennent préciser cette définition. Mais de façon schématisée, la télémédecine, c’est de la médecine, donc ce n’est pas une application, ce n’est pas un site internet, ce n’est pas un logiciel ou une vidéoconférence. La télémédecine, c’est une pratique médicale qui est particulière dans le sens où le patient et le médecin (ou bien deux médecins), ne sont pas forcément en face à face, de visu. Ensuite il y a différentes possibilités, différentes pratiques qui permettent cette médecine à distance. Il y en a cinq principalement définies dans la loi.
Il y a la téléconsultation qui correspond à une consultation entre un patient et un médecin à distance. Donc cette consultation peut se faire par vidéoconférence, par exemple, et au niveau du patient il peut y avoir soit un autre médecin, soit un professionnel de santé ou paramédical, ou une autre personne pour aider à la consultation. Donc le patient n’est en général pas seul et ça permet d’avoir accès à une consultation de spécialité qui n’est pas disponible sur place.
Ensuite il y a la téléexpertise, donc là cette fois-ci ça correspond schématiquement à la demande d’avis de professionnels de santé, par exemple le médecin généraliste de votre commune qui a besoin d’un avis concernant une lésion dermatologique ou bien une prise en charge infectieuse, cardiologique, va consulter un confrère situé n’importe où en France pour lui demander son avis sur la prise en charge.
Ensuite il y a la télésurveillance. La télésurveillance correspond à une liaison entre le patient et le professionnel de santé sur le suivi régulier de données médicales, donc ça peut être par exemple la glycémie pour les patients diabétiques, le poids pour les patients insuffisants cardiaques, ou bien le suivi du traitement, plusieurs possibilités et qui en général se font via des dispositifs connectés, des appareils connectés.
Alexandre : Un dispositif qui en gros, évite au patient d’avoir à se déplacer pour continuer son suivi, c’est ça ?
Robin Ohanessian : Exactement. Le schéma type pour cet acte, c’est le patient diabétique qui au lieu d’aller voir son endocrinologue, son diabétologue tous les 3 mois avec un compte-rendu de toutes les glycémies, le niveau de sucre dans le sang, sur les 3 derniers mois et d’ajuster le traitement en fonction de ces données, et bien là cette fois-ci, la glycémie va être suivie quotidiennement et envoyée quotidiennement au médecin, avec des systèmes d’alerte potentiels. L’adaptation thérapeutique va pouvoir se faire quasi en temps réel. Il va éviter d’attendre plusieurs mois avant d’adapter un traitement, d’être beaucoup plus réactif, et donc une meilleure organisation, moins de déplacement et un meilleur suivi.
Dernière chose, la téléassistance, c’est un peu flou comme terme puisqu’il y a aussi la téléassistance qui existe bien avant. Là en fait ça correspond à un médecin qui aide un autre à faire un geste. Donc si un médecin à une difficulté, il n’a pas forcément la compétence juridique pour le faire, mais la compétence technique, il peut être assisté à distance par un autre médecin.
Et enfin dans la loi, la régulation médicale par le SAMU a aussi été définie comme un acte de télémédecine.
Et pour finir, aujourd’hui il y a aussi un 6e type d’acte, qui s’appelle le téléconseil médical personnalisé, qui correspond à de la télémédecine en pratique dans les faits, mais dont la législation ne définit pas encore comme acte de télémédecine.
En théorie, ça peut s’appliquer à tous les patients puisqu’il n’y a pas de limite particulière. En pratique aujourd’hui, c’est concentré principalement sur le suivi des maladies chroniques et sur des priorités qui ont été fixées par une stratégie du gouvernement. Donc aujourd’hui en France, il y a beaucoup de projets qui concernent la radiologie, c’est de la téléradiologie, donc c’est entre 2 professionnels de santé principalement. Donc là, tout patient peut être concerné. Et ça concerne en général soit un échange d’image pour un avis spécialisé, soit si par exemple il n’y a pas de radiologue dans une ville ou un hôpital ou une structure de santé et qu’il y a seulement un manipulateur radio, le radiologue analyse les informations à distance. Ensuite, une autre priorité, c’est par exemple l’AVC, le télé-AVC est une priorité du gouvernement depuis 2011 et aujourd’hui en France, il y a eu des régions pionnières en Franche-Comté, en Nord-Pas-de-Calais, en Bourgogne par exemple qui ont fait l’objet de vidéo d’explication en lien avec l’association des patients donc le CISS et là l’idée en fait, c’est pour tout potentiel patient atteint d’un accident vasculaire cérébral, c’est de permettre d’avoir accès à l’expertise neurologique à distance au cas où il n’y aurait pas d’expert en AVC, là où vous feriez votre AVC. Donc ça, c’est un exemple concret qui peut toucher tout le monde et aujourd’hui dans les régions, c’est des projets régionaux en général, et on en a peut-être une petite dizaine en France, toutes les régions ne sont pas encore couvertes, mais ça augmente au fur et à mesure. Il y a aussi la télémédecine dans les Ehpad, donc dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Et là, ça peut concerner beaucoup de choses aussi, principalement de téléconsultation gériatrique programmée, pour évaluer l’état des personnes âgées, et puis la dermatologie aussi. Une lésion qui serait suspecte, qui soit suspectée par le corps médical ou par le patient lui-même, et bien aujourd’hui c’est possible aussi d’avoir accès à une expertise via soit des applications, soit un programme particulier avec un hôpital spécialisé ou des médecins. Ca touche vraiment toutes les pathologies possibles et aujourd’hui on est vraiment qu’au commencement et on va avoir à mon avis une montée en puissance des différents projets et au fur et à mesure où on se rendra compte qu’on y arrive, de plus en plus de pathologie, de prise en charge vont être incluse à mon avis dans des protocoles de télémédecine.
Aujourd’hui, où on en est ? On a un recensement qui a été fait en 2013 sur les projets menés en 2012 en France, donc c’est les dernières données nationales que l’on a où il y avait 331, il me semble, projets de télémédecine recensée en France. Donc aujourd’hui on est en 2015, on sait que les projets, le nombre d’activités de télémédecine a augmenté, mais on n’a pas de chiffre précis. Aujourd’hui toutes les régions françaises ont au moins un programme voire plus de télémédecine qui est couvert. Donc ça peut être dans différentes spécialités. Ensuite au niveau de la formation, la télémédecine est rentrée depuis 2013 comme item pour la formation des étudiants en médecine. Aujourd’hui la télémédecine fait partie de la formation pour les étudiants en médecine. Ce n’est pas encore le cas pour les autres professions, mais ça pourrait l’être dans les années à venir, il n’y a pas de raison que les autres professions ne soient pas formées à cela aussi. Et il y a beaucoup de formations continues qui sont disponibles, près d’une dizaine, et puis enfin sur le plan scientifique et académique, donc aujourd’hui il y a une société savante qui s’appelle la société française de télémédecine, SFT, qui regroupe des médecins de différentes spécialités médicales pour justement accompagner sur le plan scientifique et médical les avancées de la télémédecine, la méthodologie, l’évaluation, la recherche et donc pour accompagner aussi cette recherche, il y a une revue scientifique qui s’appelle la recherche européenne en télémédecine qui a été créée.
Principal problème en France pour la télémédecine, c’est le financement de cette activité. Aujourd’hui, il y a que 2 actes qui sont pris en charge financièrement par l’assurance maladie et le reste ne le sont pas. Donc on doit fonctionner sur des modèles particuliers ou des subventions et donc c’est peu pérenne pour une activité médicale. Aujourd’hui, ce serait le principal frein au développement de la télémédecine. Les prises en charge de télémédecine mise en place par des établissements de santé aujourd’hui sont intégrées dans la pratique des établissements et ne sont pas du coup un coup supplémentaire pour le patient. Ça peut représenter un coup supplémentaire pour l’établissement, mais qui à terme, permettent de réaliser des économies et de rentabiliser le matériel qui a été investi. Mais la télémédecine doit s’évaluer vraiment en terme de bénéfice pour le patient notamment en terme d’accès aux soins, en terme de confort dans la prise en charge et non pas sur un plan économique qui est plus dans un niveau global du système de santé pour essayer de garder un équilibre. Mais au niveau du patient, c’est vraiment le confort de la prise en charge, l’accessibilité et la qualité des soins qui sont importantes à considérer.
Alexandre : Nous parlions tout à l’heure de maladie chronique, du coup pour une personne par exemple qui est atteinte du VIH, la télémédecine peut par exemple lui être nécessaire ou utile ?
Robin Ohanessian : Aujourd’hui en France, il ne me semble pas qu’il y ait de projet, mais je n’ai pas une connaissance vraiment exacte des projets concernant le VIH. En revanche, j’ai fait une recherche dans la littérature scientifique et à ce jour, il y a dans le monde des projets de télémédecine qui sont appliqués pour la prise en charge du VIH. Ça concerne plusieurs aspects, par exemple il peut avoir des téléconsultations pour la prise en charge du traitement et l’éducation thérapeutique vis-à-vis de ce traitement. Donc au lieu par exemple de se rendre plusieurs fois dans le centre pour recevoir l’éducation sur le traitement, sur comprendre la façon dont il faut le prendre, les effets secondaires potentiels etc., ça aujourd’hui il y a des programmes dans le monde qui se font par télémédecine, par téléconsultation. Ça peut être aussi de façon plus globale pour la gestion de sa maladie chronique avec des téléconsultations. 2 exemples peuvent être mis en place. Principalement ils ont été faits aux États-Unis. Ensuite deux autres activités qui peuvent être citées, c’est par exemple la téléexpertise. Donc des médecins, toujours aux États-Unis, en fait il existe une sorte d’hotline téléphonique où les médecins de tout le pays peuvent appeler pour recevoir des conseils et en cas de doute ou de questions sur une prise en charge à adapter et donc ça, ça existe depuis plusieurs années, et puis un autre exemple, pour les complications ophtalmologiques en Thaïlande j’ai vu un article qui concernait ce projet où il existait un dépistage de la rétinite à cytomégalovirus. C’est un virus qui se développe quand on a une immunodépression, vraiment une immunité très faible et qui atteint la rétine dans l’oeil et donc aujourd’hui, il y a un programme au minimum dans le monde où ce dépistage peut se faire à distance donc avec un appareil d’ophtalmologie particulier où l’examen est fait proche du domicile et l’interprétation par un ophtalmologiste se fait à distance.
La demande peut venir aussi du patient et on sait que dans l’histoire du traitement du VIH ça a beaucoup fonctionné comme ça avec des groupes de patients qui ont permis des avancées dans la prise en charge. Aujourd’hui si on sait qu’il y a des projets qui existent dans des régions et d’autres qui n’existent pas dans d’autres régions, donc de façon théorique, on pourrait se dire, si la prise en charge par télémédecine permet une meilleure efficacité de mon traitement, au final si je ne peux pas y avoir droit, j’ai une sorte de désavantage en fait par rapport à d’autres patients alors que je suis en France, etc. Donc ça, ça peut être une demande des usagers de façon globale, de pousser pour avoir un accès à des programmes de télémédecine avec une démonstration d’efficacité pour un déploiement sur tout le territoire. Aujourd’hui en pratique, quand on va se rendre chez son médecin, on peut demander s’il existe une prise en charge particulière, mais en pratique, à part de tomber sur un médecin très au fait de ces nouvelles pratiques, il n’y a pas de donné donc c’est vraiment une opinion et une généralisation, je ne pense pas que tous les médecins soient capables de proposer une prise en charge de télémédecine adaptée ou même d’en maîtriser vraiment les ressorts ou la façon dont ça pourrait être effectué, avec qui, etc.
On constate aujourd’hui que de nombreux pays d’Afrique mettent en place leurs projets de télémédecine, aidés financièrement par des ONG, ou par des entreprises ou des agences de santé, etc. Il y a des projets dans beaucoup de pays. Sur telemedecine360, j’essaye régulièrement d’avoir des articles et des actualités sur les pays africains. Dernièrement par exemple, j’ai mis en avant le Mali, qui a mis en place un projet de téléradiologie. À Madagascar par exemple, ils ont fait une étude sur le cancer du col de l’utérus. Au Nigéria aussi, il y a beaucoup de choses. En Tunisie, il y a des projets qui se mettent en place. Au Bénin pareil, une plateforme de télémédecine qui a été créée. Ça bouillonne aussi en Afrique. Donc soit des projets qui sont à l’intérieur d’un pays, soit des projets qui se font de façon internationale avec l’Europe ou les États-Unis. Par exemple il me semble qu’à Caen, en France il y a un projet huminataire avec le Mali concernant la chirurgie maxillo-faciale. C’est naissant pour l’instant en Afrique, mais il n’y a aucune raison qu’ils n’aient pas aussi accès à ces prises en charge qui peuvent apporter une amélioration notamment dans des zones où la densité médicale, le nombre de médecins est très faible. Donc il y a aussi des projets qui passent par satellite, il y a un projet suisse qui est fait par les hôpitaux universitaires de Genève avec un projet sur toute l’Afrique francophone en grande partie pour vraiment permettre à des médecins isolés en Afrique d’avoir accès à des spécialistes, des avis, etc.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : La médecine du futur ! La télémédecine, donc c’était Robin Ohanessian au micro de l’émission de radio Vivre avec le VIH. Yann, un commentaire là-dessus ?
Yann : On avait déjà traité ce dossier, je crois que c’était Alexandre qui avait déjà fait un petit papier là-dessus, mais bien sûr pour tous les gens reculés, pour les maladies chroniques, je n’y avais pas pensé, mais c’est vrai que très souvent, quand on se retrouve en face de notre, surtout pour le cursus de vieux séropo, on se retrouve en face de notre infectiologue qui nous relate un petit peu les analyses et tout ça donc on a un temps qu’on pourrait vraiment passer sans se déplacer à la maison, pour lire les analyses. Après on le dit souvent, rien ne remplacera la rencontre directe, mais c’est de toute façon une évolution.
Sandra : Oui, je pense que c’est très pratique quand on n’a pas le médecin spécialiste dans sa ville, dans sa région, là il n’y a pas photo quoi.
Yann : Il y a beaucoup de gens en campagne…
Sandra : Voilà, rien qu’en province, sans aller en Afrique ou quoi, c’est déjà la galère.
Alexandre : Pour ces cas particuliers en effet, c’est une avancée qui est très intéressante et ensuite derrière, j’avais fait lors de ma toute première chronique à l’émission, j’avais parlé de la télémédecine et c’est vrai que la conception de la chose était assez partielle. Je ne savais pas vraiment de quoi je parlais par rapport à…
Yann : On a dû mal à se l’imaginer quoi.
Alexandre : Voilà. Si vous ne comprenez pas, écoutez cette interview, Robin Ohanessian a juste tout dit. Son site telemedecine360, vous tapez sur google telemedecine360 vous tombez dessus. Ça relate toutes les informations sur la télémédecine qui sortent, ça me permet vraiment de comprendre, de cerner les enjeux de la télémédecine dans le monde en France. Ce n’est pas seulement en France que ça se passe, c’est en Europe, dans le monde, en Afrique également.
Sandra : Vos commentaires sur le site comitedesfamilles.net
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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