Le vaccin thérapeutique contre le virus du SIDA, une idée qui paraît utopique tant elle fait rêver depuis des années. Pourtant, une petite société des Alpes-Maritimes s’est attelée à relever le défi depuis quelques années. Son fer de lance, TAT Oyi, une protéine susceptible de repousser la contamination.
Ce mercredi 28 octobre à 11h, c’est à la Maison de la Recherche qu’a eu lieu la conférence de presse de Biosantech sur son principal objet de recherche : un vaccin thérapeutique contre le virus du SIDA. Biosantech, c’est une entreprise au parcours atypique. Et pour cause, cette société, présentée avec les objectifs de « recherches et développements », existe pour une principale raison, réussir à vaincre le SIDA. C’est du moins l’objectif de sa créatrice, Corinne Treger, la co-fondatrice de la société en 2011 et présidente.
La principale force de l’entreprise ne réside pas dans sa taille infime, n’employant aucun salarié, seulement des prestataires de service, mais dans la possession des droits sur la protéine TAT Oyi, découverte par Erwann Loret, chercheur au CNRS (Centre national de recherche scientifique). Cette protéine est une dérivée de la TAT, commune à toutes les souches du SIDA connues, qui causerait la destruction complète du système immunitaire du malade. La TAT Oyi stimulerait les défenses immunitaires au lieu de les détruire.
Le nombre de recherches et d’essais de possibles vaccins ne se compte plus, et il est naturel d’accueillir cette protéine miracle comme toutes les autres avant elle, à savoir avec toute la méfiance qu’il s’impose. Pourtant, ce vaccin semble disposer d’éléments que les autres n’ont pas : des premiers résultats. Selon Sonia Escaich, Directeur Générale de Biosantech pour la partie Recherches et Développements, « après interruption de ce traitement pendant un mois, on a montré que ce vaccin était efficace sur la charge virale ».
Les essais cliniques ont en effet plusieurs phases qu’un médicament ou qu’un vaccin se doit de passer avec succès pour espérer une possible commercialisation. De la phase 1 à la phase 5, en passant par les phases 2A et 2B, à savoir la validation de la non-toxicité et de l’absence d’effets secondaires du vaccin (phase 1), la recherche de la dose efficace de vaccin (phase 2A) sur un échantillon de malades statistiquement significatifs (phase 2B puis 3), avant une éventuelle commercialisation. Ainsi, pour l’instant, il s’agit du seul vaccin ayant passé avec succès les premières phases 1 et 2A. Les essais cliniques ont été réalisés sur 48 patients divisés en quatre groupes, dont un placebo, et trois doses différentes de vaccin.
D’après Jean de Mareuil, Directeur Scientifique de Biosantech, le protocole a été fait de manière à ne pas excéder les deux mois d’arrêt de traitement, pour préserver les patients d’une éventuelle résistance.
Les résultats de Biosantech montrent qu’un certain dosage de TAT Oyi permet à 30 % des patients de contrôler leur virémie en dessous de 100 copies par millilitre de sang après un mois d’arrêt de traitement. Selon Jean De Mareuil, « sur le groupe à 33 microgrammes, on a eu 4 personnes [sur 12] qui ont une charge inférieure à 100 copies/ml. Indétectable c’est en dessous de 40, on est un petit peu plus, mais si on regarde l’ensemble de la charge virale comparée au placebo, on a une comparaison intéressante. […] On ne peut considérer ça que comme des indications. »
Le souci est donc désormais de faire le test sur un panel bien plus large : au menu donc de la phase 2B prévue pour décembre 2015, 80 patients, dont la moitié recevant la bonne dose de vaccin en plus d’un adjuvant (probablement Immunorex), et l’autre moitié un placebo, avec un objectif de stabilité virémique chez 90 % des patients vaccinés après arrêt de traitement.
Malgré cette nouvelle piste qui s’annonce prometteuse, il convient de ne pas s’enflammer pour autant : les résultats des essais, même s’ils sont très encourageants, n’ont pas encore été réalisés à une échelle assez importante pour en tirer avec certitude des conclusions sur le long terme.
Le Dr Mark Wainberg, le père du 3TC (Lamivudine, un anti-retroviral découvert en 1989) et ancien président de la Société Internationale sur le SIDA, l’a ainsi affirmé, « Nous ne voulons pas donner de faux espoirs, nous devons continuer de travailler. […] Nous n’avons pas encore assez de données pour dire que cette approche pourra remplacer la trithérapie ».
Ce membre du Comité Scientifique de Biosantech est d’ailleurs l’appui de poids dont aura sans doute besoin le vaccin TAT Oyi pour se faire une place dans l’opinion de la communauté scientifique. Car, et c’est là la principale raison de l’ire des détracteurs de ce vaccin, ce dernier n’est appuyé par aucun article, et n’a pour le moment aucune existence dans les revues scientifiques qui pourraient lui donner de la légitimité.
Selon le Quotidien du Médecin, le CNRS affirmait que Biosantech n’avait « pas vocation à s’exprimer dans la presse sur ce sujet en dehors du cadre d’une publication scientifique », un avis que partage l’association AIDES, et l’ANRS (Agence nationale de recherche contre les sida et les hépatites). Peut-être des essais plus poussés, sur une cohorte rassemblant plus de patients pourrait appuyer un article scientifique futur. Seulement, pour ce faire, Biosantech a besoin de nouveaux investisseurs. « Le souci, c’est que l’on n’a pas assez d’aides pour survivre. On doit communiquer pour pouvoir survivre et continuer les essais », explique Jean de Mareuil. De son côté, Mark Wainberg est « d’accord pour que la compagnie [soumette] bientôt une publication [qui soit] évaluée par un comité de pairs ».
Biosantech se retrouve donc à devoir mener une stratégie délicate, devoir communiquer pour récolter les fonds nécessaires pour continuer les essais et les phases de recherche à plus grande envergure. Mais pour mener à bien une telle stratégie, encore faudrait-il avoir des statistiques à grande échelle, qui ne sont possibles qu’en continuant les essais, et donc, qu’en continuant d’investir. C’est un pari, donc, dans lequel devront se lancer les éventuels futurs investisseurs.
Ecrit par Alexandre Bordes / Interview : Sandra Jean-Pierre
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