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07.03.2014

Zina : «Je n’ai jamais caché à mes enfants ma séropositivité»

Zina : Bonjour, je m’appelle Zina, j’ai 45 ans. Je suis séropositive depuis 22 ans. Et j’ai deux enfants que j’ai eus après mon infection au VIH et eux, ils sont en pleine forme.

Sandra : Aujourd’hui, tu participes à l’émission pour parler sur ce sujet de l’annonce de la séropositivité à l’enfant. Yann, Jennyfer et Loane qui ont déjà raconté leurs expériences alors je vais te demander de faire de même pour donner des pistes aux auditeurs qui ont besoin de conseils. Toi, est-ce que l’annonce a été faite ou pas ?

Zina : Elle a été faite depuis longtemps. Je ne leur ai jamais caché. Et je leur parlé à tous les deux, ils ont 5 ans d’écart. Chacun avait 5 ans quand je leur ai dit. Mais j’en parlai ouvertement devant eux tout ça. Mais en revanche je les ai pris vraiment à part et je leur ai expliqué ce que j’avais quand ils avaient 5 ans. Ça s’est bien passé. Je crois qu’ils n’ont pas vraiment… forcément, ils étaient petits, ils n’ont pas bien compris ce que c’était. Mais j’ai trouvé que c’était bien de leur dire le plus tôt possible parce que justement ils n’ont pas bien compris, ils n’ont pas eu de choc au moment où je leur ai dit. Et après, en grandissant du fait qu’ils soient habitués de savoir et qu’ils voient que maman elle est en pleine forme et tout, donc du coup il n’y a pas ce poids, cette peur qu’il peut avoir quand les enfants l’apprennent quand ils sont assez grands et qu’ils ont atteint l’âge de raison quoi comme on dit.

Sandra : Quels mots as-tu employés pour leur en parler quand ils avaient 5 ans ? Qu’est-ce que tu as pu leur dire ?

Zina : Je leur ai dit que j’étais atteinte d’un virus qu’on appelait le Sida et…

Sandra : C’est lointain, tu as du mal à t’en souvenir (rires).

Zina : Après dans les détails, je ne sais plus (rires). Effectivement maintenant ils ont 18 et presque 19 même et 13 ans. Donc c’est loin oui.

Sandra : Et ils t’ont posé des questions après, au fur et à mesure, comment ça s’est passé ensuite ?

Zina : Je ne m’en souviens plus. Je sais qu’on en a parlé à plusieurs reprises. Mais je ne me souviens plus s’il y avait eu de grandes questions. Au moment de l’annonce, il n’y a pas eu vraiment de questions. Ils étaient petits, ils ont entendu et voilà. Mais je sais que quand même ma fille a eu un peu peur une fois parce que je n’avais pas fait le lien à ce moment-là, et elle, son papa est décédé de ça et je lui avais dit : « J’ai comme ton papa ». Et c’est après que je me suis dit : «Mais qu’est-ce que j’ai dit ! » Parce que du coup elle va penser comme son père en est mort, elle va penser que je vais mourir aussi et donc je sais que je les ai pas mal rassurés en fait. Bon là ma fille, je l’avais pas mal rassurée. Mais les deux je les ai pas mal rassurés par rapport à ça, par rapport au fait qu’on pouvait bien vivre avec, qu’il n’y avait pas de soucis, qu’au jour d’aujourd’hui il y a quand même des bonnes avancées.

Jennyfer : Je pense que le fait de le dire jeune et par la suite de répondre à toutes les questions c’est le mieux en fait. Je pense que ça me fera dans le même genre par rapport à ma fille qui me verra prendre mes médicaments, il n’y aura pas de secret et qu’après les choses soient claires, c’est le mieux à faire à mon avis.

Sandra : Yann, une réaction ?

Yann : Non, c’est un peu le même processus que moi, vers 5 ans aussi.

Nadine Trocmé : Oui, 5 ans c’est effectivement un très bon âge comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est l’entrée dans la pensée concrète de l’enfant. Il est capable de comprendre effectivement qu’un médicament on le prend parce que, en général, parce qu’on a une maladie. C’est ça qui est difficile à comprendre pour les enfants. En général à l’école on leur dit : « Ah mais si tu prends un médicament c’est parce que tu es malade ». Et nous on leur dit : « Tu prends un médicament pour ne pas tomber malade ». Il faut déjà donc leur expliquer cette chose-là. Pour revenir à votre témoignage Zina, j’aurai deux choses comme ça qui me viennent spontanément. D’abord vous n’aviez pas le choix d’en parler à vos enfants puisque leur papa était décédé…

Zina : Si, j’avais le choix parce que c’est le père de ma fille seulement qui est décédé.

Nadine Trocmé : Ah d’accord. Mais bon, à partir du moment où il y a un décès, c’est-à-dire qu’il y a une maladie avec une mort qui s’en est suivie, je crois qu’il était quand même essentiel que votre fille sache que si en plus vous portiez le même virus, que vous vous aviez des médicaments et que vous ne risquez pas de mourir comme son père.

Zina : Pour moi il est essentiel de lui dire mais je veux dire ce n’était pas indispensable non plus. Il est décédé, elle avait 2 ans. Je n’étais pas dans l’obligation.

Nadine Trocmé : Je pense que quand même pour elle…

Zina : La situation ne faisait pas forcément que, pour moi oui, c’est ma façon de voir les choses.

Nadine Trocmé : Mais en ce qui la concernait elle, effectivement elle était petite quand son père est décédé mais il est évident que s’interrogeant sur le décès de son père et vous voyant prendre des médicaments, je pense qu’elle risquait de faire la relation et de garder tout ça pour elle de peur de vous faire soit de la peine ou vous voyez, revenir sur quelque chose comme ça, elle ne pouvait pas probablement. J’ai rencontré pas mal d’enfants qui malheureusement ont perdu un de leur parent et qui spontanément ne posent jamais de question à leur parent, celui qui reste. En voyant en plus l’autre parent prendre des médicaments, ils peuvent tout à fait se dire, d’abord je ne vais pas aborder le problème pour ne pas lui faire de peine et d’autre part, dans leur coin se dire : « Je peux perdre maman ou papa de la même manière que j’ai perdu l’autre parent ». Et ça, c’est dans ce sens que je disais que vous n’aviez, enfin dans les faits bien sûr on a toujours le choix ou pas le choix de parler à son enfant mais pour sa construction et pour… n’oublions pas qu’un enfant terrorisé par la maladie du parent ou par la mort, peut être empêché de penser. C’est-à-dire c’est un enfant qui ne va pas bien travailler à l’école, qui va faire des cauchemars, qui va avoir des angoisses, qui va être triste. Ce sont des enfants quand même qui portent tout cela avec beaucoup de peine et beaucoup d’anxiété. Et ça, ça empêche de grandir correctement les enfants. Et puis, je voulais dire aussi quelque chose en vous écoutant, c’est le fait que vous avez dit que vous êtes revenu sur l’annonce. Ça, ça me semble tout à fait essentiel aussi. On n’annonce pas une bonne fois pour toutes à l’enfant en lui disant : « bah écoute, moi je vais te dire, c’est pour telles raisons que je prends des médicaments et puis on n’en parle plus ». Vous avez dit, j’ai commencé à en parler je ne sais plus avec quels mots mais on en a reparlé et puis on se rend bien compte que l’enfant à chaque âge de son évolution a de nouvelles questions, avec des nouveaux mots et a besoin de revenir sur cette annonce.

Zina : Pour ma part, je suis plus pour le dialogue justement que d’enterrer les choses. Après l’enfant ne peut pas se construire correctement, que ce soit pour ça ou pour d’autres choses, peu importe les choses. Il faut exprimer aux enfants. Alors après on ne peut pas forcément tout dire selon les âges et tout mais il faut répondre à leurs questions quand c’est des problèmes comme ça qui sont un peu lourds quoi. On ne peut pas les laisser… j’aurais trouvé ça horrible… à la limite, j’aurais préféré ne pas leur annoncer plutôt que de leur annoncer et de leur dire : « stop, maintenant on n’en parle plus, je t’ai dit ça, t’en fais ce que tu veux ». C’est hard quand même.

Nadine Trocmé : Oui, tout à fait. Et puis il y a un autre point que je voudrais aussi dire, si difficile pour des parents d’aborder ce problème de leur propre séropositivité avec les enfants, c’est qu’ils ont toujours la sensation que les enfants vont leur demander mais et toi maman, comment tu l’as attrapé ? Ca, c’est tellement essentiel de l’intimité des parents que les parents disent : « Mais moi je ne veux pas leur raconter ma vie, ma vie intime, ma vie sexuelle etc ou même ce que j’ai fait avant, toxicomanie ou je ne sais pas quoi ». À chaque fois je demande aux parents : « Pourquoi voulez-vous forcément parler de votre vie intime, de votre privée à votre enfant, de votre sexualité à votre enfant dès lors où vous lui parlez de votre virus ou de votre maladie ? ».

Zina : C’est vrai qu’ils m’ont demandé. Ils ne m’ont pas demandé tout de suite. C’est après, ils cogitent dans leur coin et tout. Mais je leur ai dit, bon maintenant ils savent que j’avais été toxicomane mais sur le coup je n’avais pas voulu leur dire donc je leur avais dit parce que maman a fait des bêtises, elle a eu une vie pas facile, elle a fait des bêtises, elle n’a pas fait attention. Donc voilà, ce n’est pas mentir et pas rentrer dans les détails parce que comme je disais tout à l’heure on ne peut pas tout dire. A chaque âge il y a des choses qu’on peut dire et d’autres faut attendre quoi. Et il y a juste un truc que je voulais dire, la seule crainte que j’avais en l’annonçant et d’ailleurs je les ai un peu briffés là-dessus tous les deux, c’est les autres. Je leur ai bien dit que c’est une maladie qui n’est pas tellement connue par les gens et qu’elle n’est pas acceptée et que je leur conseillais fortement de ne le révéler à personne, à aucun copain, copine parce que même si c’est la meilleure amie, le meilleur ami, il peut le dire et qu’après, ça peut venir aux oreilles des parents et qu’après ils pourront passer pour des pestiférés. Là-dessus je les ai quand même briffés, je leur ai bien expliqué comment les gens peuvent fonctionner par rapport à ça et quelles conséquences ils peuvent subir du fait de le révéler. Ça, ils l’ont compris. Ma fille à un moment s’était confié quand même, il n’y a pas eu de suite et son frère après l’avait briffée derrière et puis elle ne l’avait plus dit quoi.

Nadine Trocmé : Ça s’est passé gentiment parce que vos enfants ont compris. En général les enfants, quand les parents leur disent : « Tu sais, si tu le dis à quelqu’un, il ne voudra plus jouer avec toi, il croira que tu es malade, etc. ». En général, les enfants se taisent. Mais je voudrais quand même revenir sur ce que vous disiez à propos de l’origine de votre propre virus, de votre séropositivité. Moi, je crois, je ne sais pas si on est obligé de dire à son enfant qu’on a été toxicomane ou… après tout, on peut très bien dire à un enfant : « C’est ma vie privée, des histoires de grandes personnes, tu verras toi dans ta vie après, il y a des choses qu’on fait et qu’on ne fait pas ».

Zina : Si je leur ai dit c’est, alors ils étaient plus grands, je ne l’ai pas di tout de suite. C’était dans le but de prévention. Pour dire, fais attention. J’avais peur du fait que moi j’étais tombée dans ça, je me disais j’espère que mes enfants. C’est peut-être un peu bête, je ne sais pas, peu importe. Mais j’étais dans cette peur et du coup j’ai fait ça en prévention aussi pour leur dire voilà, si tu fais ça, il y a des dangers, ça peut aboutir à ça.

Nadine Trocmé : Oui, ce n’est pas tabou, vous avez raison. On peut parler de tout avec des enfants dès lors où justement on met des mots et on met du sens sur leurs interrogations. Ce qui me gêne davantage, c’est que vous avez dit que vous avez fait une bêtise. Je pense que vous n’êtes pas obligé de parler de votre contamination comme une bêtise, comme si vous aviez fauté. Comme si bon, la vie c’est comme ça…

Zina : C’est vrai.

Nadine Trocmé : Montrer à ses enfants comme étant quelqu’un qui a fait une bêtise, ça me dérange. Parce que je pense que vous êtes une maman qui est capable de leur montrer le bon chemin…

Zina : Oui, parce qu’après ça induit la culpabilité. Je ne me suis pas exprimée non plus dans la culpabilité. J’ai quand même expliqué que je suis passée par des phases. Quand ils étaient petits, j’ai dit ça et je ne suis pas rentrée dans trop de détails. C’est vrai que ça peut impliquer la culpabilité qui en fait est très négative.

Jennyfer : Zina, pour ma part c’est vrai que par rapport à ma mère qui elle aussi fut toxicomane et a contracté le VIH comme ça, on m’avait aussi dit « bêtise » pour justement décrire un peu la chose. Après en étant plus grand on comprend plus, on nous explique plus. Moi je sais que dès petite, après ce n’était pas pareil parce que je l’avais justement. Mais dès petite, moi je ne sais pas si je le ferai ou pas avec mon enfant, je ne sais pas si vous trouvez que c’est une bonne idée, mais moi on m’apprenait le mode de contamination. Je les récitais par coeur. C’est vrai que je me dis d’un côté, au moins expliquer tous les modes de contamination à l’enfant, ça peut aider pour la compréhension et aussi à comprendre les risques comme tu disais pour la prévention.

Sandra : Zina, je vais te laisser le mot de la fin.

Zina : Je leur ai expliqué aussi comment on pouvait contracter le virus.

Sandra : On va bientôt passer à la rubrique culturelle, je vais te demander si tu as une dernière chose à dire aux auditeurs ?

Zina : Non, je vous souhaite une belle journée.

Sandra : Merci pour ta participation et j’espère qu’on t’entendra très prochainement à l’émission.

Zina : Ok. Bisous et bonne journée à vous.

Nadine Trocmé : Je voudrai revenir sur ce terme de bêtise et je voudrai dire pourquoi ça me dérange. Je pense que les enfants ont besoin d’avoir une bonne image de leurs parents. Une image de parents forts parce qu’ils se structurent avec cette image-là. Nous ne nous dévalorisons pas en tant que parents parce que nous sommes séropositifs aux yeux des enfants. On n’a pas besoin de dire qu’on a fait une bêtise pour se justifier de la séropositivité. Je crois que la séropositivité on ne l’a pas acquise en faisant exprès ce qu’il ne fallait pas faire. Je crois qu’aux oreilles des enfants, c’est comme ça que ça peut être interprété.

Yann : Et ces sacrés garnements vont l’utiliser en plus en disant : « J’ai fait une bêtise mais toi aussi tu avais fait une bêtise une fois ». Ils n’oublient rien.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

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