Sandra : Direction l’inde. Vivre avec le VIH en Inde. On va parler de ça tout de suite. D’abord, il faut savoir que «vivre avec le VIH en Inde, en Afrique, en Asie ou encore en Chine où on ne sait rien du tout. Lorsqu’on parle du VIH dans ces pays-là, il n’y a rien, absolument rien de comparable avec tout ce qu’on peut dire du VIH dans un pays occidental, dans un pays où tous les moyens sont là pour avoir mis l’épidémie et la pandémie à l’extérieur.
Ce que je viens de vous dire, ce n’est pas mon petit doigt qui l’a dit mais André Mâge, qui s’occupe avec sa femme et d’autres personnes d’une association qui s’appelle Help India. André Mâge a participé par téléphone à l’émission de radio Vivre avec le VIH. Il avait dit ceci :
«Pour nous qui nous sommes sur le terrain depuis 10 ans, qui vivons en milieu de personnes infectées constamment, en faisant une statistique qui nécessiterait d’être un petit peu développée, on peut considérer que l’Inde aujourd’hui a probablement entre 15 et 20 millions de personnes infectées et est probablement le pays au monde voire plus que l’Afrique totale, en nombre de personnes infectées».
Êtes-vous déjà parti en Inde Rosita et Wilson ?
Rosita : Non, je ne connais pas l’Inde. J’aurais bien souhaité aller pour visiter. Je ne connais pas du tout.
Wilson : Moi non plus, je ne connais pas l’Inde. Mais ça me dirait bien de découvrir l’Inde notamment pour ses… oh j’ai oublié comment on dit ça…
Sandra : Peut-être ça te reviendra tout à l’heure ? Ce n’est pas grave. Je vous propose d’écouter André Mâge, je lui avais posé une question, est-ce que le VIH est tabou en Inde ? Nous allons l’écouter tout de suite.
Début de l’enregistrement.
André Mâge : C’est très difficile de répondre à cette question parce qu’il y a tellement de fléau et de misère en Inde que rien n’est tabou puisqu’il y a tout. Comme je vous l’ai dit, souvent le VIH se surajoute à autre chose donc il est souvent, d’ailleurs quelque chose qui m’étonne, il est souvent regardé par les pauvres comme un emmerdement de plus, un truc de plus, etc. J’aurai tendance à dire que c’est la classe moyenne, la classe haute qui est en train de rendre le VIH tabou parce qu’on est en train de l’approcher avec le même regard que les occidentaux riches l’ont approché à une époque. La maladie honteuse, la maladie du sexe. Aujourd’hui on parle par exemple en Inde des homosexualités ou des prostituées comme étant un vecteur et ça, c’est du pipeau. Je peux vous dire que, si demain en Inde, uniquement les homosexuels et prostitués étaient porteurs du VIH il n’y aurait plus d’épidémie du tout. 90% du VIH dans le monde est transmis par un rapport hétérosexuel. C’est pour ça qu’il y en a marre de parler des homosexuels comme étant le vecteur. 9 fois sur 10, c’est des rapports hétérosexuels qui transmettent le VIH. Peut-être que ce n’est pas le cas en occident, ça, je ne sais pas. Mais pour l’Inde c’est le cas. Et donc, si vous voulez, c’est plus les classes riches qui premièrement renient les pauvres, il y a encore le problème de castes en Inde en plus, etc. qui mettent au ban de la société le VIH. Mais dans les classes pauvres, nous on fait des préventions en village avec des films et tout, on est très bien accueilli. J’aurai tendance à dire qu’on rencontre les deux, on rencontre un tabou qui est véhiculé par la société riche, qui n’a pas envie de voir les drames qui ne vont pas et puis les pauvres qui sont prêts à aborder le problème quoi.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : André Mâge au micro de l’émission de radio Vivre avec le VIH. Je vous invite à retrouver l’intégralité de ce témoignage sur notre site comitedesfamilles.net, c’était l’émission de radio du mardi 24 mars. Qu’est-ce que vous pensez de ce qu’il vient de dire ?
Wilson : Effectivement dans les classes riches, dites riches, ou bourgeoises en fait, je pense que la question du VIH c’est quelque chose qui reste énormément mal vécu, énormément diaboliser parce que là en fait on touche à un mythe, quelque chose qui… je ne sais pas s’il faut appeler ça mythe mais quelque chose qui vient en quelque sorte souiller la classe riche, la bourgeoisie. Donc c’est toujours extrêmement mal perçu. La classe riche c’est quelque chose qui fonctionne avec un faire-valoir, une façade. On a toujours faire besoin de faire percevoir la meilleure facette de cette classe-là. C’est comme ça. Des pathologies, des maladies qui viennent un peu ternir, qui viennent un peu parasiter. Tout ce qui est négatif pour la classe riche est toujours mal perçu. C’est comme ça.
Rosita : Je pourrai dire que, ce qui se passait il y a quelques années en Afrique, c’était plus ou moins pareil, c’était une maladie honteuse. Mais aujourd’hui, ça a tendance à changer, ça a beaucoup changé donc je pense que c’est un problème de temps, je pense qu’il faut que les Indiens puissent être mobilisés, se mobiliser, en parler, faire beaucoup de bruits à travers cela pour que les choses changent parce qu’en Afrique c’était pareil, il y a quelques années, c’était une maladie dont on ne parlait pratiquement pas. C’était vraiment très honteux. Mais aujourd’hui ça a beaucoup changé. J’y vais de temps en temps mais vraiment, les familles, tellement qu’on est… on n’en parle plus, pratiquement plus. Je pense que ça viendra avec le temps si les gens vraiment se mobilisent sur ça et essayent d’en parler, les associations. Il faut qu’il fasse beaucoup de bruit et je pense qu’avec le temps les choses pourront changer. Mais c’est vraiment dommage qu’on puisse penser cela, c’est vraiment dommage.
Sandra : Est-ce qu’on peut savoir de quel pays tu parlais précisément en Afrique ?
Rosita : Du Congo Brazzaville. On vit avec tout le monde, les gens qui sont concernés, à peine si on parle d’eux. Ils ne sont pas pointés du doigt, ça se passe vraiment très bien.
Sandra : C’est une maladie comme les autres, on en parle, on comprend comment se protéger, qu’on peut vivre avec ?
Rosita : Oui surtout que, le Congo Brazzaville, il n’y a que pratiquement 3 à 4 millions d’habitants donc les gens se connaissent du coup, tout le monde se connait et du coup ça se passe très bien.
Sandra : D’accord, il n’y a pas de stigmatisation.
Rosita : Peut-être dans les villages mais en tout cas en ville, beaucoup de choses ont changé. Presque dans chaque famille je peux dire, il y a peut-être une ou deux personnes concernées. C’est ce qui fait qu’avec les nouvelles informations et tout, les gens sont pris en charge et du coup ça a tendance à beaucoup changer.
Wilson : Je rajouterai qu’en fait dans les populations les plus vulnérables, les plus pauvres qui sont touchées par le VIH, il y a un problème à un moment donné d’assumer la maladie en fait. C’est-à-dire que lorsqu’on est soi-même, on culpabilise à vie, on ne peut pas sortir du placard. On ne peut pas aller vers les autres qui sont touchés par la même pathologie que soi. Donc on le vit mal. Les autres en fait, on est complètement délaissé pour compte. Plus on sort du placard, plus on fait des actions, plus on se retrouve entre nous, on le dit d’ailleurs, à plusieurs on est fort. Moi je veux juste aborder le sujet psychologique de la pathologie. Quand on annonce la maladie pour la première fois, on est choqué. Mais on doit passer à un moment donné au-delà. Moi j’étais, il y a quelques années, pendant 2-3 ans j’étais au Gabon et j’étais à une permanence pour les personnes qui sont touchées. Je suis allé voir comment ça se passait en fait. Je me suis rendu compte que les malades alors qu’ils étaient touchés, ils ne se parlaient pas à la consultation. Ils avaient des visages qui fuyaient le regard des autres alors que vous êtes dans le même pétrin vous pouvez discuter, vous pouvez parler. Déjà là, si on n’a pas passé cette étape, les autres étapes ça va être toujours une guerre, un problème parce que, lorsqu’on est malade, il y a plusieurs combats à mener, le combat psychologique, le combat économique, le combat pour être accepté en tant que malade. Donc déjà, il faudrait déjà s’accepter soi-même, pour faire face aux autres conflits, aux autres difficultés.
Sandra : Merci Wilson pour ton témoignage. J’avais une autre question pour toi Rosita. Tu disais qu’au Congo Brazzaville, quand tu y vas, il y n’a pas de problème avec le VIH, on peut en parler…
Rosita : J’aimerai parler de moi précisément parce que bon, ma famille elle est au courant de ma séropositivité, mes amis également mais en tout cas vraiment, on peut en parler ou ne pas en parler. Vraiment ça se passe très bien. À l’époque, il y a peut-être une dizaine d’années, c’était vraiment tabou, on n’en parlait pas. Mais aujourd’hui bon, c’est vrai que moi qui viens d’ailleurs, d’Europe, ça se passe peut-être mieux avec moi parce que je suis bien suivie, je ne sais pas si c’est cela mais ceux qui sont là-bas, c’est vrai qu’ils n’en parlent peut-être pas, mais au moins ils vivent mieux en famille, ou bien avec les amis qu’à l’époque où vraiment c’était quelque chose de honteux. C’était vraiment honteux pour sortir dans la rue. Il y en a même qui se suicidaient quand ils apprenaient qu’ils étaient séropositifs. Mais aujourd’hui , comme les gens sont pris en charge, ils n’en parlent peut-être pas mais au moins le regard de l’autre est moins fuyard, c’est-à-dire qu’on ne sent pas tout à fait comme si on avait la peste ou la lèpre et tout. Ça se passe mieux.
Sandra : Les gens ont facilement accès au traitement ?
Rosita : Oui, ils sont accès au traitement. C’est vrai qu’il y a parfois des retards, des ruptures.
Sandra : Ça, c’est grave quand même
Rosita : Oui, c’est quand même grave mais vous savez c’est quand nous sommes dans un pays où les choses ne se passent pas toujours très bien et tout. Mais j’ai côtoyé quelques personnes qui sont concernées mais elles me disaient que non, elles étaient suivies et qu’à part quelques ruptures, mais le reste, même la maladie, telle qu’on le pensait avant, on n’est plus tellement…. J’étais même surprise de voir une petite de 16 ans qui est née avec et elle se portait très bien. Je lui ai posé plusieurs questions, et elle me disait que ça se passe bien, qu’il y ait rupture ou pas, elle n’avait pas de problème. Elle allait je crois 1 fois tous les 4 mois à l’hôpital mais elle n’avait pas d’effet indésirable. Elle ne ressentait pas du tout. Vraiment j’étais surprise de la voir vraiment en forme et tout et elle va à l’école normalement. Donc de ce côté-là, il y a eu beaucoup d’efforts. On n’est plus stigmatisé comme avant. Ça se passe vraiment mieux. Les gens ont compris que c’est finalement tout le monde qui peut l’avoir, les gens ne se protègent pas vraiment. Ils se protègent mais ce n’est pas tout le monde qui se protège. Donc du coup, c’est pour ça que je dis que dans beaucoup de familles, il y a au moins une ou deux personnes qui sont concernées du fait que les gens sont un peu informés, ils ne font plus tellement attention à ça.
Sandra : C’est dommage, il y a des avantages et des inconvénients.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
Vous avez une question par rapport à cet article ?
Elle a peut-être déjà été traitée dans notre section FAQ
Vous ne trouvez pas votre réponse ou vous avez une remarque particulière ?
Posez-nous votre question ici :